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LO, le NPA, l’Ukraine et la Palestine
Partisan Magazine N°23 - Juin 2024
Le NPA « issu du Ve congrès » - ne pas confondre avec le NPA de Phlippe Poutou et Olivier Besancenot – a sollicité à plusieurs reprises Lutte Ouvrière en vue des élections européennes. Fin de non-recevoir de la part de LO, qui a répondu le 13 février 2024 (Lutte de classe n° 238). Extraits :
« Nous ne vous servirons pas de marche-pied. (…) En épousant le seul « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », vous avez apporté votre petite caution à la politique menée par Biden et le camp impérialiste occidental. (…) Nous tenons à nous présenter seuls [aux élections européennes] pour défendre les idées de lutte de classe, celles du Manifeste communiste de Marx, pour affirmer que l’avenir de toute la société dépend de la capacité des travailleurs de se donner un parti révolutionnaire pour renverser le pouvoir de la bourgeoisie. (…) Une chose que vous avez apprise au NPA et à laquelle vous tenez, c’est de pouvoir dire tout et son contraire. C’est d’accepter de faire cohabiter dans un même parti des positions opposées. Mais la godille politique pour unifier à tout prix et, en fait, pour suivre les vents dominants, ne peut pas fonder une politique révolutionnaire qui est, hors des périodes révolutionnaires, une politique à contre-courant. »
L’apparente fermeté révolutionnaire de LO a quelque chose de sympathique. Et nous partageons cette lutte pour un solide parti révolutionnaire des travailleurs en vue de renverser le pouvoir de la bourgeoisie. Mais, premièrement, la réalité est complexe, et être unilatéral, c’est être dans l’erreur : c’est l’enseignement essentiel du matérialisme dialectique. La division en classes exploiteuses et classes exploitées se double au niveau international d’une division entre pays dominants et pays dominés. Le capitalisme est impérialiste. Et il serait utile à ce moment de savoir si la Russie n’est pas un pays impérialiste qui écrase un pays dominé, l’Ukraine. Il n’en est rien pour Lutte Ouvrière qui ne voit que deux pays capitalistes en conflit…
Deuxièmement, la réalité n’est pas seulement complexe, capitaliste et impérialiste (et aussi patriarcale), en plus elle évolue. Et le grand Marx lui-même a évolué. Il n’en est pas resté à l’affirmation unilatérale du Manifeste de 1847, « Du jour où tombe l’antagonisme des classes à l’intérieur de la nation, tombe également l’hostilité des nations entre elles ». Un peu plus de 20 ans après, il s’autocritique car il a changé d’avis. Dans une lettre à Engels du 10 décembre 1869, il écrit :
« Longtemps j’ai cru qu’il était possible de renverser le régime actuel de l’Irlande grâce à la montée de la classe ouvrière anglaise. J’ai toujours défendu ce point de vue dans le New York Tribune. Or, une analyse plus approfondie m’a convaincu du contraire. La classe ouvrière anglaise ne fera jamais rien tant qu’elle ne sera pas débarrassée de l’Irlande. C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général. »
La grande vague de luttes de libération nationale qui a traversé le XXe siècle lui a donné raison.
Aujourd’hui, la Palestine illustre bien malgré elle que cette lutte n’est pas terminée. Ré-écrivons Marx : « La classe ouvrière [israélienne] ne fera jamais rien tant qu’elle ne sera pas débarrassée de [la colonisation palestinienne] ».
Pour Lutte Ouvrière, c’est vraiment trop complexe. Et plutôt que de réfléchir un peu sur la complexité de la réalité, il vaut mieux pour elle en rester à quelques formules simplistes et doctrinaires – quitte à rester impuissante dans les conflits actuels.