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Opération Barkhane : que fait l’armée française en Afrique ?

Partisan Magazine N°14 - Décembre 2019

Parler de la présence de l’armée française en Afrique, des ventes d’armes est un sujet plutôt tabou, pourtant la classe ouvrière n’oublie pas ses traditions. Le 28 mai de cette année, les dockers de Marseille ont refusé de charger un cargo emportant des armes pour l’Arabie Saoudite, qui devait servir dans le conflit au Yémen. Dans le Sahel, l’armée française est impliquée dans l’opération Barkhane, la plus importante opération depuis la guerre d’Algérie. Depuis 2007/2008, on a eu le Plan Sahel, qui développa la présence française dans cette région. En 2009 c’est l’opération Sabre, afin de former des forces spéciales, en Mauritanie et au Mali. Les opérations de « neutralisations » d’islamistes, servent de prétexte. En 2013, c’est l’opération Serval, c’est à cette époque que François Hollande annonce la présence française de l’armée au Mali. Le projet était la constitution d’une force multinationale africaine qui devait prendre le relai. Bien sûr Hollande expliquait que « nous n’avons aucun intérêt à défendre au Mali », oubliant au passage Areva et le nucléaire. L’opération Barkhane est lancée en 2014, non votée au Parlement, elle prend la suite des opérations Serval et Epervier. Au début, en janvier 2013, lorsque l’armée française intervient afin de stopper une colonne de djihadistes qui menaçaient Bamako, la presse crie au triomphe, la population Malienne, est contente l’intégralité du pays étant sauvée. Le but idéologique de cette guerre était aussi de redorer l’image de l’armée française en Afrique depuis sa complicité avec le génocide au Rwanda. Mais l’armée française va donner la ville de Kidal aux indépendantistes Touaregs, puis on assiste au retour des islamistes.

L’impérialisme français a 2 bases importantes dans la région, au Tchad et au Mali, plus d’autres bases plus légères. Il y a environ 4500 militaires français, plus 13 000 casques bleus, avec droit d’intervention dans la région qui est grande comme l’Europe. La lutte antiterroriste est aussi une rente pour des États désargentés, avoir des troupes occidentales présentes amène une certaine richesse. Malgré cela la situation humanitaire et politique ne va cesser de se dégrader. L’État Malien est absent de beaucoup de zones, les islamistes en profitent, surfent sur le sentiment d’abandon de la population. Bien sûr comme toute guerre impérialiste, l’armée française a dans ses bagages de l’aide pour les questions sociales ou au développement. Mais ces actions délégitiment aussi l’État Malien, vu dans ces régions isolées comme un parasite inefficace. Les milices d’autodéfense communautaire, soutenues par l’État Malien et la France se font aussi la guerre, ce qui occasionne des déplacements de populations, des massacres.

Les migrants qui traversent ces régions sont victimes de rackets, de meurtres, par exemple au Niger, où l’Union Européenne externalise ses frontières en échange « d’aides » à des gouvernements dictatoriaux et désargentés. Au Niger, le site d’Arlit source d’approvisionnement stratégique pour Areva (20% du combustible des centrales françaises) a été attaqué en 2013 par les djihadistes du MUJUAO et défendu par les troupes françaises.

La guerre est contreproductive, l’armée française est vue pour ce qu’elle est, une armée d’occupation, qui soutient des régimes corrompus. Pour l’impérialisme français mieux vaut un régime corrompu, mais stable, qu’un régime un peu trop démocratique et indépendant. L’armée française intervient en toute impunité, les habitants deviennent des victimes collatérales, aucune justice ne leur est rendue.

Vu d’un autre pays de la région, le Tchad, l’histoire de la France devient une histoire guerrière sans fin. D’ici on voit le Tchad comme un pays désertique, avec de valeureux guerriers. La vision coloniale a la vie dure. Mais dès que l’on s’approche des bases militaires françaises sur place, on voit des femmes noires prostituées, et des hommes blancs utiliser leurs corps. Au service de ces mêmes hommes ou de leurs familles, des femmes noires, le salaire des coopérants est disproportionné par rapport à ce que touchent les tchadiens. Le Tchad est classé 186e sur 189 à l’indice de développement humain des Nations Unies, 30 % du budget du pays absorbés par les dépenses sécuritaires. Le Président, Idriss Déby, y est élu depuis 1990, et à chaque coup d’État, l’armée française intervient en sa faveur. « Aujourd’hui, on ne parle que de sécurité, s’insurge la défenseure des droits humains Jacqueline Moudeïna. Elle prend le dessus sur tout. Les manifestations sont autorisées quand elles soutiennent le président ou le parti au pouvoir alors qu’une manifestation contre la vie chère est interdite au nom de la sécurité. (...) On place la sécurité au-dessus de tout, mais il y a des questions relatives au mal-vivre des Tchadiens qui doivent être réglées ».

Ce durcissement du régime a pour objectif de « museler ceux qui osent parler, se prononcer sur la mal-gouvernance, car tout tourne autour de cela. C’est elle qui nous amène à avoir une justice malade, un appareil sécuritaire qui ne marche pas et dans lequel on utilise la torture comme moyen de faire taire les gens ». Et de pointer la responsabilité de la France, meilleure alliée du pouvoir, qui en février a envoyé ses avions stationnés à N’Djamena dans le cadre de l’opération « Barkhane » bombarder une colonne de rebelles tchadiens venus de Libye. « La France soutient le Tchad pour lutter contre le terrorisme, mais on oublie qu’à l’intérieur du Tchad il y a les Tchadiens qui ont besoin de vivre, de régler leurs problèmes ». Le Tchad devient aussi exportateur de pétrole et se place encore plus dans l’orbite des pays impérialistes.

Oui bien sûr, explique la presse en France, Idriss Déby a quelques défauts, mais il faut les accepter sinon ça serait pire. Dans ce pays, il n’y a jamais de paix. Si des tchadiens viennent en France comme demandeurs d’asile, ils sont déboutés, ce qui est d’ailleurs le cas de presque tous les pays africains dont les Présidents sont amis de la France. La justice est instrumentalisée ici même contre les opposant.es.

Le rôle de l’impérialisme français est néfaste, il bloque toute perspective même démocratique. Pour construire une autre société, les peuple de la région doivent s’unir et chasser les impérialistes, et en priorité l’impérialisme français. Ici nous demandons des papiers pour celles et ceux qui sont visé.es par la répression dans leurs pays, nous demandons le démantèlement des bases militaires, et le retrait des troupes françaises d’Afrique.

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