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Le FRONT DU 14 JANVIER tunisien

à PARIS

A l’initiative du Front du 14 janvier, une réunion centrée sur un hommage internationaliste aux luttes des femmes s’est déroulée le 16 mars dernier à Paris. Femmes En Lutte 93 a participé à ces témoignages sur les luttes des femmes en Tunisie, Palestine, France.
Au lendemain de cette réunion, on apprenait qu’à Tunis venait de se dérouler une importante manifestation populaire impulsée par des partisans de l’islam politique qui revendiquent l’intégration de la charia à la nouvelle Constitution. Aussi, le point que nous avons retenu ici est l’enjeu de la laïcité : est-elle ou non un outil pour la défense et la protection des droits des femmes ?

 

En Tunisie récemment, une ministre s’est déclarée pour le « mariage coutumier », une pratique qui, de fait, inscrit la domination de l’homme et l’absence de droit de la femme dans le couple. Dans les rues, on assiste à des agressions de femmes dont la tenue vestimentaire ne plaît pas aux « gardiens des valeurs » islamistes. Dans l’enseignement secondaire et dans les facultés, des professeurs sont aussi agressées car certaines matières enseignées ne plaisent pas : arts plastiques, biologie.. Face à ces dérapages, que fait le gouvernement en place ? Il parle de « nos frères salafistes »… Souvenons-nous que récemment, il a laissé pourrir pendant deux mois le conflit qui opposait des étudiantes en niqab voulant imposer leur tenue dans la faculté de la Manouba.
Ces exemples récents nous montrent les conséquences, dans la vie des femmes au quotidien, de l’application d’une autorité religieuse à tous les aspects de la vie sociale : comment on doit s’habiller, sur quels sujets on a le droit de s’instruire, comment l’égalité entre femmes et hommes dans le cadre de leur vie privée s’inscrit ou non dans la loi… C’est de tout cela qu’il s’agit.
Mais des années de dictature n’ont pas permis aux associations de femmes comme l’ATFD, l’AFTURD (1), et d’autres, de mener un travail en profondeur pour faire avancer ce combat pour la laïcité dans les têtes et dans les modes de vie . Aussi, quand on parle de défendre la laïcité, comme c’était le cas dans la manifestation de fin août 2011 qui a eu du mal à mobiliser au-delà des militants convaincus, il y a confusion : beaucoup de gens entendent « athéisme » forcé, rejet de la religion, et perçoivent que ce combat vient de l’extérieur, correspond aux façons de vivre et de penser ailleurs que dans les pays de tradition et de culture musulmane…

 

En Algérie, la question de la laïcité, un enjeu primordial pour les femmes : c’est ce que déclare une camarade algérienne qui évoque les conflits des années 1990 entre deux universités, l’une étant le siège du FIS, l’autre une fac de Sciences Humaines résistant à l’islam politique. Les mouvements intégristes, selon elle, viennent de l’intérieur. Les porte-parole de la religion proclament la légitimité de leur autorité sur les orientations et décisions politiques. C’est ce lien qu’il faut remettre en question pour un véritable accomplissement des droits des citoyens, des femmes en particulier. Mais en Algérie, toute manifestation à ce sujet est actuellement impossible.
De ces témoignages, il ressort que la question de la laïcité représente un enjeu important pour garantir le respect de droits des femmes. Mais que la lutte pour la laïcité, pour être comprise du grand nombre, doit être menée en lien avec les combats contre l’exploitation et l’oppression.

 

B.C.

 

(1) Association Tunisienne des Femmes Démocrates ; Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement.

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