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J’ai lu le livre d’Arlette

Partisan n°165 - Mars 2002

« J’ai précisé « mon » communisme
parce que la plupart de nos
contemporains croient savoir ce
que sont les idées communistes
et les ignorent en fait... »
Et alors ? Pourquoi ne pas leur expliquer
« notre » communisme, ou « le communisme
révolutionnaire » ?

Un lien entre l’électoralisme de Lutte Ouvrière et le vedettariat d’Arlette.

L’idéologie dominante affirme que ce
sont les grands hommes - quelquefois
les grandes femmes - qui font l’histoire.
Une organisation révolutionnaire ne
peut que combattre cette manière de
voir les choses, rappeler sans cesse que
la force d’un militant est dans le collectif
de son organisation, et la force de l’organisation
dans la confiance et l’action des
travailleurs. Il n’y a qu’une petite allusion
à l’organisation Lutte Ouvrière dans
la première page, et dans la dernière, à
« ceux qui partagent un même espoir et un même
projet ». Mais la première chose qu’on
retient d’un livre, c’est son titre.

Problèmes et solutions.

Si vous attendez d’en savoir plus sur la vision du communisme
d’Arlette, il vous faudra être
patients. Car les 3/4 du livre sont une
dénonciation du capitalisme. La deuxième
partie, « Une nouvelle société est
possible », commence à la page 143, elle
fait 30 pages, et le chapitre « Vers le communisme
 » ne fait que 7 pages.
Ce n’est pas qu’une question de dosage,
car pour reconnaître les problèmes, vous
trouverez toujours beaucoup de monde.
Y compris chez les bourgeois intelligents
« admettant qu’il faut encore, c’est vrai, du
progrès et des réformes ». Mais, c’est sur les
solutions qu’on reconnaît une politique.
Bien sûr, il y a des bonnes pages. Des
pages qui pourraient avoir leur place
dans Partisan ! La « civilisation », la
« démocratie », les « contraintes du marché
 » et autres piliers de la pensée
unique en prennent plein la gueule. Et
quand, en conclusion, on vous répète
que tout ça, c’est le capitalisme et que la
solution, c’est le communisme, ça fait
plaisir ! Mais enfin, on aimerait quand
même en savoir plus sur cette fameuse
solution communiste !

Une politique moraliste.

De temps en temps, on s’interroge. Le
livre parle, par exemple (p.25), de la
Slovénie, de la Croatie, de la Serbie, du
Kosovo, mais pas de la Bosnie. Un
hasard ? Les TMS, troubles musculosquelettiques,
sont évoqués (p.35),
mais rien sur la recrudescence des accidents
de travail en général, sur les ravages
de l’amiante, sur le travail de nuit,
pas grand-chose sur les conséquences
de la flexibilité, de la précarité, du chômage
sur les conditions de vie et de travail.
Il est question de l’Argentine
(p.151), mais de la manière suivante :
ses « émeutes de la faim de décembre
2001 » sont « l’incarnation de l’avenir que
le capitalisme prépare à tous les pays
sous-développés ”. Bref, un mouvement
de révolte bien limité, et qui ne nous
concerne pas, nous, pays développés...
Souvent, on ne s’interroge pas.
On reconnaît, à l’occasion de telle ou
telle dénonciation, la politique semi-réformiste
de LO. La lèche aux petits
patrons, par exemple (p.55), « petits
paysans », « petits producteurs » (p.159).
Les exploiteurs, ce sont ceux « qui emploient
de nombreux salariés et brassent des
capitaux considérables » (p.152). Pas ceux
qui n’ont que quelques salariés et des
petits capitaux ?
Les formules moralisatrices que l’on
connaît sont toutes là : Les capitalistes
qui « n’ont pas de sentiments, pas d’état
d’âme, seulement un portefeuille » (p.57). Les
formules néo-réformistes aussi : « Une
autre politique serait possible ; un Etat qui ne
serait pas au service de la propriété privée des
moyens de production pourrait prendre des
sanctions, réquisitionner les entreprises qui programment
des licenciements collectifs, notamment
quand elles affichent des bénéfices »
(p.61). Il faudrait « faire payer les classes les
plus riches », s’attaquer à leur « fortune »
(p.80) ; « imposer aux gros actionnaires de
prendre sur une partie de leurs bénéfices... »
(p.62), etc. Mais, dites-moi : les capitalistes
se laisseront-ils faire ?

Le miracle démocratique…

Une formule revient souvent, comme
un mot d’ordre central, comme la
conclusion de chaque chapitre : il nous
faut « une véritable démocratie » (p. 121,
156, etc.). Plus précisément, « une véritable
démocratie des producteurs »
(p.140). Le problème, ce serait que
« quand il devient un travailleur, un salarié
cesse du même coup d’être un citoyen. »(p.81)
La deuxième partie sur la « nouvelle
société possible » commence par des
considérations sur l’URSS. Central !
Lisez attentivement (p. 144). « C’est la
concentration des moyens économiques, industriels
et financiers, aux mains de l’Etat qui a
permis d’industrialiser cet immense pays. Bien
sûr, la dictature paralysa en partie ce développement,
en bureaucratisant toutes les décisions
au lieu de faire appel à la participation et au
contrôle populaires mais, encore une fois, ce
régime n’était pas communiste. Cependant, la
collectivisation des grands moyens de production
a fait la preuve de son efficacité ».
Résumons. Etatisation + démocratisation
= communisme.
L’URSS avait l’étatisation. Positif. Mais
une bureaucratisation. Donc, pas communiste.
Mais, mieux que le capitalisme
quand même (p.144, 149) !
Maintenant, lisez attentivement ce
paragraphe de Marx, vers la fin de sa
« Critique du programme de Gotha » :
« Tout le programme, en dépit de tout son drelin-
drelin démocratique, est d’un bout à l’autre
infecté par la servile croyance de la secte lassalienne
à l’Etat, ou, ce qui ne vaut pas mieux,
par la croyance au miracle démocratique ; ou
plutôt c’est un compromis entre ces deux sortes
de foi au miracle, également éloignées du socialisme
 ». Il est bien, Karl Marx !
La « secte » de Ferdinand Lassalle se
disait marxiste révolutionnaire et avait
beaucoup d’influence parmi les ouvriers
allemands à l’époque (en 1875).

Son communisme.

Vous êtes à la fin du livre. Il ne vous
reste que quelques pages pour conclure
avec la révolution, le socialisme, le
communisme et le parti. Eh ! bien, vous
n’en avez pas pour vos 13 euros ! A la
place de la révolution, vous avez une
sorte de grève générale où les ouvriers
ne prennent surtout pas le pouvoir. Il
s’agit, et là les guillemets sont importants,
de « partager le pouvoir économique
avec la bourgeoisie » (p.157), de « limiter les
conséquences de la recherche du profit à tout
prix » (p.158). “ La direction de la société
appartiendrait encore à la bourgeoisie,
mais elle serait contrôlée... ” (p.161).
En ce qui concerne le socialisme et le
communisme, « on ne peut pas décrire ce qui
n’existe pas encore », et « il n’y a pas de modèle
 » (p.162). « Ce qui est certain », c’est qu’on
« évitera le gâchis » (p.165-166).
Et au sujet du « parti de la révolution sociale »
qui est à « reconstruire », vous devrez vous
contenter d’une « sorte de foi » dans l’avenir
et la jeunesse. « Le mouvement ouvrier renaîtra
immanquablement », la bourgeoisie et le
capitalisme « feront nécessairement naître de
nouvelles générations de jeunes travailleurs et de
jeunes intellectuels... » (p.171).
Alors, si vous voulez en savoir plus sur
ces questions, et ne pas en rester aux
« drelin-drelin » et « croyances » d’une « secte
lassalienne », vous devrez lire la Plateforme
politique de l’OCML-VP
 !

 

Marc Crépin

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