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Livre "Le futur du travail" de Juan Carbonell

Partisan Magazine N°20 - Décembre 2022

Editions Amsterdam, 2022 - 180 pages, 12,00 €

Quel est le travailleur qui ne s’est jamais demandé avec inquiétude vers quel avenir on allait. Au vu 1. du chômage massif, 2. de la précarisation grandissante, 3. De l’informatisation et de la robotisation, 4. De l’importance prise par le transport et la logistique, il est naturel de se poser la question : Quel sera donc le « futur du travail » ? Ces quatre questions font l’objet d’un chapitre chacune dans le livre, et l’auteur s’évertue à démolir les fantasmes et autres illusions, telles que la fin du travail, la fin de l’industrie ou la fin du prolétariat, qui servent surtout à éviter de reconnaitre la nécessité de la fin du capitalisme.
De nombreux constats sont agréables à rencontrer au fil des pages. Ainsi : « Malgré les discours triomphalistes sur la robotique, jamais autant de personnes n’ont travaillé dans l’industrie au niveau mondial » (p. 15). Ou encore : « Une estimation fiable affirme qu’en 2017, en France, le secteur logistique hors transport concentre près de 990 000 emplois, dont 790 000 emplois ouvriers. (…) A titre de comparaison, les ouvriers de la filière automobile, bastion industriel et syndical en France, ne sont plus que 190 000 » (p. 135).
Le 5e et dernier chapitre est consacré aux conclusions. Il s’emploie d’abord à démolir trois fausses solutions : un revenu universel, la démocratie dans l’entreprise, la suppression du travail. Et là, surprise. L’auteur propose de substituer à une illusoire démocratisation de l’entreprise… un objectif de démocratisation de l’entreprise : « Si l’objectif est d’instituer une simple démocratie économique, alors défendre une simple répartition du pouvoir plus équitable entre les actionnaires et les employés reste insuffisante. Il faut, plutôt, envisager le contrôle des salariés comme moyen de démocratisation du travail » (p. 160). Cette dernière perspective est si peu révolutionnaire qu’on peut déjà l’ « observer dans d’autres pays » (p. 161).

Voici enfin la conclusion positive de l’auteur, « Libérer la vie du travail ». Elle commence par une référence positive à Marx : « Le royaume de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur. (…) La condition essentielle de cet épanouissement est la réduction de la journée de travail » (p. 168-9). S’ensuivent des considérations bien senties sur la réduction du temps de travail, sur les pièges des 35 heures Aubry, la flexibilisation et l’intensification, la réduction des temps de pause ; et un constat de la tendance actuelle : « Depuis quelques décennies, on constate en France une stagnation de la baisse du temps de travail, quand ce n’est pas une augmentation de celle-ci, de même qu’un développement du temps de travail à des horaires « atypiques », c’est-à-dire les week-ends ou la nuit » (p. 170).
Mais le dernier mot du livre revient au « contrôle » : « D’où l’importance d’un contrôle sur le travail par les salariés eux-mêmes, qui ne se réduise pas à une simple mise à égalité entre ceux-ci et les actionnaires mais qui leur permette de décider librement de son contenu et du sens à lui accorder, afin de lui donner un autre but que l’accumulation de profits » p. 174).

Même si on ne sort pas, finalement, de ce marécage trotskiste (l’auteur est militant à Révolution Permanente), de ce va-et-vient confus entre d’un côté le contrôle d’un pouvoir qu’on ne démolit pas et de l’autre l’aspiration à dépasser ce pouvoir et ce système, le livre reste très utile et très pertinent, par ses constats scientifiques des réalités, par sa démolition d’une série d’illusions et de contre-vérités courantes.

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