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D’où vient le sionisme ? D’Europe !

Partisan n°154 - Février 2001

Lorsqu’en mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance de l’Etat d’Israël, la guerre commence. Elle oppose d’abord Etat d’Israël et Etats arabes, ensuite armée d’Israël et palestiniens. Comment comprendre l’affrontement de ces peuples sinon à travers l’histoire de l’implantation du sionisme en Palestine ?

Car l’Etat d’Israël est la consécration de ce mouvement qui oeuvre depuis le 19e siècle pour le rétablissement de la souveraineté du peuple juif et son retour sur la terre de ses ancêtres. En apparence, le sionisme renvoie à la religion juive, terme apparu en Europe vers 1890.
Il évoque la colline de Sion où fut bâti le premier temple. Pourtant le sionisme n’a pas de base religieuse, c’est au contraire un mouvement politique et laïc étroitement lié au nationalisme et au colonialisme européens. Au 19e siècle, l’Europe bâtit ses nations. L’Italie et l’Allemagne naissent en 1870. En France, les maîtres d’école enseignent aux enfants l’amour de la patrie et le sacrifice pour la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine.
Dans l’empire d’Autriche-Hongrie, les peuples s’insurgent et revendiquent des Etats-nations indépendants.
Dans cette fièvre nationaliste qui submerge l’Europe, le « juif » devient le traître, le banquier apatride qui profite de la misère du peuple. Le nationalisme se construit contre l’autre, il produit l’antisémitisme. C’est ce qui comprend Théodore Herzl, fondateur du sionisme. Né en 1860, juif assimilé, journaliste viennois, il admire la France des Droits de l’Homme, celle qui prône l’Egalité. En 1895, la condamnation de Dreyfus la bouleverse. Il publie alors « l’Etat des Juifs » : les juifs doivent revendiquer une nation séparée de l’Europe, créer un « foyer national » sur « un morceau de la surface de la terre ». L’idéologie nationaliste de l’Europe du 19e siècle, la vague antisémite (pogrom d’Odessa en 1881) se combinent pour aboutir au sionisme.
L’autre dimension du sionisme est colonialiste. Car le 19e siècle est aussi la grande époque de l’expansion coloniale européenne. En 1881 à Berlin, les puissances d’Europe se partagent l’Afrique. En 1903, la Grande-Bretagne offre au mouvement sioniste « un morceau de la surface de la terre » : l’Ouganda ! Pour Herzl, le projet sioniste aboutira à la revendication d’un « foyer national juif » en Palestine. Le mouvement sioniste partage l’idéologie coloniale de son époque, qui mêle les prétentions à une « mission civilisatrice » au mépris de l’autre, non européen : ce que reflète le slogan « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».
Mais ce projet, reflet des idéologies colonialiste et nationaliste de l’Europe, restera longtemps minoritaire, combattu par les juifs religieux qui y voient un sacrilège et surtout par la majorité des juifs d’Europe qui recherchent l’assimilation et accusent les sionistes d’alimenter l’antisémitisme. Il faudra les persécutions des années 1930 pour voir affluer les juifs d’Europe centrale en Palestine : en 1935, la population juive représente 35% de la population de la Palestine. Il faudra surtout le génocide pour voir se former les files de rescapés des camps en attente du départ. Le sionisme devient alors pour eux le dernier recours. Et une calamité pour les Palestiniens, dont il empêchera l’émancipation nationale.

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