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8 choses à savoir sur la COP 21

La COP21, c’est la conférence annuelle organisée par l’ONU sur le climat. Comme cela a démarré en 1995, on en est à la 21e. C’est une énorme machine, plus de 40 000 participants, les Etats, des syndicats et des associations environnementales, mais aussi (et de plus en plus) les multinationales et les médias. La COP21 qui se tiendra en décembre à Paris, a une importance particulière, comme celle de Kyoto en 1992 : elle devrait déboucher sur des engagements de tous les pays quant aux mesures qu’ils entendent prendre pour limiter le réchauffement climatique annoncé (et vérifié) par les scientifiques du GIEC [1]. Réchauffement aux conséquences multiples et néfastes sur le monde entier (montée du niveau des mers, aggravation en fréquence et intensité des épisodes climatiques catastrophiques – sécheresses, pluies torrentielles, inondations, cyclones, tempêtes, incendies... –, modification des tous les éco-systèmes naturels et agricoles)

 


- 1. Le réchauffement climatique d’origine humaine est maintenant avéré. C’est une élévation globale de la température sur le globe, principalement par les émissions de gaz à effet de serre (CO2, mais aussi méthane, produits fluorés) qui sont répandus dans l’atmosphère par l’industrie, l’agriculture, les transports, le chauffage,… Toutes ces activités ne tombent pas du ciel (elles y remontent !), elles sont liées et issues du développement du capitalisme depuis le XIXème siècle qui a répandu ses rapports de production destructeurs sur toute la planète. Or la COP21 n’entend pas remettre en cause ce développement (ses causes justement), mais trouver des solutions compatibles avec la « croissance » (du profit), qui est le véritable moteur du système qu’ils entendent préserver.

 


- 2. La COP21 voudrait déboucher sur des engagements volontaires de chaque État concernant les émissions de gaz à effet de serre, puisque le monde entier est concerné. Volontaires car ne voulant pas enfreindre la souveraineté proclamée de chaque État. Car bien sûr, le Niger est souverain pour offrir son uranium à Areva, la Tanzanie pour saccager ses forêts (et affamer ses habitants) pour rendre service aux multinationales qui achètent leurs droits à polluer sur le marché du carbone. Autre jonglerie pas anodine : l’engagement de diminution (qui devrait être supérieur à 40% à l’échéance 2050 pour paraît-il limiter le réchauffement à 2°C en 2100. Actuellement, on serait parti pour 4°C !) est basé sur les émissions de 2005 : ce qui favorise évidemment le quota d’émissions des pays impérialistes, déjà industrialisés, au détriment de ceux qui voudraient engager une croissance industrielle maintenant. D’autant plus scandaleux que ce sont évidemment les émissions cumulées qui provoquent le réchauffement, dans lequel les pays non-industrialisés (c’est-à-dire maintenus en l’état de fournisseurs de matières premières) ne sont pour rien… On retrouve le lien intime entre impérialisme et réchauffement climatique, dans ses causes réelles et dans ses solutions proposées. Car c’est le système impérialiste mondial qui est à la manœuvre pour nous proposer les « solutions » qui lui conviennent et assurent sa pérennité.

 


- 3. Une des manœuvres consiste à effectuer le calcul des émissions sans tenir compte du secteur des transports, qui évidemment contribue de façon notable aux gaz à effets de serre. D’une part parce qu’ils sont principalement aux mains des trusts impérialistes (fabricants d’automobiles, d’avions, de trains, de bateaux). D’autre part parce qu’ils n’existent pas encore de perspectives rentables de changer les productions pour du radicalement moins polluant (sidérurgie et aluminium, industries du verre et du caoutchouc, électronique).
Une autre manœuvre, énorme pourtant, consiste à essayer de limiter les émissions de gaz à effet de serre mais de ne rien remettre en cause de ce qui fait l’essentiel des rapports impérialistes : l’exploitation de centaines de millions d’ouvriers dans le monde (mines, industries, transports,…) ; l’écrasement de populations entières soumises à ses diktats dans des secteurs comme l’agriculture, les forêts, la pêche (y compris l’exploitation ravageuse des animaux et des plantes) ; les pollutions immenses auxquelles donnent lieu ces productions (air, eaux, terres agricoles, poumons, cerveaux,…) tout est pollué par les émanations et composants issus de ce système de production ; enfin pillage sans vergogne des ressources de la Terre au profit d’intérêts étroits et de productions sans rapport avec les besoins. Tous ces maux ne cessent au contraire de se développer ! Le gouvernement PS milite pour des avancées à la COP21, mais renforce l’exploitation ouvrière avec l’ANI et la loi Macron, poursuit l’énergie nucléaire malgré ses dangers et les déchets qui s’accumulent, poursuit le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et la logique de développement des transports aériens sur lequel il repose, etc. Il s’agit donc de continuer sur la lancée d’un système qui tourne le dos à un développement responsable des hommes et de la nature. Car la logique de ce système le pousse à exploiter toujours plus les hommes et la nature, non par perversité, mais par la logique d’accumulation au cœur du capitalisme, mondialisé depuis plus de cent ans.

 


- 4. Un autre aspect essentiel de cette guerre menée par l’impérialisme pour sauvegarder ses intérêts consiste en l’ample tour de passe-passe idéologique qu’il orchestre pour détourner les masses de la compréhension de ses responsabilités à lui. L’idée maitresse à faire passer est celle de la compatibilité entre l’économie capitaliste (inimaginable d’en envisager une autre) et un développement écologiquement responsable de la nature (le tribut payé par les humains n’est pas intégré dans ce calcul).
Alors on nous bassine avec le développement « soutenable », la croissance « écologiquement responsable » (entendre la croissance du profit, pas celle du bien-être humain), le capitalisme vert, le bio à toutes les sauces, les technologies respectueuses de l’environnement qui assureront notre (leur) avenir…
Ils n’y vont pas de main morte et il faut reconnaître que pour l’instant, ça marche : parmi les mouvements petits-bourgeois souvent à la pointe des dénonciations écologiques, combien lient leur combat au renversement du système, vrai responsable ? Au contraire, la tendance est à conforter l’espoir de solutions techniques et partielles, qui ne remettent pas en cause les rapports de production au cœur de l’affaire (et dont les couches petites-bourgeoises bénéficient en partie, malgré leur inquiétude des excès auxquels il donne lieu). Pourtant, dans toutes les luttes dites écologiques, les deux courants, révolutionnaire et réformiste, existent : Notre-Dame-des-Landes, nucléaire, aménagement rural, exploitation des ressources de la Terre,… Mais justement la plupart des écolos mènent des luttes sur ces terrains en délaissant l’exploitation capitaliste comme si elle était naturelle et hors champ de leurs préoccupations écologiquement responsables. Mais en quoi consiste la production si ce n’est dans la transformation de la nature par l’homme ? La nature n’existe plus, et n’existera plus, à l’état « naturel », elle évolue (rien n’est figé dans la vraie vie matérielle) et il n’existe pas d’activité humaine qui la laisse intacte. La question est effectivement de rendre l’activité humaine possible et vivable pour les générations futures, de respecter les cycles naturels et de penser l’épuisement des ressources pour l’avenir. Ce que le capitalisme ne peut intégrer dans sa logique rapace.

 


- 5. Cependant, il faut comprendre que la situation est contradictoire pour le capitalisme. Ce n’est pas que du baratin : d’un côté, il est basé sur la croissance du profit. D’un autre côté, le réchauffement climatique, qui coûtera très cher à juguler et à assumer (les catastrophes écologiques peuvent entraîner des catastrophes économiques) va entraver sa course aux profits : coûts de production plus élevés (en polluant moins : nouvelles technologies, rendements inférieurs,…), renchérissement des matières devenues rares, destruction de capital (tornades aux États-Unis par exemple), pouvoir d’achat des consommateurs atteint… Une des questions est qui va payer cette élévation des coûts ? Évidemment, comme pour la crise en général, ils cherchent à reporter tous ces coûts sur leurs concurrents, sur les États et les populations. D’où tous les lobbies présents à la COP21 qui ne chercheront pas seulement à contourner des normes de production trop contraignantes (le lobby des transporteurs routiers qui a obtenu que ses rejets de CO2 soient hors calcul par exemple, ou à échapper à l’écotaxe en France), mais aussi à ne pas supporter les coûts des changements technologiques nécessaires (prix de l’électricité d’origine éolienne qui doit permettre de rentabiliser ces nouveaux investissements, qui n’ont été effectués en France que quand les monopoles, Areva, Siemens, étaient capables d’en assurer l’essentiel en en tirant profit).

Car toutes les entreprises ne font pas que du « green-washing » de façade (prétendre rendre leurs productions écologiques en cachant la réalité de la production.) Ainsi que l’ont montré les Fralib [2], Unilever produit en toute légalité des infusions « bio » avec du tilleul qui vient par bateau d’Amérique du sud, est déchargé en Allemagne du Nord, transporté par camion en Allemagne du sud pour être coupé, transporté en Pologne pour être conditionné et transporté en France pour être vendu ! Unilever contribue d’ailleurs à la réflexion de l’ONU sur le développement durable…).
Pour certaines entreprises, il s’agit vraiment d’investir de manière rentable dans ces nouveaux marchés : la dépollution, des technologies moins polluantes, moins gourmandes en énergie, moins émettrices de CO2, moins utilisatrices de produits rares ou toxiques… Si on leur assure la rentabilité, elles veulent bien travailler à un avenir moins destructeur… C’est le dilemme dans lequel sont tous les États : ils veulent bien encourager les nouvelles technologies plus propres, mais pas réduire la compétitivité de leurs monopoles. Tenter de réguler la concurrence, accepter les normes contraignantes dans les secteurs où ils ont un avantage relatif ou qui ne pénalise pas leurs choix économiques (le nucléaire en France, l’éolien en Allemagne,…), c’est ce qui va se jouer à la COP21. Les mécanismes du marché ont montré leurs limites avec le marché du carbone en Europe : l’achat de permis de polluer n’a pas limité les émissions de CO2 qui ne cessent d’augmenter de façon vertigineuse (+30% en 10 ans, alors que le but est de les stabiliser puis diminuer !) car les quotas confortables obtenus par les industries les plus polluantes ont plombé ce marché officiellement régulateur. Ils savent qu’il faut aller plus loin… en restant dans un système basé sur la concurrence, qui pousse à ne rien faire…
Le rôle des gouvernements est d’essayer de piloter les changements. Pour les pays dominés, il s’agit d’obtenir des aides à la réorientation de l’industrie pour des solutions moins émettrices de CO2. Là encore, les promesses du « fond vert » sont loin de la réalité des souhaits. On a aussi l’exemple du gouvernement équatorien qui a demandé à l’ONU une aide pour compenser la non-exploitation du pétrole situé dans un grand parc national, il a obtenu 0,37% des fonds demandés et s’est résigné à relancer la production.
Pour les pays impérialistes, il est aussi des choix difficiles, qui concernent essentiellement les centrales électriques à charbon (Allemagne, États-Unis, Chine sont d’énormes pollueurs avec ces centrales. A l’échelle de l’Europe, ce sont la Pologne et la Russie qui nous enfument). La Turquie envisage de les développer... Car l’énergie « propre », cela a un coût que bien des pays refusent de payer pour un réchauffement auquel il n’ont pas contribué, pour un modèle de société auquel ils estiment avoir droit aussi...

 


- 6. Il faut aussi comprendre que les bourgeoisies du monde savent bien qu’elles auront les moyens de préserver leur cadre de vie privilégié. Elles ne sont pas menacées individuellement. Elles auront les moyens d’aménager leurs conditions de vie pour qu’elles restent agréables et disposer des ressources vitales et luxueuses à profusion qui font leur quotidien. La seule difficulté consiste à garder des taux de profits qui leur assurent ce niveau de vie. Mais les possibilités d’adaptation au réchauffement climatique ne seront pas les mêmes selon les classes…
Pour l’immense majorité des populations du monde, le changement du climat et des conditions de vie vont être très douloureuses : famines et exils dus à la sécheresse et aux inondations, épisodes climatiques désastreux subis de plein fouet. L’exemple de la tornade à la Nouvelle-Orléans en août 2005 est éloquent. La consigne de fuir la ville ne pouvant s’appliquer à ceux qui ne disposaient pas de transports, et dont les maisons étaient les plus menacées qui plus est. Ce sont eux qui ont péri et vu leurs biens détruits.

Il ne faut attendre aucun égard ou mansuétude des bourgeoisies quant au sort des plus déshérités. L’histoire nous le montre. Déjà, d’après certains calculs, la faim dans le monde pourrait être éradiquée avec le dixième des dépenses militaires, et elle ne l’est pas. La Grèce poussée à des dépenses militaires hors de proportion de l’état de son économie. Des populations sont affamées et détruites dans l’indifférence quasi-générale (Palestine, Tanzanie, Namibie,…). Les exemples sont légion.
Le capitalisme n’est pas moral. Il a ses lois qui s’imposent à lui et s’imposent à nous dans une totale inhumanité. La destruction de pans entiers de l’humanité et de la vie l’indiffèrent, ce n’est pas son domaine, il n’est concerné que par les populations exploitables ou solvables, celles qui entrent dans son circuit marchand. Car ce qui le concerne, ce sont les profits et le maintien d’une paix sociale favorable à la production. Il est connu que les stratèges militaires travaillent déjà aux conséquences sociales du réchauffement climatique. Pendant qu’ils nous promènent sur leur capacité à résoudre le problème, ils s’arment techniquement et politiquement pour écraser les révoltes que leur activité ne manquera pas de susciter. Derrière les discours ronflants sur le capitalisme vert, il y a le bruit des bottes qui grandit.

 


- 7. Une grande partie de la COP21 va être consacrée à développer les mécanismes d’adaptation au changement qu’ils ne sont pas capables d’endiguer. Là encore, question de porte-monnaie, donc de concurrence et de rapport de forces. Quand il s’agit des îles du Pacifique menacée de disparition complète, ces populations, même groupées, ne sont pas capables de peser sur les choix de gestion impérialistes. Elles seront sacrifiées à l’autel, déjà saturé, du profit. Après, ce sera justement au rapport de forces. Le lobby pétrolier a tellement de partenaires dont l’activité repose sur les énergies fossiles. Ce qui nous différencie de tous les sociaux-démocrates qui pressent les « politiques d’oser prendre les bonnes décisions » (Merkel sur le nucléaire, Obama sur le charbon, etc.), c’est que nous pensons le système non-réformable, incapable de changer d’orientation et de base. « Il n’y a pas de plan B » et « No alternative » (citations de Valls et Margaret Tatcher). Alors, il faudrait s’adapter à ses ravages inévitables...

 


- 8. Effectivement, le mode de vie de la petite-bourgeoisie européenne n’est pas extensible à l’humanité entière, ni ne constitue l’horizon de bonheur suprême qu’il faudrait atteindre. Il faut tout remettre en cause pour espérer sortir l’humanité de cette catastrophe dans laquelle le capitalisme la projette : Quoi produire ? Pour qui produire ? Comment le produire ? Il faut changer de paradigme, comme disent certains écolos qui veulent éviter les références au capitalisme, et à son renversement. Oui, il faut d’autres lois, critères et pratiques de production et de développement de la société. Donc il faut lier les combats sur les questions écologiques avec le combat quotidien, et acharné, contre tous les aspects et conséquences de l’exploitation et de l’oppression. Ne pas gommer les classes mais s’appuyer sur celles foncièrement anticapitalistes, et défendre leurs intérêts spécifiques, seuls capables de sauver les populations entières. Remonter à la cause profonde : la logique inhérente du système capitaliste. Et dénoncer ses défenseurs cachés dans le mouvement ouvrier. Ceux qui, comme la CGT Energie, s’associent à la bourgeoisie dans la défense du nucléaire [3] .
Ce ne sont que d’autres relations des hommes entre eux qui pourront entraîner une autre relation à la nature, moins prédatrice, moins destructrice, que le capitalisme.

[1Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental, ouvert à tous les pays membres de l’ONU.

[2Ouvriers de l’usine Fralib près de Marseille qui ont mené une lutte de 3 ans et demi contre Unilever et la délocalisation du site.

[3Blog Où Va La CGT ?, « Un an après Fukushima, la CGT et le nucléaire », Mars 2012. http://ouvalacgt.over-blog.com/article-un-an-apres-fukushima-la-cgt-et-le-nucleaire-99332373.html

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