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La centralité ouvrière, une cause politique à reconstruire

Au terme de ce court panorama, chacun peut mesurer que la classe ouvrière n’a pas disparu, même si ses contours ont changé. Mais une classe n’existe qu’en mouvement, en rapport avec une autre et avec les autres couches de la société. Ce rapport s’est aussi profondément modifié, alors pourquoi réaffirmer la centralité ouvrière ? Pas par vieille nostalgie ouvriériste, ni pour exclure de la lutte pour l’émancipation sociale d’autres travailleurs, mais pour que ceux qui se trouvent au cœur de l’exploitation capitaliste soient la vraie direction et puissent regrouper autour d’eux. Car ils ont intérêt objectivement à la révolution jusqu’au bout, et pas à de simples aménagements du système.

 

La centralité ouvrière contre le discours bourgeois

 

Les bourgeois mettent au centre de la société les ‘classes moyennes’, car c’est là où ils réalisent le compromis de classe. A la marge de nouveaux ‘pauvres” (précaires, jeunes des banlieues, sdf...), plus ou moins ‘paupérisées’ comme ils disent, durablement éloignés de toute stabilité et de tout ‘ascenseur social’ comme ils disent. Prolétaires et ouvriers seraient invisibles au point que les mots eux-mêmes pouvaient disparaître des discours politiques et médiatiques. Le prolétariat n’est pas ‘pauvre’, les prolétaires sont ‘volés’ par l’accaparation d’une extrême minorité (- de 10% de la société). Les ‘classes moyennes’ n’existent pas, ce qui existe sont des couches petite-bourgeoises diverses entre prolétariat et bourgeoisie, couches nombreuses dans un pays impérialiste.

 

La centralité ouvrière, condition de l’alliance de classe. Les divers secteurs de la petite-bourgeoisie ont beaucoup augmenté en nombre et sont aussi touchés par la crise. Ils se repositionnent en choisissant un devenir de classe, soit rejoindre le prolétariat, soit tenter de poursuivre des aspirations bourgeoises. La partie inférieure voit ses conditions de vie et de travail se dégrader rapidement. Pour les parties moyennes et supérieures, le niveau de vie se maintient mais elles sont distancées par les plus hauts revenus dont la défense du capital est avérée. Dans une société de plus en plus bipolarisée socialement, où les inégalités s’accroissent, il faut identifier ceux dont les conditions de vie se rapprochent du prolétariat et qui ont aussi un intérêt à la Révolution. Ces fractions inférieures de la petite-bourgeoisie salariée (des fonctionnaires, des enseignants, des personnels de santé, ...) peuvent être des alliés, sur la base de revendications et de luttes communes et unificatrices, en premier lieu sur les conditions de travail.

 

Tous salariés, tous égaux ?

 

Le capitalisme a massivement développé le salariat, mais pour autant tous les salariés ne sont pas à la même place dans la production. Pour nous, la définition économique de la classe ouvrière se base sur trois critères simples, formulés déjà par Lénine :
- L’extorsion de la plus-value (différence entre la valeur du travail produit et le salaire donné) volée par les capitalistes
- La position d’exécution dans la division du travail
- L’impossibilité d’accumuler du capital (pour envisager de devenir capitaliste)
Mais l’exploitation n’est pas qu’économique (elle ne s’arrête pas aux portes de l’usine), elle est un rapport social global. Aussi nous considérons comme partie prenante de la classe ouvrière, les prolétaires qui ne produisent pas directement de la plus-value, qui sont au chômage, leurs enfants, etc.

 

Nous réfutons la position traditionnelle du PCF qui englobe de l’OS (ouvrier non-qualifié) à l’ingénieur, sous prétexte que tous participent à la production de la plus-value. Leur situation dans l’organisation du travail n’est pas du tout égale, les ingénieurs (même si ce n’est pas leur idéologie personnelle) contribuent à déposséder toujours plus les ouvriers du processus de travail et organise l’optimisation de l’exploitation par leur savoir-faire technique.

 

Nous réfutons également l’extension sans distinction de l’exploitation à tous les salariés, comme peut le faire LO. Par exemple, en septembre 2014, leurs éditoriaux et journaux titraient Femmes de ménage ou pilotes d’Air France, tous des salariés exploités. Evidemment la volonté d’unité est juste, mais nous pensons que ce sont les femmes de ménage qui doivent diriger la lutte plutôt que les pilotes ! Au-delà de l’anecdote, ce genre de positions a contribué à la prise du pouvoir dans les organisations politiques ou syndicales (Ugict à la direction de la CGT, par exemple) de la petite-bourgeoise conformément à sa position dans la société. On ne peut pas baser des revendications politiques sur le taux d’exploitation des cadres, sans se détourner de l’intérêt ouvrier.

 

Classe ouvrière industrielle et des autres secteurs, comment faire l’unité ?

 

L’emploi ouvrier est de plus en plus éclaté, mais nous continuons de privilégier l’implantation et le travail politique dans les concentrations ouvrières de l’industrie (collectif ouvrier plus nombreux, tradition de lutte, place des monopoles impérialistes au niveau mondial). Nous sommes aussi attentifs aux nouvelles concentrations ouvrières et prolétaires (plateformes logistiques, aéroports, grande distribution, etc.). Aujourd’hui l’implantation dans un seul secteur ne peut plus assurer la construction d’un parti communiste (comme pour le PCF et les métallos dans les années 30). En France, certains militants sont tentés de reporter le cœur de cible politique des concentrations industrielles vers ceux qui ont la plus forte capacité de blocage de la production (raffineries, distribution, transports). L’efficacité à court terme dans la lutte immédiate ou dans la grève ne peut être le critère de choix déterminant. Sinon comme on l’a vu en 2010 lors du mouvement sur les retraites, les secteurs avancés, si déterminés soient-ils s’épuisent en l’absence d’un élargissement.

 

Nous sommes le prolétariat ! Affirmons-nous en politique, affirmons-nous en classe !

 

Le prolétariat lutte dans les conditions actuelles du capitalisme : des formes d’action se renouvellent : manifestations, débrayages, grèves perlées ou tournantes (à défaut d’être générales), actions de visibilité, débouchant sur des phases de luttes prolongées (plusieurs années) et discontinues. Les luttes des travailleurs intérimaires et précaires, souvent réputés un peu trop vite ‘non-grévistes’ (grève des jeunes intérimaires de PSA-Mulhouse, grèves des jeunes Airbus Nantes, grève des McDo, des SFR, Télé-performance, etc...), grève dans la santé et le secteur public suite à la RGPP.
Le caractère politique de ces luttes, sans être directement anti-gouvernemental, s’exprime par la conscience qu’il faut se battre et pas que pour soi, mais pour l’avenir des enfants, pour travailler où on vit, pour tous.
Un début d’internationalisation des luttes se construit par des rencontres de travailleurs au niveau de l’Europe et des euro-manifestations de groupes (Airbus, Alcaltel-Lucent, Mittal, Continental...) sans oublier des rencontres comme le Conseil International des Travailleurs de l’Automobile.
Mais, passée au crible des restructurations, l’existence politique et sociale des ouvriers comme collectif est diminuée. Cette précarité généralisée et organisée est la base objective de l’individualisation dans le prolétariat, et du repli des réformistes sur la défense individuelle.
Précarité et instabilité ont aussi détruit les anciennes formes de sociabilités ouvrières au travail, et le temps pour échanger et discuter. Individuellement, de plus en plus de prolétaires ne se voient pas plus d’avenir. Certains se replient sur des valeurs vues comme rassurantes, familiale, communautaire et religieuse, au détriment d’une existence collective de classe. On ne se reconnait vraiment dans aucun parti pour nous défendre, hors mis quelques leaders ouvriers dans le cadre d’une lutte, mais pas dans un cadre politique plus large.
Aujourd’hui nous avons besoin de retrouver des perspectives politiques aux luttes immédiates, ce centraliser une combativité éclatée dans des luttes défensives, car c’en luttant qu’on existe collectivement.
Pour avancer vers l’unité et l’indépendance de classe, sur la question du travail, nous développons des axes politiques de luttes communs autour des positions communistes :

 


- Tous unis contre la souffrance au travail, c’est le capitalisme qui est pénible !
- Tous unis contre la sous-traitance, la précarité et le travail au noir, reconstituons le collectif ouvrier contre l’exploiteur commun !
- La classe ouvrière est multinationale, la classe ouvrière est internationale, les prolétaires n’ont pas de patrie !
- Solidarité et entraide populaire contre la misère et la galère sociale !
- Tous unis contre la concurrence et la course à l’exploitation, un seul ennemi, le capitalisme !
- Travaillons tous, moins, autrement, pour une société égalitaire gérée collectivement !
- Révolution ou barbarie, organisons-nous, construisons l’OCML Voie Prolétarienne !

 

Ouvriers ou prolétaires, quelle différence ?

On emploie souvent les mots ‘prolétariat’ et ‘classe ouvrière” comme synonymes, comme le faisait Marx au sens politique de ‘notre classe’ contre la classe exploiteuse bourgeoise. On ne sépare pas non plus les chômeurs. On les considère comme partie intégrante, même sans emploi.
Pourtant, nous distinguons les ouvriers du reste des prolétaires. Spécifiquement, les ouvriers et ouvrières produisent la plus-value qui est le carburant du capitalisme. La place centrale de la classe ouvrière dans le processus d’exploitation, ainsi que sa concentration en font le cœur du prolétariat, la locomotive pour un changement radical de société. La classe ouvrière doit donc avoir un rôle politique particulier. Un grand nombre de prolétaires ne sont pas ouvriers. Ils ne participent pas à la création de la plus-value, ou seulement indirectement. Mais les prolétaires non-ouvriers partagent les conditions de vie des ouvriers, ont comme eux une position d’exécution dans le travail.
C’est pourquoi nous voulons construire un parti du prolétariat qui regroupe tous ceux et celles qui ont le plus intérêt à abolir cette division sociale du travail.

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