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Le sens de notre référence au maoïsme

Partisan n°161 - Novembre 2001

Voici 25 ans, le 7 septembre 1976, mourrait Mao Tse Toung dirigeant du Parti Communiste Chinois (PCC) depuis les années 30. Voie prolétarienne se réclame du Maoïsme. A notre dernier stage d’été, une sympathisante nous interrogeait sur le sens de cette référence. La question est toujours d’actualité. Revenons sur celle ci.

La révolution dans une Chine rurale et “féodale” (les ouvriers y étaient 2 à 3 % de la population), et proie des impérialistes, ne pouvait que suivre une voie différente de la révolution en Europe. Pourtant, notre critique des conceptions dont Staline fut le théoricien est le fruit du bilan tiré par Mao de l’expérience du PCC, de sa démarche dialectique et matérialiste. Il écrivait ainsi : “La défaite est la mère du succès. Partiels et momentanés, les actuels insuccès enrichissent l’expérience politique du prolétariat international et préparent les conditions qui permettent d’immenses succès dans l’avenir".
L’histoire de la révolution chinoise en apporte la preuve.

Le développement du maoïsme fruit de la lutte de classe.

- En 1926, le gouvernement nationaliste de Canton (dirigé par le Parti du Kuomintang), auquel participe le PCC, engage une campagne contre les forces liées aux impérialistes. Elle est un succès, grâce aux organisations paysannes et ouvrières dirigées par les communistes. Mais la majorité du Kuomintang est effrayée par le dynamisme des paysans qui s’attaquent aux propriétaires fonciers.
En avril 1927, Tchiang Kai-Chek, dirigeant militaire du Kuomintang, liquide les organisations ouvrières qui ont permis son entrée dans Shanghai. 30 000 ouvriers et communistes sont assassinés. Malgré cela, à l’automne, l’IC lance le PCC dans des actions insurrectionnelles qui échouent.
- Mao critique la stratégie de l’IC. Se basant sur l’analyse de la société chinoise, il définit une stratégie révolutionnaire où la paysannerie pauvre est force principale de la révolution et la classe ouvrière sa force dirigeante. Il crée une armée rouge. Il organise la tactique révolutionnaire autour de "bases révolutionnaires".
- En 1934, les bases rouges encerclées sont menacées d’écrasement. Contre l’avis du comité central du PCC, Mao organise la retraite (la Longue Marche) qui en un an et 10.000 km, va conduire l’Armée Rouge dans le Shanxi, où le PCC établit une nouvelle base. Pour Mao, ces bases rouges ne sont pas des bastions à défendre à tout prix. Il propose une grande mobilité, car "l’Armée rouge ne se bat pas pour se battre, mais uniquement pour faire de la propagande (...), pour organiser les masses, …".
- En 1937, le Japon envahit la Chine. Le PCC offre un Front uni anti-japonais au Kuomintang. La passivité de celui-ci et son attitude anticommuniste, permettent au PCC de prendre la tête de la lutte nationale démocratique.
- En 1945, le Japon vaincu, l’ennemi principal redevient le Kuomintang. Dans les zones qu’il contrôle, le PCC applique une réforme agraire, sans indemnisation des propriétaires fonciers. Le Kuomintang discrédité perd les campagnes. Dans les villes, les ouvriers et les intellectuels manifestent contre lui. Les armées nationalistes découragées ne peuvent empêcher, malgré l’appui américain, la victoire des communistes en octobre 1949.
- Le PCC prend le pouvoir sur un programme démocratique et national. Alors se pose la question de “comment aller vers le communisme ? Comment transformer les rapports sociaux, à la campagne et dans les usines ?”. Il a comme modèle l’URSS. Dans ce modèle, le développement de la production (des forces productives) est la condition préalable à la transformation des rapports sociaux ; le rôle des cadres et du parti sont privilégiés et le rôle des masses ignoré.
Mao s’oppose Liou Shao Shi, dirigeant important du PCC, sur la collectivisation à la campagne. Liou pense qu’il faut disposer de grosses machines avant d’organiser des coopératives. Pour Mao, c’est le contraire : " il faut d’abord créer des coopératives, avant qu’on puisse procéder à l’utilisation des grandes machines".
- En 1956, les ouvriers polonais et hongrois se soulèvent contre leurs gouvernements “communistes”. Cette crise du “camp socialiste” impose une critique plus nette du modèle soviétique. En 1957, le PCC publie une première réflexion sur l’expérience historique du socialisme, et Mao traite des contradictions sous la DDP dans "De la juste solution des contradictions au sein du peuple".
En 1958, Mao critique le Manuel d’Economie Politique de l’URSS écrit sous le contrôle de Staline. Il en trouve le contenu économiste et idéaliste. Il souligne contre celui-ci, l’importance de l’initiative des masses et de la lutte de classe comme moteurs de la transformation socialiste. D’où son mot d’ordre : "faire la révolution et développer la production".
- En 1958, Mao croit que le communisme peut être atteint en quelques années. Le
PCC, sous son impulsion, lance le Grand Bond en Avant dans le but d’accélérer la
transformation de la société, par la création de Communes populaires, nouvelle forme d’organisation de l’État, et le développement d’une production industrielle à la campagne (création de petits hauts fourneaux) pour surmonter la contradiction ville / campagnes.
L’initiative des masses est exaltée, mais elles sont peu préparées. Le Grand
Bond en Avant se solde par un recul économique, aggravé par des conditions climatiques défavorables. Le PCC considère celuici comme un échec. Les positions de Mao sont combattues.
- Après ce nouvel échec, Mao comprend que l’achèvement des tâches socialistes et le passage au communisme imposent une lutte longue. En 1963, il écrit que la "Chine peut changer de couleur". En 1964 dans une lettre ouverte aux Soviétiques, le PCC déclare que le triomphe définitif du socialisme sur le capitalisme demandera un ou plusieurs siècles.
L’échec du Grand Bond en Avant a permis le retour en force de la droite du parti, fidèle au modèle soviétique. En 1966, le comité central du PCC lance la Révolution Culturelle. Elle a deux objectifs : celui de destituer les membres du parti qui s’engagent dans la voie capitaliste, celui de former les successeurs des vétérans de la longue marche.
La déclaration d’août 1966 sur la Révolution Culturelle, fixe comme tâches aux "groupes, comités et congrès de la Révolution Culturelle" d’être "des organes du pouvoir de la Révolution culturelle prolétarienne", et d’être "des organisations de masse permanentes appelées à fonctionner longtemps". Organismes auxquels il faut appliquer un système d’élection selon les principes de la Commune de Paris.
La Révolution Culturelle est une lutte "dans les conditions du socialisme, contre la bourgeoisie et toutes les autres classes exploiteuses". C’est la première fois qu’un parti lance les masses contre lui-même et contre l’appareil d’État qu’il dirige. Les Maoïstes affirment ainsi que la garantie de la poursuite de la lutte révolutionnaire n’est pas dans un parti “clairvoyant en tout” et au-dessus des masses, mais dans un parti qui se régénère dans la lutte de classe, qui se soumet à la critique des masses.

Le bilan de la révolution Culturelle et Voie Prolétarienne

La révolution culturelle est riche d’expériences, mais elle n’empêchera pas la Chine de tomber à la fin des années 70 dans le capitalisme. Le débat existe encore dans VP sur la responsabilité de Mao et du courant maoïste dans cet échec. Mais quelles que soient leurs responsabilités, c’est sur les enseignements tirés de la Révolution
Culturelle par les théoriciens du courant maoïste, que se fonde notre conception du socialisme, opposée à la voie suivie par Staline et celle proposée par Trotsky.
- Changer les formes de propriété n’est pas suffisant. Après la Révolution Culturelle, s’est poursuivie la critique d’une transformation sociale réduite à celle des formes
de propriété. Un des théoriciens maoïstes écrira de la Chine d’avant la révolution culturelle : "Ce n’est pas très différent de l’ancienne société chinoise ; seule la forme de la propriété a changé".
Si l’expropriation des entreprises est une des conditions de la transformation sociale, elle n’est pas suffisante. Elle ne touche pas à la propriété réelle des moyens de productions qui peuvent rester la propriété collective d’une classe exploiteuse, comme dans l’URSS des années 40 à 80. Cela nous distingue des trotskistes qui considéraient encore il y a peu, que l’URSS était un état ouvrier (bien que dégénéré) parce que la propriété y était étatique.
- La lutte de classe est déterminante. La conception maoïste rompt avec les visions
idéalistes du processus révolutionnaire après la prise du pouvoir. Celle qui croit tout régler par la clairvoyance du parti (conception stalinienne), comme celle qui croit que
tout le sera par la démocratie ouvrière (conception trotskiste). Les contradictions du socialisme ne sont pas dues à des déviations ou manque de démocratie, mais de la nature même de cette société où existent encore des classes, parce que les rapports sociaux n’ont pas été transformés totalement.
- Le parti ne doit pas craindre l’expression des contradictions en son sein et dans la société. Le maoïsme nous éloigne radicalement du stalinisme en renouant avec la dialectique. L’expression des contradictions dans le parti, comme dans la société est inévitable. Il récuse la conception monolithique du Parti. Mais il affirme aussi que le débat d’opinion et la démocratie ne sont pas suffisants pour surmonter les contradictions. Il faut les nourrir des bilans et des enquêtes qui seuls départagent entre le vrai et le faux. Dans la société, la contradiction est l’expression de l’existence de classes et d’un État qui sont les bases potentielles d’un nouveau système
d’exploitation. Les maoïstes après la Révolution Culturelle ont affirmé que les travailleurs devaient se défendre contre leur État. Ils ont souligné la nécessité de l’expression publique de la critique (affiches murales), de s’organiser dans des syndicats et de se défendre par la grève. Ils ont fixé pour tâche aux ouvriers de s’approprier le savoir des cadres, pour pourvoir diriger la société et abolir la division du travail.

 

Voilà le sens de notre référence au maoïsme.

 

Gilles Fabre

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