FRANCE DÉGAGE ! reprise des luttes contre la domination impérialiste au Sénégal

1- L’impérialisme et ses visages.

Patrick Chamoiseau définit trois types de domination : le brutal, le silencieux, le virtuel. N’importe qui peut se mettre à se demander dans quel-s type-s il est pris.

Mais en Afrique, plus précisément au Sénégal, les mutations du capitalisme ne lui permettent pas d’avoir avec précision le type de domination qu’il vit. Les types de domination s’entrelacent, avec une dominante bien sûr. Avec les luttes anticapitalistes dès 1968 et avec l’émergence d’organisations m-l, les différents gouvernements de Senghor (1960-1981) et de Diouf (1981-2002) ont été confrontés aux luttes ouvrières (la grève générale de 1968 puis celle de 1969). Les luttes estudiantines avec liaisons avec les masses ouvrières et paysannes (1972-73) ont obligé le capitalisme à passer d’une domination brutale à une domination silencieuse. Senghor et Diouf ont opté pour l’émergence d’une bourgeoise nationale qui de fait n’était que le paravent d’un déploiement plus intensif et plus caché du capitalisme particulièrement français. Les accords d’indépendance stipulent, d’ailleurs, l’obligation d’un choix quasi exclusif des investissements français. Abdoulaye Wade a tenté passablement de changer de chef capitaliste avec le capital arabe en concédant le Port Autonome de Dakar à Dubaï Ports World. Mais l’essentiel des investissements est resté français.

Avec le Président Macky Sall, arrivé au pouvoir en 2012, l’impérialisme français a repris de plus belle et semble faire sa part totale sur les secteurs les plus rentables. On compte plus de 250 entreprises françaises au Sénégal. L’impérialisme français est comme toujours au cœur de l’économie sénégalaise.

Bolloré, qui a été plus ou moins écarté par Wade, a repris du poil de la bête en rachetant une part des capitaux d’un concurrent Français Necotrans et est revenu en force au port. SUEZ s’occupe de la distribution de l’eau au détriment de la Sénégalaise Des Eaux (SDE, filiale du français Eranove). TOTAL fait son affaire avec des contrats juteux pour l’exploration et l’exploitation du pétrole offshore du Sénégal. Le Ministre du pétrole de l’époque a même dû démissionner pour refus de signatures de contrats, tellement ils étaient faramineux et désavantageux pour le Sénégal. Alstom-Thales-Engie se tape un projet de 1300 milliards de cfa - presque 2 milliards d’euros - pour relier Dakar à l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD), 69 km. Le contrat a été décrié pour être le plus déraisonnable du monde. Au Nigeria, un train express pour 187 km a été réalisé par une entreprise chinoise pour 553 milliards de cfa. Il est confié au duo SNCF-RATP. EIFFAGE gère les autoroutes du Sénégal avec des tarifs qui ont été dénoncés, qui ont même entraîné des sit-in de protestations. AUCHAN, CARREFOUR s’implantent même dans les quartiers pauvres et tuent le petit commerce de survie. Des propositions moins onéreuses d’autres capitalismes (chinois par exemple) n’ont pas été préférés par le régime affidé à la France impérialiste.

2- Quelles luttes anticapitalistes, anti-impérialistes ?

Une organisation est née, "FRAPP-France Dégage" (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine). Elle se dit anticapitaliste et anti-impérialiste. Elle s’implante de plus en plus dans toutes les parties du Sénégal. Elle a été créée par un jeune et les jeunes la rejoignent. Son animateur, Guy Marie Sagna, est un militant marxiste. FRAPP est né du sentiment que l’économie du Sénégal se recolonise brutalement au vu au su de tous, donc sans se diluer dans l’anonymat. Les enseignes sont là : TOTAL, EIFFAGE, AUCHAN, ORANGE, FREE, etc.

Les luttes de France Dégage ont commencé avec AUCHAN Dégage, une campagne de boycott des produits de cette marque, avec une mise en avant des produits locaux achetés aux producteurs directement ou sans trop d’intermédiaires. Depuis lors, les luttes continuent. Le responsable a été mis en prison (avec d’autres militants). A lui seul, il a fait plus d’une trentaine de séjours en prison en moins de cinq ans. France Dégage est aussi lié aux luttes des travailleurs contre les licenciements et abus patronaux, l’accaparement des terres par une bourgeoisie sénégalaise montante.

Durant les événements de février-mars 2021, jamais le peuple sénégalais ne s’est soulevé contre un régime avec autant de violences et de cibles anti-régime. Il y a eu plus de trois cents arrestations, une dizaine de morts. Les stations TOTAL, les boutiques AUCHAN, ORANGE ont été saccagées. Des tribunaux et des gendarmeries ont été attaqués. Le sentiment anti-impérialiste est devenu un peu plus fort. Il faut en plus dire que France Dégage mène une bataille contre toutes les formes d’impérialisme. Son combat s’inscrit dans une lutte alternative anticapitaliste. Un travail de militant est attendu pour que les levées populaires à venir aillent plus dans le sens de la révolution au Sénégal et dans le monde.

Un militant au Sénégal.