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Dans les années 70, c’était déjà la crise !

A partir de la fin des années 70, les capitalistes ont imposé au mouvement ouvrier de nouvelles conditions d’exploitation. L’offensive de la bourgeoisie se fait sentir un peu partout, ce sont les années Reagan aux USA, Thatcher en Grande Bretagne et son ‘There Is No Alternative’ (‘Il n’y a pas d’autres choix’), et en France, le tournant de la ‘rigueur’ sous le PS de Mitterrand. Les profondes restructurations économiques, dictées par la crise, s’accompagnent d’un nouveau discours politique et idéologique de la ‘disparition de la classe ouvrière’ en France au XXIème siècle, sous les coups de la mondialisation, de la robotisation, de la société de services.
En France, ces profondes transformations du monde du travail et de la société toute entière ont contribué à affaiblir le rapport de force de classe, et à créer une forme d’éclatement du prolétariat. Outre l’intensification du travail, trois grands mouvements de ‘dispersion’ sont à l’œuvre : le chômage et l’externalisation de l’emploi industriel vers ‘les services’ ; l’émiettement des collectifs de travail sous l’effet de la précarité et de la sous-traitance ; une nouvelle géographie ouvrière modelée par l’impérialisme, et la déconcentration industrielle des grandes villes vers des zones péri-urbaines puis rurales toujours plus larges.

 

1945-1975, une période contradictoire

 

C’est l’époque dite des ‘Trente glorieuses’, le capitalisme connait une période florissante dans la reconstruction de pays entiers ravagés par la seconde guerre mondiale. Guerre que poursuivent les vainqueurs impérialistes aux quatre coins du monde. En France, l’accumulation capitaliste se nourrit du pillage impérialiste des colonies puis des pays nouvellement indépendants de la ‘Françafrique’, de la consommation ‘de masse’ comme l’électroménager (‘Moulinex libère la femme !’), l’automobile... et d’une productivité plus forte (modernisation des chaînes de l’industrie). Historiquement un mouvement ouvrier fort appuyé par l’existence de pays se réclamant du socialisme, arrachent de meilleures conditions de vie pour les masses. C‘est un temps de luttes sociales très fortes, bien avant et après 1968. C‘est aussi une période d’accumulation du capital et de croissance de l’exploitation. Les réformistes s’appuient souvent sur cette période comme exemple ‘d’un meilleur partage entre travail et capital’. Mais les victoires sociales ont été doublement payées par la classe ouvrière, au prix de la lutte et de la sueur des travailleurs exploités (ceux de France et de tous les pays dominés).

 

A partir du milieu des années 70, de nouvelles conditions d’exploitation se profilent

 

La croissance de la productivité du travail ralentit, des résistances ouvrières se développent, comme le refus du travail d’OS et des cadences infernales avec les premières grandes grèves de travailleurs immigrés. Le taux d’exploitation baisse jusqu’au début des années 80. Le contexte international, les chocs pétroliers (1973 Guerre du Kippour [1], 1979 Khomeiny en Iran [2]) ajoutent une dimension conjoncturelle à la crise, alors que le chômage est déjà en train de s’installer. Enfin, la guerre économique s’aiguise entre les USA et le Japon et ses nouvelles méthodes d’organisation de la production, comme le ‘Toyotisme’, méthodes qui ne tarderont pas à être importées en Europe.
Les crises sont toujours l’occasion pour les capitalistes de liquider les moyens de production jugés insuffisamment rentables et de redéployer la production. En France, les industries du textile, cuir, métallurgie, machine-outil et métaux, navale, sidérurgie, chimie seront lourdement liquidées : licenciements, fermetures d’usines affectant des régions entières comme le Nord Pas de Calais, la Lorraine, mais aussi nombre d’autres sites en Normandie ou Rhône Alpes, ainsi que des faillites.

 

La politique de nationalisations de 1981 n’a pas amélioré la situation

 

Comme le rappelle si clairement Jean-Louis Beffa, ex-patron de Saint-Gobain :
« Travailler sous la propriété de l’Etat en 1981 m’a permis de restructurer entièrement Saint-Gobain. Nous avons supprimé 30% des effectifs (...) Avant la nationalisation, l’action Saint-Gobain valait 90 Francs. Nous avons été privatisés à 360 Francs en 1986. De ce point de vue, on peut dire que l’Etat a été un bon actionnaire. » (Les Echos, 23/04/2013)

 

Pour les prolétaires, la recherche capitaliste de la productivité se traduit par le développement d’un chômage de masse, correspondant à d’intenses restructurations de l’appareil de production. La période 1974-1986 voit une décennie intense de luttes ouvrières contre les restructurations, Renault (Le Mans et Billancourt notamment), Alstom, Chausson, Rhône Poulenc, etc. Durant cette période, près de 100 000 emplois industriels (Chiffres Institut d’Histoire Sociale CGT) vont être supprimés chaque année, pour atteindre une perte cumulée d’un million dans l’industrie. Depuis 2009, 100 000 emplois ont encore été détruits sous le coup de la nouvelle vague de fermetures, dont 30 000 dans l’automobile, qui est le secteur le plus touché et où sont annoncées encore 50 000 suppressions en Europe dans les années à venir.

 

Cette période est le véritable point de départ du chômage de masse que nous connaissons aujourd’hui. Pour la fraction immigrée de la classe ouvrière, c’est déjà également l’instauration des politiques de contrôle de l’immigration. Depuis 1974, les gouvernements bourgeois ont stoppé brutalement l’immigration de travail et n’ont cessé depuis de “contrôler l’immigration”, accroissant la concurrence entre ouvriers de France et immigrés.
C’est aussi la première séquence du PS au pouvoir, dont la réalité était déjà loin du mythe de la gauche réformiste ! Derrière quelques déclarations d’intentions et le clientélisme politique dans les quartiers populaires, le PS pratiquait déjà une politique anti-ouvrière. Et c’est bien un gouvernement “de gauche” avec des ministres du PCF, qui a poursuivi la liquidation de l’intérêt ouvrier.

[1Guerre des armées égyptienne et syrienne contre Israël

[2Le Shah d’Iran sera chassé du pouvoir et la “république islamique d’Iran” sera mise en place avec l’Ayatollah Khomeiny à sa tête.

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