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RAWA : Femmes et voix d’un peuple

Partisan N°227 - Avril 2009

Lyon

Pour protester contre l’envoi de troupes françaises en Afghanistan, un large collectif d’organisations de gauche avaient appelé à une manifestation le 20 septembre 2008. Au cours de la préparation de cette manif, nous avons pris note des divergences au sein du collectif entre ceux et celles qui exigent le retrait de toutes les troupes occupantes, et ceux et celles qui en appellent à une « intervention internationale » sous l’égide de l’ONU. Comme nous évoquions le soutien nécessaire aux forces progressistes en Afghanistan, nous avons constaté que certaines et certains militants ne s’imaginaient même pas que de telles forces puissent exister (de bonne ou de mauvaise foi) ! C’est alors que l’idée a germé de mieux faire connaître le combat de l’Association Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan (RAWA), en invitant en France une militante de cette association comme cela avait été fait il y a six ans. Nous nous sommes rapidement retrouvés au sein d’un collectif rassemblant plusieurs organisations, associations et individus de sensibilités différentes, mais unis sur la base du retrait de toutes les troupes occupantes et du refus de considérer les fondamentalistes religieux comme une alternative soutenable.

En deux mois, ce collectif s’est trouvé des correspondantes et des correspondants dans toute la France et une tournée nationale d’une militante de RAWA a été mise sur pied. L’enthousiasme était grand et les membres du collectif ont rivalisé d’idées originales d’initiatives financières pour soutenir RAWA (un concert, une tombola, un mémorable RAWA Sound System). Des diffusions de tracts dans les quartiers populaires de l’agglomération ont permis de faire connaître plus largement la situation en Afghanistan et l’existence d’une alternative progressiste. Pour la région lyonnaise, trois rencontres ont été mises sur pied, dans une banlieue ouvrière et une ville des environs. Ces rencontres ont réuni autour de 400 personnes. A Lyon, le public a longuement ovationné debout l’intervention de Sara, la représentante de RAWA. L’extraordinaire force militante qui se dégageait de ses interventions a vivement impressionné le public. Les soirées ont été animées, et les questions variées ont permis à Sara d’apporter un éclairage concret sur le courage d’un peuple qui résiste à la réaction intérieure et aux forces occupantes.

Numériquement faibles mais avec détermination, nous avons organisé en très peu de temps une vraie action anti-impérialiste qui a permis de faire entendre une autre voix sur l’Afghanistan bien au-delà des cercles militants habituels. Avec des positions politiques claires et fermes, on peut mobiliser davantage qu’avec de larges fronts sans principe ni contenu. C’est d’ailleurs la leçon des militantes de RAWA qui n’auraient jamais pu résister aussi longtemps dans un contexte aussi difficile si elles n’avaient pas gagné le respect du peuple en refusant les compromis opportunistes. Les activistes progressistes afghans qui ont cherché depuis 30 ans à s’allier avec l’impérialisme et la réaction ont toutes et tous quitté la scène, souvent liquidés par ceux-là même qu’ils ou elles avaient pris pour des allliés. « Dites à ceux qui veulent nous acheter qu’ils ont frappé à la mauvaise porte : RAWA n’est pas à vendre. »

Correspondance VP-Lyon

La Courneuve (93)

Message de solidarité internationale à RAWA, lu lors de la rencontre au local d’Africa, à La Courneuve, le 18 février 2009.

“A l’approche du 8 mars, journée internationale des Femmes dans le monde entier, Voie Prolé-tarienne-Partisan adresse à RAWA le message suivant : Nous sommes saisis d’admiration et d’émotion face à votre courage dans le combat quotidien que vous menez contre deux ennemis : les Talibans et fondamentalistes, mais aussi les forces d’intervention étrangères auxquelles participe la France aux côtés des USA.

Votre combat déterminé nous rappelle le devoir que nous avons de nous opposer au renfort des troupes militaires européennes envoyées en Afghanistan sous prétexte de soutien au combat des femmes pour leur émancipation, en réalité pour « défendre nos intérêts et nos valeurs » comme l’affirme le président Sarkozy. Le combat que vous menez est également un exemple pour nous, femmes des pays européens, en tant que combat féministe :

Vous nous rappelez que ce combat se mène au quotidien dans les familles, contre la soumission à la domination archaïque des hommes sur les femmes ; dans l’éducation, transmise à nos filles et nos garçons, pour construire demain des rapports différents, égalitaires, entre hommes et femmes. Votre combat porte aussi sur l’accès à des droits humains fondamentaux pour tous : accès aux soins, accès à la liberté d’expression, à tous les droits civiques, dont le droit de vote n’est qu’un exemple parmi d’autres au quotidien : se réunir, exprimer par la presse, la radio, la télévision, internet, les opinions publiques que l’on a, sans subir les atroces répressions et condamnations à mort que connaissent les journalistes indépendants d’Afghanistan (tel que récemment Pervaiz Kambakhsh).

Bien au-delà de la journée symbolique du 8 mars, c’est chaque jour que se mène ainsi le combat des femmes dans tous les pays du monde, mais RAWA constitue pour nous tous et toutes un phare et un exemple : par votre courage, vous nous donnez du courage ! C’est pourquoi nous exprimons ici notre solidarité internationale en tant qu’organisation révolutionnaire et féministe.

Votre combat est le nôtre, il triomphera demain. Salutations amicales et communistes”

Paris

Mardi 14 février, à la Bourse du Travail de Paris, 60 personnes étaient présentes, attentives à l’exposé et aux réponses des deux militantes de RAWA.

Après l’annonce d’Obama et de Sarkozy d’augmenter les troupes en Afghanistan, les militantes de RAWA sont claires : la présence supplémentaire de forces occidentales ne va rien changer. Au contraire, elles envisagent plutôt une aggravation de la situation.
Après le 11 septembre 2001, les Afghans ont cru que l’intervention américaine apporterait un mieux, une solution à leur malheur. Mais 8 ans après, le peuple meurt de faim, de froid, du manque de soins médicaux. Les femmes sont enlevées, violées, brulées à l’acide et réduites au suicide, alors que les criminels restent impunis, excusés par le pouvoir en place.
Aujourd’hui, RAWA affirme devoir lutter contre quatre ennemis : les talibans, les fondamentalistes et seigneurs de guerre proches du pouvoir, le gouvernement, et les 41 pays étrangers présents. La réalié afghane n’est pas celle décrite dans les médias ; les écoles sont certes ouvertes aux filles, mais vides. La burqa n’est plus obligatoire mais reste un rempart contre les agressions. Pour RAWA, enlever la burqa n’est pas un symbole de libération : le problème de l’Afghanistan est au-delà. La liberté d’expression est chaque jour étranglée. Les journalistes qui tentent de rendre compte de la réalité du pays, mëme dans un cercle restreint, sont exécutés ou enfermés par les fondamentalistes et le gouvernement. Le pouvoir tente de faire oublier que la mortalité est en constante progression, que le pays n’est pas sûr pour la population mais un paradis pour les truands de toutes sortes.
La première revendication de RAWA est le retrait de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan.
Elles ont un besoin concret de soutien politique des groupes démocratiques et progressistes du monde mais aussi d’un soutien financier.

Être une militante RAWA en Afghanistan

Etre militante RAWA, c’est vivre dans l’insécurité et la clandestinité permanente. C’est prendre des précautions pour toutes les actions du groupe (sortir du pays, se déplacer à l’intérieur…) et craindre à tout moment des représailles.
Etre militante RAWA, c’est, convaincre les pères, les frères de la nécessité d’envoyer leurs enfants, filles et garçons, dans les écoles. C’est faire la différence entre les fondamentalistes, les talibans et les gens normaux. Ceux-ci peuvent changer d’avis car ils voient leur intérêt et veulent aussi leur liberté.
Etre militante RAWA, c’est tenter de prendre contact avec les femmes grâce aux cours dispensés et avoir l’objectif que toutes puissent donner leur opinion et adhérer malgré la pression des hommes.
Etre militante RAWA, c’est être dans une organisation exclusivement de femmes ayant gagné leur émancipation au regard de leur famille parce qu’ « avant de libérer le pays, il faut se libérer soi même ».
Etre militante RAWA, c’est devoir compter malgré ça sur les hommes qui adhèrent à leurs idées pour militer.
Etre militante RAWA, c’est considérer que, plutôt que de baisser les bras face à tous ces ennemis, on peut être la voix du peuple qui souffre, on peut être la voix des plus opprimées : les femmes.

Philomène Toucoure

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