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Algérie : Il y a 40 ans...

Article de Partisan n°94 - Novembre 1994

La mémoire courte du PCF

Si l’on interroge aujourd’hui un militant du PCF, nul doute qu’il répondra que le PCF a toujours soutenu la lutte des algériens pour leur indépendance. Il sera, en cela, tout à fait fidèle à ce qu’affirmait en 1964 Maurice Thorez, secrétaire général du PCF. Ainsi
disait-il, "Fidèle aux principe de l’internationalisme prolétarien, et au nom de l’intérêt bien compris de la France, nous avons soutenu dès le premier jour, ce juste combat".

 

Mais tout cela n’est qu’une légende. Lorsque l’insurrection est déclenchée le 1 novembre 1954, la première réaction du PCF est de condamner celle-ci, comme il l’avait déjà fait des manifestations nationalistes de Setif en 1945. Dans le même temps où il condamne le soulèvement, il affirme "sa solidarité avec le peuple algérien dans sa lutte de masse contre la répression et pour la défense de ses droits". C’est là encore la condamnation implicite de l’insurrection pour l’indépendance nationale, au nom de la lutte de masse seule légitime.

 

Il faut dire qu’alors pour le PCF la lutte nationale n’est pas à l’ordre du jour, puisque l’Algérie est "une nation en formation", dont il voit l’avenir dans une union du peuple de France et des peuples coloniaux, dans une union de peuples égaux dans le cadre de rapports d’états maintenus avec la France (1956). En 1956, le PCF accepte de voter les pleins pouvoirs au gouvernement dirigé par le socialiste Guy Mollet, qui va les utiliser pour envoyer les appelés de l’année en Algérie et renforcer la répression. Il ne désavouera jamais ce soutien fait au nom d’une politique du "moindre mal".

 

Le développement de la lutte armée en Algérie, et le soutien qu’elle reçoit des ouvriers algériens en France, obligent le PCF à reconnaître la réalité du "Fait national algérien". En 1958, le PCF réalise un nouveau virage. il reconnaît et dit soutenir les aspirations à l’indépendance du peuple algérien, mais tend tous ses efforts pour obtenir la paix par la négociation. Comme le disait le même Maurice Thorez "la paix est la seule issue correspondant aux intérêts de la France".

 

Jusqu’alors le PCF ne parle pas du FLN, mais seulement de "ceux contre qui on se bat". Le PCF prend le tournant en 1959. Il court derrière De Gaulle qui vient d’accepter le 16 septembre 1959 le principe de l’autodétermination pour le peuple algérien. Il reconnaît alors le FLN comme seul représentant du peuple algérien, et affirme son droit à l’indépendance.

 

La référence au droit à l’indépendance pour le peuple algérien est une affirmation de principe qui ne débouche sur aucune implication pratique de soutien. En fait l’indépendance est toujours une affirmation subordonnée à la Paix (sans contenu puisque beaucoup à droite comme à gauche sont pour la paix), aux intérêts véritables de la France, puis lorsque l’OAS fera des attentats en France à la lutte contre le Fascisme. Il y aura la grande manifestation de Charonne en 1962, puis celle de l’enterrement des 9 morts de Charonne, toutes dirigées contre l’OAS et le fascisme. Mais aucune pour dénoncer la tuerie des manifestants algériens du 17 octobre 1961. Jamais le soutien ira d’abord aux droits du peuple algérien. Jamais ne sera dénoncé l’impérialisme français, ni le chauvinisme. Bien au contraire, c’est au nom de l’intérêt de la France, de la démocratie en France que le PCF mobilisera pour la Paix.

La fracture entre les ouvriers algériens et français ...

Cette attitude politique se concrétise dans la classe ouvrière par un fracture entre les ouvriers français et leurs organisations et les travailleurs algériens. Aux usines Renault de Billancourt, où 5000 algériens travaillent, le FLN est implanté et a le soutien militant de 1500 d’entre eux.

 

En 1957 la conférence de section du PCF de Renault affirme "l’intérêt de la France exige que soit mis fin au plus tôt, à la guerre d’Algérie. une Algérie libérée, où tout est a construire, pourrait constituer un débouché considérable pour notre économie, pour le grand bien des deux pays". Ce sont là des motivations bien étrangères à l’internationalisme prolétarien.

 

En fait le PCF désapprouve tout soutien aux algériens et au FLN, et toute participation à des actions illégales. Le paravent en est l’impréparation de la classe ouvrière française et la nécessité de développer une lutte de masse. Mais lorsque les travailleurs algériens déclenchent des grèves de masse en juillet 56, Février, avril et juillet 57, le PCF ne réponde nullement à l’appel au soutien que les algériens adressent à leur frères de classe.

 

Le chauvinisme du PCF renforce le sentiment chez les travailleurs algériens d’une appartenance à une communauté qui se définit face à une communauté française hostile. Les militants algériens membres du PCF déchirent leur carte. A Saint Denis en 1956, une délégation du PCF de Renault, composée en majorité d’Algériens, rencontre le comité central du PCF pour lui demander des comptes sur son vote pour les pleins pouvoirs. La rencontre est un dialogue de sourds. Après celle-ci les algériens démissionnent collectivement du PCF.

 

Les membres du PCF ou de la CGT qui mettent leur pratique en accord avec leurs principes internationalistes, le font donc contre leur parti ou leur organisation syndicale. Les cas de soutiens individuels ne sont pas rares dans les ateliers. Mais les membres de ces organisations arrêtés par le police française pour soutien au FLN en sont exclus. Ainsi une secrétaire employée par la CGT, Francine Riquier, arrêtée pour avoir transporté des tracts de l’AGTA (Amicale générale des travailleurs algériens : organisation de masse du FLN dissoute en 1958), est immédiatement exclue du PCF, de la CGT et licenciée de son emploi par le syndicat. En 1961 une infirmière de Renault arrêtée sera exclue pour une raison semblable du PCF.

Un jugement toujours d’actualité ...

L’ACTA pourra écrire dans une lettre à un ouvrier français : "tu as mal compris nos grèves, nos manifestations, surtout lors des débats à l’assemblée de l’ONU. Mais toi, as-tu fait tout le nécessaire pour que nous n’en arrivions pas là ? (...). C’est dans les moments difficiles que les principes valables et vivants s’affirment : tu as souvent parlé d’internationalisme prolétarien, des droits de l’Homme et de morale internationaliste. Je voudrais simplement que ta fasses tout pour sauver les tiens du jugement des peuples, du jugement de l’Histoire. (...) C’est avec amertume que (nous constatons ( l’absence d’une solidarité effective et agissante f des travailleurs français(. Certes nous aurions voulu faire l’éloge de leur solidarité - qui serait pourtant chose naturelle entre ouvriers - hélas ! Les faits nous obligent d dire le contraire." (L’ouvrier algérien en France Sept 57)

 

Depuis ces années de lutte, le chauvinisme justement critiqué par les militants algériens n’a pas cessé de dominer les organisations se réclamant de la classe ouvrière. Il n’a pas cessé de dominer et d’engendrer la méfiance de nos camarades d’origine étrangère à l’égard des travailleurs français dont les principes restent des affirmations sans conséquences. Aujourd’hui, une autre époque mais toujours un fossé entre travailleurs français et immigrés ou jeunes issus de l’immigration. La condamnation du port du foulard par exemple, et la crainte d’un repli communautaire autour de l’Islam seraient autrement perçues par les jeunes issus de l’immigration si les laïques mettent leurs principes (ami-racistes en particulier) en accord avec leur actes et se mobilisaient réellement contre les attaques insidieuses que subissent les immigrés ou ceux de nos camarades qui sont d’origine étrangère.

 

L’appel des ouvriers algériens est 40 ans après encore d’actualité.

 

GF

 

Nota : Cet article doit beaucoup à un intéressant mémoire de Paris VIII sur les ouvriers algériens à Renault Billancourt 1954-1962.

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