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Quel parti ? Blanqui ou Lénine ?

Partisan N°230 - été 2009

Dans le jeu politique actuel, le prolétariat en général et la classe ouvrière en particulier ne se reconnaissent dans le programme d’aucun parti. Ils constatent qu’ils ne sont rien, qu’une force d’appoint à une politique définie sans eux, c’est-à-dire contre eux par les partis ralliés à la logique capitaliste. Le prolétariat n’est rien sans un parti communiste révolutionnaire qui assure son indépendance politique face à la bourgeoisie et à son influence. Mais quelles relations entre le parti et la classe ouvrière ?

BLANQUI a passé 36 années en prison pour avoir organisé des sociétés secrètes contre la monarchie de Juillet (1830-1848) et contre le second Empire (1851-1870).
Il joua un rôle important dans la révolte du prolétariat parisien en juillet 1848 et pendant la Commune de Paris (1871). Reconnaissons à Blanqui le mérite d’avoir lutté sans cesse et sans compromis pour la destructionde l’Etat bourgeois, organe de répression de la classe dominante et pour construire l’organisation du prolétariat.
Mais Blanqui estimait que seule une avant-garde, « une minorité agissante » pouvait être consciente des intérêts véritables des ouvriers et pas les ouvriers eux-mêmes.
Cette minorité devait comploter, préparer l’insurrection contre l’Etat bourgeois en entraînant la masse des travailleurs révoltés par telle ou telle mesure du gouvernement sans que ceux-ci aient participé à définir la stratégie de la révolution et la tactique.
Il faut revenir sur cette conception bourgeoise des relations entre parti et classe qui influence encore le mouvement ouvrier et pas qu’en France : le prolétariat devrait remettre la force de sa révolte entre les mains de « ceux qui savent penser et diriger », ou qui le prétendent comme les experts politiques et syndicaux.
Blanqui oubliait la masse des prolétaires en tant que force historique, la seule qui puisse mettre fin au capitalisme, en élevant son niveaude conscience et d’organisation.

LÉNINE. Déjà dans le Manifeste du parti communiste, en 1848, Marx voyait autrement la lutte de classe.
Lénine, lui, reprochait à Blanqui d’avoir sous-estimé le rôle historique du prolétariat et la prise en compte de ses intérêts matériels pour l’élévation de son niveau de conscience.
Lénine et les bolcheviks ont combattu les mencheviks qui voulaient limiter la lutte de la classe ouvrière aux revendications économiques et qui réservaient aux membres du parti l’élaboration de la politique.
Pour Lénine, les ouvriers devaient être acteurs de leur émancipation, pas des petits soldats au service d’experts politiques plus ou moins bourgeois et ambitieux. Leurs luttes économiques devaient être transformées en luttes politiques avec l’aide du parti qui devait rassembler en son sein les ouvriers les plus conscients, l’avant-garde ouvrière.
Le parti communiste ne pouvait être autre chose que l’éducateur politique, l’organisateur du prolétariat, élaborant et appliquant avec lui son programme de révolution sociale qu’il soumettait à l’avis du plus grand nombre possible. Est-ce un hasard si la première révolution prolétarienne a eu lieu en Russie, pays capitaliste maiséconomiquement arriéré ?
Beaucoup de cadres bolcheviks, dont Lénine, ont été forcés d’émigrer. Pourtant l’organisation en Russie autour d’un journal, les cercles de propagande souvent animés par d’anciens ouvriers ont permis que la classe ouvrière, encore jeune et peu nombreuse, sauf dans quelques grands centres industriels, fasse corps avec son parti.
Mais pour cela, il faut que les communistes soient en contact étroitavec la classe ouvrière et donc aussi formés par elle dans la luttede classe.
C’était le cas de l’Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière de Saint Pétersbourg animée par Lénine et Plékhanov avant leur exil.

ET NOUS. Faudrait-il parler de Blanqui si sa conception de la minorité agissante ne faisait pas encore des ravages ?
Un exemple : qu’il y ait dans une entreprise des délégués syndicaux et du personnel, l’institution syndicale s’en contente. Peu importe si la section syndicale ne se réunit pas, pour débattre et décider comment informer l’ensemble du personnel, mobiliser et donner son point de vue sur les propositions de la confédération. Peu importe si un syndiqué concentre sur son nom toutes les responsabilités et heures de délégation au détriment d’un travail collectif.
Faut-il s’étonner alors du scepticisme des ouvriers par rapport aux organisations syndicales ou politiques ? Avantgardes autoproclamées, responsables syndicaux « experts en négociation », mais en quoi cela fait-il avancer la cause ?
Tous sont coupés de la masse des travailleurs, n’apprennent rien d’eux, de leur riche expérience et les méprisent dans le fond. Ils justifient la collaboration de classe qu’ils pratiquent, par l’absence de réaction radicale des travailleurs qu’ils ont contribué à désorganiser.

L’Ocml-Voie prolétarienne aujourd’hui, pour reconstruire un parti communiste, s’efforce d’enquêter sur la classe ouvrière, de construire des cercles ouvriers, de former tous ses membres et ses sympathisants à écouter, dialoguer pour se dégager de l’influence bourgeoise, y compris dans les questions d’organisation.
Nous sommes pour un parti d’avant- garde de la classe ouvrière, mais qui ne prétend pas tout savoir ni jamais se tromper, qui ne se substitue pas à la classe et sait aussi se mettre à son école.
Le mouvement révolutionnaire naîtra de la confrontation entre communistes authentiques et prolétaires contre le point de vue blanquiste qui les oppose et les cloisonne.
Le lien entre le prolétariat et le parti révolutionnaire doit être assez fort pour renverser la bourgeoisie.
Quelle force pourrait transformer la société de fond en comble et supprimer l’exploitation ? Le parti seul ? La minorité agissante ?
« Il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni César, ni tribun. Producteurs sauvons-nous nous-mêmes ! » dit l’Internationale.

Andrée Baumann

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