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Co-développement égale co-répression

Partisan N°224 - Janvier 2009

Ces derniers contrôlent et répriment les travailleurs qui veulent sortir de leurs pays respectifs. L’émigration devient illégale. Ainsi le gouvernement algérien a promulgué une loi punissant de six mois ferme de prison toute personne qui sort illégalement du pays. Le Maroc, le Sénégal, la Tunisie ont aussi mis en place des mesures pénalisantes.
Ils acceptent le rapatriement de ceux que les Etats européens ne veulent pas et expulsent. La « directive retour » votée le 18 juin permet aux Etats membres d’emprisonner les sans-papiers pour une durée de six mois maximum, dans un premier temps. Cet emprisonnement pouvant être prolongé de douze mois supplémentaires, si par exemple le pays d’origine de la personne ne coopère pas et refuse d’accepter de donner un laisser-passer consulaire nécessaire à l’expulsion. Cette « directive de la honte » (qualifiée ainsi par Evo Morales, président équatorien) permet de déporter les immigrés vers des pays qui ne sont pas leur pays d’origine, d’expulser les mères de famille et les mineurs non accompagnés.

Ils immobilisent et renvoient dans leurs pays ceux qui traversent leur territoire ; Ainsi le Maroc et la Libye, qui constituent de par leur situation géographique des zones de transit, ont constitué avec l’aide de l’Union Européenne, des camps d’enfermement des migrants subsahariens.

La politique du « donnant-donnant »

Et en contrepartie, les Etats signataires reçoivent des aides financières de l’Union Européenne et la permission de migration légale pour des travailleurs hautement qualifiés. Par exemple, le Bénin et le Congo-Brazzaville ont obtenu chacun 150 cartes de séjour « compétences et talents » par an. Mais la plupart du temps l’UE n’accorde que des cartes de séjour temporaires pour des métiers où le patronat manque de main-d’œuvre. C’est ça, « l’immigration choisie ». Le Sénégal, le Gabon, le Congo-Brazaville, le Bénin, la Tunisie, l’Ile Maurice, le Maroc, l’Algérie et tout récemment le Cap Vert ont signé.
En incluant cyniquement dans ces accords, des programmes dans les domaines de l’éducation, la santé, la culture, la recherche scientifique, le développement rural, l’environnement, l’agriculture… Hortefeux et les ministres européens s’assurent la signature des gouvernements africains.

Voyons l’exemple du Cap Vert

Il a signé un accord le lundi 24 novembre avec la France. En échange de la « réadmission » des sans-papiers capverdiens, du renforcement de la surveillance aux frontières et de la lutte contre les faux papiers, le ministre capverdien a obtenu des visas long séjour sur une liste de quarante métiers. Des aides financières pour ceux qui accepteront de revenir au pays. Un million d’euros sont prévus sur trois ans. L’enjeu pour l’Etat du Cap Vert est résumé par la déclaration de son ministre : réussir « sa transition en instaurant un climat qui favorise les investissements. »

Et l’exemple du Maroc

Entre le mois d’août et octobre 2005, plus d’une vingtaine de personnes ont été tuées par des policiers marocains à Ceuta et Melilla. Les jours suivants, des centaines de personnes ont été raflées et déportées, soit vers leurs pays, soit vers la frontière sud du Maroc. En échange de la répression de ces migrants, l’UE a promis au gouvernement d’être son partenaire privilégié au Maghreb et d’implanter des entreprises hautement compétitives en plus d’aides financières pour le développement économique du pays.

Ces accords de « co-développement » ou « développement solidaire » ne sont en fait qu’un argument de vente fallacieux dont se sert la France et les autres pays de l’UE pour, d’une part, sous-traiter le contrôle des frontières et limiter l’immigration ; d’autre part, pour développer leur puissance économique et leur impérialisme au détriment des travailleurs des pays africains et autres, qui sont traités comme de vulgaires marchandises sans droits et à la merci du patronat. En 2000, lorsqu’il présidait la Commission Européenne, Romano Prodi avait résumé ainsi cette politique utilitariste : les immigrés doivent être « choisis, contrôlés et placés au bon endroit ».
Face à cette politique de la bourgeoisie européenne, agressive, cynique, et qui impose ses intérêts aux autres pays, il faut construire une mobilisation commune des révolutionnaires des pays d’émigration et des pays d’accueil, et se battre pour la liberté de circulation.

• REGULARISATION DE TOUS LES SANS PAPIERS !
• LIBERTE DE CIRCULATION !


Alexandra

Au Mali comme en France Résistance à Hortefeux

Fortes mobilisations au Mali contre le gouvernement français et sa politique de « gestion concertée des flux migratoires ». A Paris aussi, des rassemblements de Maliens ont eu lieu devant leur ambassade. Cette mobilisation paye, car le gouvernement malien résiste à la pression de Hortefeux : « Les Français veulent nous faire faire la police à leur place. » Paris a beau faire miroiter un quota de cartes de travail et de régularisations de sans-papiers, ça ne marche pas.
Le Mali n’a pas signé les accords de « co-développement » qui lui imposent de reprendre les Africains qui ont transité sur son sol ; d’augmenter le rapatriement des sans-papiers expulsés par la France. En effet, actuellement, le consulat du Mali ne donne des « laisser-passer » que pour un tiers seulement des demandes de reconduites à la frontière faites par le gouvernement français. Paris veut doubler cette proportion jusqu’à atteindre 60%. Ces reconduites à la frontière sont vécues comme des humiliations tant par les sans-papiers que par leurs familles restées au Mali ou leur entourage. La population est tellement exacerbée par cette question que cela est un enjeu électoral de taille pour les dirigeants du Mali. L’actuel président Amadou Toumani le sait. En outre, il ne peut se priver de la « contribution » que ces émigrés représentent pour le développement économique du Mali.
La communauté malienne en France compte 120 000 personnes dont deux tiers sont sans papiers. Quatre millions de Maliens, soit un tiers de la population du Mali, sont expatriés. Trois millions et demi en Afrique, et 500 000 à travers le monde. Ces expatriés apportent 180 millions d’euros chaque année dans l’économie malienne. Sans compter l’argent qui arrive par les circuits non officiels.
Pour l’instant le gouvernement français, en guise de rétorsion, délivre très peu de visas aux Maliens.

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