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Seul vrai opposant, le peuple irakien est oublié !

Partisan n°173 - Janvier 2003

Le peuple irakien est victime de l’embargo impérialiste et de l’oppression d’un Saddam Hussein. Mais le peuple irakien est un peuple combatif.

Au cours du mois de décembre 2002, s’est tenu à Londres un congrès de l’opposition irakienne. Trois cents délégués y ont débattu de l’avenir de l’Irak, sous la surveillance attentive des USA et de la Grande Bretagne.

Une opposition éclatée et divisée.

Cette opposition, mis à part les partis kurdes, et CSRII (conseil suprême de la révolution islamique en Irak - soutenu par l’Iran) ne représentait qu’une multitude de partis sans influence nationale. Deux des principales forces d’opposition, le PCI (Parti communiste d’Irak) et le parti Chiite Da’wa avaient refusé d’y participer. En effet, ces deux mouvements dénoncent l’embargo et refuse une solution imposée de l’extérieur par les USA. Pour eux le renversement du régime ne peut venir que du soulèvement armé de tout le peuple irakien.
Ce n’est pas de ce congrès que sortira la solution politique que désirent les USA. Il n’est que l’alibi d’une politique qui table sur un renversement de Saddam par un coup d’État militaire.
En effet, seule l’armée peut assurer une relative stabilité de l’Irak. Les USA ont donc affirmé que ne seraient poursuivis pour crimes de guerre que les proches de Saddam, assurant ainsi l’impunité aux officiers ayant utilisé des armes chimiques. Le général Nizar al Khazraji,qui a quitté l’Irak en 1996, a les faveurs de la CIA. En 1988, il commandait l’armée au moment du gazage des kurdes à Halabja, et en 1991, il dirigeait la répression de l’insurrection chiite. L’alternative à Saddam ne sera en rien « démocratique ». Voila, la conception que les impérialistes ont de la défense de la liberté pour les peuples. La démocratie n’est qu’un argument de propagande, car de toutes les menaces, les luttes des peuples sont celles qui les inquiètent le plus. Et le peuple irakien a depuis longtemps lutté : d’abord contre le colonialisme anglais, ensuite contre l’impérialisme, enfin contre son régime, pour l’indépendance nationale et pour sa liberté politique et sociale.

Un peuple combatif.

Après 10 ans de guerre contre l’Iran, après les destructions de la deuxième guerre du Golfe, et l’embargo, l’Irak est revenu un demi-siècle en arrière. Les industries créées avec les revenus du pétrole nationalisé, industries d’abord militaires, ont été détruites. La société est déstructurée, les solidarités claniques réactionnaires sont réactivées et le sort des femmes s’est profondément dégradé. L’embargo a renforcé le rôle du régime dans la redistribution des richesses. Les mafias liées à l’UPK et au PDK jouent un rôle équivalent au Kurdis-tan autonome où elles prélèvent leur part sur le pétrole de contrebande. Si le peuple se paupérise, quelques-uns accumulent d’immenses fortunes.
Les trois principales communautés irakiennes sont les arabes chiites, les Kurdes et les arabes sunnites. Les premiers représentent plus de la moitié de la population, les deux autres en gros un quart chacune.
Le pouvoir a toujours été exercé par les arabes sunnites parmi lesquels se recrutaient les cadres de l’armée mise en place et formée par les Anglais.
Les arabes chiites exploités dans les grandes exploitations de type semi féodal créées au XIX siècle et développées par les anglais, forment l’essentiel du prolétariat irakien. Fuyant les conditions serviles des grandes fermes, ils ont émigré à Bagdad, où ils représentent la majorité des ouvriers.

Des luttes patriotiques et sociales anciennes.

Exploités et opprimés, les arabes chiites se sont retrouvés à l’avant-garde de la lutte patriotique d’abord puis sociale ensuite. Dès 1914, les provinces du sud se sont soulevées contre le débarquement des anglais. Elles ont fait de même, en 1918, et 1920, contre l’imposition du mandat britannique et pour l’indépendance de l’Irak. Après l’indépendance de l’Irak, en 1932, les luttes du peuple n’ont pas cessé. En 1934 est créé le PCI, parti communiste d’Irak, qui devient rapidement le principal parti communiste des pays arabes. Il recrute alors parmi les arabes chiites et les kurdes. En 1945 et 46, le Kurdistan irakien se soulève. A l’occasion de cette révolte est créée le PDK (parti démocratique du Kurdistan). Depuis, l’état de guerre a été quasiment permanent entre le pouvoir central et les provinces kurdes.
En 1948 et 1952, deux insurrections éclatent dans le sud du pays.Le PDK et le PCI étaient alors les deux principales forces d’opposition.Mais à partir de 1960, avec la répression qui le frappe et l’activité des religieux, le PCI régresse parmi les chiites du sud. Lors de l’« intifada » de mars 1991, contre le régime de Saddam, ce sont les religieux qui dirigent le mouvement.

Soutenir le peuple irakien ! Oui, mais qui ?

Nous ne pouvons soutenir les mouvements qui misent sur l’impérialisme, soit pour arriver au pouvoir, soit pour s’y maintenir. Parmi ceux-ci, les partis kurdes méritent quelques commentaires, car ils ont une réelle influence.
Lorsque le PDK (parti démocratique du Kurdistan) s’est créé, il s’est dit inspiré par le marxisme léninisme. En fait il n’a été qu’un parti nationaliste contrôlé par le clan des Barzani. Au début des années 1970, l’UPK (union du peule kurde) est fondé en réaction au conservatisme du PDK. Il se définissait aussi comme marxiste léniniste.
Très vite il a fonctionné sur le même mode clanique que le PDK. Ces deux partis, en rivalité constante pour le contrôle du Kurdistan, nouèrent des alliances équivoques.
Le PDK avec la Turquie, l’UPK avec l’Iran et le PKK.En 1996, pour l’emporter sur l’UPK, le PDK a passé une alliance avec Saddam. Ses partisans alliés aux troupes de Saddam reprirent Ebril à l’UPK. L’armée y a massacré les opposants communistes et démocrates qui avaient crû trouver refuge dans le Kurdistan autonome. Aujourd’hui, l’UPK et le PDK se partagent le Kurdistan. Le PCI est le plus ancien parti d’opposition. Il refuse toute solution imposée de l’extérieur et prône la lutte armée pour renverser Saddam et instaurer un régime démocratique. Mais il n’appelle plus à une rupture avec le capitalisme et soutien l’initiative privée encadrée par un état interventionniste. Bref, c’est devenu un parti réformiste.
Depuis 1993, il s’est scindé en deux organisations : un PCI d’Irak, un PCI du Kurdistan.
A la gauche du PCI, refusant son évolution « démocratique », existent des organisations marxistes léninistes. Nous n’avons pas connaissance de leurs politiques : le PCI-Mouvement de base a fait scission du PCI en 1984, le parti communiste ouvrier Irakien (présent au Kurdistan), et d’autres groupes ML, qui ont en commun de refuser toute négociation avec le pouvoir de Saddam, sans accepter le dictât impérialiste.
C’est sans aucun doute parmi ces groupes que sont ceux qui représentent de la manière la plus authentique la défense du peuple irakien.

 

G. Fabre

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