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Mère Térésa : figure indispensable de l’impérialisme

Partisan n°180 - Novembre 2003

Généreuse et intégriste, dévouée et réactionnaire. Les médias ont fait parfois allusion à son côté intégriste : c’est une tendance religieuse ; jamais à son côté réactionnaire : c’est de la politique.
Quant à son côté dévoué et généreux, n’est-il pas positif ?

Le côté intégriste et réactionnaire

L’Huma du 20 octobre rappelle que Mère Teresa, de son vrai nom Agnès Bajaxhiu, « s’est toujours opposée à toute forme de contraception » et qu’elle partageait « les mêmes vues ultra-conservatrices » que le pape. Quand on veut illustrer les positions réactionnaires du pape, en effet, comme de Mère Teresa, on prend tout de suite des exemples moraux et religieux. Sans nier l’importance de la contraception ou de l’avortement pour l’émancipation des femmes, il faut noter que les positions politiques sont systématiquement oubliées — et c’est exactement ce que fait l’Huma—. On peut les résumer d’un mot :ce sont des positions anti-communistes.
Il est vrai que les positions morales et religieuses de la « sainte » femme étaient si folkloriques qu’il est difficile de ne pas en rappeler quelques exemples dans Partisan — un peu d’humour ne fait pas de mal ! Mère Teresa a assuré, par exemple, un jour que si elle avait vécu à l’époque de Galilée, elle aurait donné raison à l’Eglise contre lui. Elle aurait donc condamné elle aussi Galilée, et défendu la vérité éternelle selon laquelle c’est le soleil qui tourne autour de la terre et non l’inverse ! L’Eglise a toujours raison !

Ni contraception, ni antalgiques !

Cet intégrisme religieux et moral n’était pas sans rapport ni sans conséquences sur son action humanitaire. Christophe Hitchens raconte [1] :
En janvier 1980, à Calcutta, Mère Teresa nous fit visiter le petit orphelinat qu’elle venait d’ouvrir. Même si cet établissement ne réduisait pas de manière radicale l’immensité des problèmes de la ville, le projet était attachant. Alors que la visite de l’orphelinat s’achevait, elle agita soudain le bras et m’expliqua : « Vous voyez, c’est comme ça qu’au Bengale nous luttons contre l’avortement et la contraception ».L’aveu avait le mérite de la franchise : l’objet de l’activité de Mère Teresa, qui n’a jamais cherché à dissimuler son soutien à une idéologie dogmatique, tient en effet davantage du fondamentalisme conservateur que de préoccupations humanitaires.
Une de ses déclarations les plus connues, en tout cas elle mérite de l’être, est celle-ci : « Il y a quelque chose de très beau à voir les pauvres accepter leur sort, le subir comme la passion du Christ. Le monde gagne beaucoup à leur souffrance ». Le « monde » est une notion un peu vague, il faudrait dire : multinationales, capitalistes, riches ou quelque chose comme ça ! Cette vision de la beauté de la souffrance était très concrète car les dispensaires de Mère Teresa étaient très peu ou même pas du tout pourvus en antalgiques. « Des seringues lavées à l’eau froide, un régime alimentaire redoutable pour les patients, rien à voir avec le fonctionnement d’une clinique convenable à Calcutta », dit Hitchens. Et il pose la question : A quoi étaient utilisées les « énormes sommes recueillies pour soulager la souffrance des pauvres » ? Il suggère la réponse : à ouvrir des centaines de couvents à travers le monde,à faire du prosélytisme religieux, et pas n’importe quel prosélytisme.

L’amie des riches et des puissants

En 1981, Mère Teresa se rend en Haïti pour y recevoir la Légion d’honneur. Elle remercia chaleureusement les Duvalier, affirmant que Jean-Claude (Bébé Doc), le sinistre dictateur, et sa femme Michèle « aimaient les pauvres » et étaient « adorés d’eux ». En 1992,elle envoie une lettre demandant la clémence du tribunal en faveur de Charles Keating, qui « a beaucoup fait pour aider les pauvres ». Cet escroc de grande envergure lui avait fait don de 1 250 000 dollars, après en avoir volé 252 millions aux petits épargnants américains. En novembre 1995, elle prend position (en faveur du non, bien sûr) au sujet du referendum en Irlande visant à autoriser le divorce. Mais quelques mois plus tard, elle se réjouit du divorce de son amie la princesse Diana : « C’est bien que ce soit fini ; personne n’était vraiment heureux » (1).
Le Figaro du 6 septembre 1997 racontait, au premier degré, c’est-à-dire rempli d’admiration, l’épisode suivant : débarquant un soir à l’aéroport de Khartoum, les humanitaires qui l’attendent lui apprennent que le gouvernement islamiste au pouvoir au Soudan bloque un train de vivres destiné aux chrétiens du Sud. Depuis l’hôtel, elle appelle aussitôt la Maison Blanche et demande à parler à son ami, le président Reagan. Le standardiste croit à une blague, jusqu’à ce qu’elle lui communique un numéro privé en Californie. Une heure après, le président des Etats-Unis la rappelle dans le bureau de l’ambassadeur américain incrédule : « Pas de problème, ma mère, je joins aussitôt le premier ministre soudanais ». Le lendemain, le train du salut s’ébranlait vers le Sud…

Dévouée et généreuse

Tout le monde, à part l’individualiste grave, est dévoué et généreux avec ses proches, les parents avec leurs enfants, etc. La question, c’est : qui considère-t-on comme ses proches ? « Les plus pauvres parmi les pauvres » (Mère Teresa — à relativiser, on l’a vu) ? Les soldats de son régiment et les citoyens de sa patrie (officiellement, en cas de guerre) ? Les autres (dans le cadre d’une association, d’un syndicat, etc.) ? Les ouvriers et les autres travailleurs (en tant que communistes) ? La deuxième question, c’est : dévoué comment et pourquoi ? Pour semer le calme, la résignation et la soumission ? Ou la lutte, la conscience politique et l’organisation ? Mère Teresa est la dame patronesse symbolique de l’époque de l’impérialisme mondialisé. Le patron exploite, la patronne console. Il faut donc voir au-delà de la bizarrerie religieuse (pour être déclaré béatifié, il faut être crédité d’un miracle, et pour être déclaté saint, il en faut deux !). Et il faut retenir une grande leçon politique : tout ce qui ne s’inscrit pas dans une stratégie révolutionnaire sert le capitalisme. Toute ONG, tout militant qui n’est pas « politique » — et révolutionnaire — fait de « l’accompagnement » du capitalisme.

 

Marc Crépin

 

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