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Les régulateurs : un réformisme du temps de crise
Cause du Communisme N°8 - Avril 1984
SOMMAIRE
I LE CHOIX DES FAITS OU L’ARBRE QUI CACHE LA FORET
II LA DITE REGULATION MONOPOLISTE
III UNE NOUVELLE REGULATION, UN NOUVEAU CONSENSUS SOCIAL
IV DU TISSU NEUF POUR UN VIEUX COSTUME
Il y a, dans la gauche dite réformiste, une sorte de querelle des anciens et des modernes. Devant l’échec des premiers, les seconds affirment que ce n’est pas le réformisme qui est condamné, mais les vieilles théories. Eux nous proposent une voie qui serait, comme il se doit, nouvelle : ni marxiste (c’est dogmatique), ni sociale-démocrate (c’est rétro), la voie d’un capitalisme dont les effets pervers seraient enfin maîtrisés. Un capitalisme « régulé » disent-ils.
Il est difficile, du moins il l’est de plus en plus, de soutenir la voie PC-PS. Pour cette gauche, on s’en souvient, la crise était surmontable grâce à l’arrivée de nouveaux gestionnaires et à la relance de la consommation.
Pour le PC notamment la crise était « voulue ». Les patrons de droite « organisaient » l’exportation des capitaux, le sabotage, la casse. Il suffisait de mettre à leur place des bons patrons de gauche, grâce aux nationalisations, pour repartir de l’avant. La lutte contre le capitalisme était et est remplacée par la lutte des gentils contre les méchants. L’absurdité de ce mauvais western saute aux yeux, car on ne voit pas pourquoi les capitalistes auraient saboté le capitalisme, ni pourquoi, en conséquence, d’autres feraient autre chose que rechercher le profit.
Avec l’idée qu’en relançant la consommation on relancerait la production, la gauche-rétro avançait un argument d’apparence plus logique. Logique toute superficielle toutefois. Car, outre que produire toujours plus et n’importe quoi n’est pas un objectif d’intérêt social évident (au contraire), la relance de la production n’est, premièrement, pas synonyme de fin du chômage, ni, deuxièmement, automatiquement conséquence de la relance de la consommation. Comme l’expérience d’après 1981 l’a amplement prouvé.
L’erreur vient ici de ce que l’origine de la crise est vue dans le déséquilibre entre production et consommation et, notamment, dans la sous-consommation. Or, ce déséquilibre n’est qu’un aspect que prend la crise du capitalisme, non son fondement. Qui plus est c’est dans le facteur production et non dans le facteur consommation qu’il s’amorce. La crise du capitalisme a débuté par la baisse de la croissance des investissements et de la production, ce qui a entraîné le chômage et la baisse de la consommation. Ce n’est pas par l’effondrement de la consommation qu’elle a commencé (les experts s’étonnaient même, à l’époque, de la « stagflation »).
C’est ce qu’ont remarqué les théoriciens de la gauche moderne. C’est un courant qui prétend s’élever contre cette rare indigence intellectuelle de la gauche, rétro et officielle (dans le bain sale de laquelle ils n’hésitent pas à inclure le marxisme). Certaines de ses composantes sont appelées « la gauche américaine » (Michel Rocard, Edmond Maire), d’autres sont le Cérès, d’autres minoritaires à la CFDT, etc. Mais les théoriciens-leaders en sont plutôt un noyau de « grosses-têtes », universitaires, cadres de l’INSEE ou de bureaux d’études de l’État comme le CEPREMAP. Ils sont payés à réfléchir, analyser, écrire, avec tous les outils à leurs dispositions (statistiques, etc.). Et ils le font, dans toutes sortes de revues ou livres qui leur donnent une influence d’autant plus grande qu’ils sont réputés spécialistes et souvent ex-gauchistes. Ils ne sont évidemment pas d’accord sur tout, mais s’entendent bien sur l’essentiel. Un des plus à gauche dit de ceux les plus à droite : « J’ai une certaine faiblesse pour la gauche américaine ». Bref, ils forment un courant que nous appellerons : les régulateurs.
Les nouveaux économistes ont les mêmes préoccupations que la gauche officielle : trouver une voie pour sortir le capitalisme de la crise sans révolution et, espèrent-ils, sans guerre. Le " nouveau " est leur grande prétention. Ils apportent, selon eux, une théorie nouvelle : le capitalisme, n’est plus ce qu’il était ( et ce que Marx en a dit ), la crise d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de l’entre-deux guerres et la lutte des classes n’est absolument plus la même. On verra que ce qui n’est pas nouveau, en tout cas, c’est la prétention de ces intellectuels à proposer une troisième voie, ni capitaliste, ni socialiste, à conseiller à la bourgeoisie ce qu’elle devrait faire pour que tout aille bien.
Et c’est bien ce qui nous met la puce à l’oreille : tout cela sent en fait profondément le réchauffé. Nous verrons que ce qui sépare nos régulateurs (du moins certains d’entre eux) des révisionnistes est seulement qu’ils recherchent l’équilibre du couple production-consommation non dans la fuite en avant vers le « produire plus-consommer plus », mais, derrière l’abri du protectionnisme, dans le « travailler moins, produire moins, consommer moins ». C’est la lutte de la tendance « productiviste » contre la tendance « conviviale » de la bourgeoisie. Ou encore de ceux qui privilégieraient la quantité contre les partisans de la qualité. C’est opposer les deux faces d’une même médaille. C’est rechercher l’équilibre social dans l’équilibre du rapport production-consommation. Ce qui, non seulement est une vue erronée car purement économiste, mais encore ne voit de l’économie qu’un aspect secondaire.
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