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Il y a 130 ans naissait Mao Zedong

Partisan Magazine N°22 - Décembre 2023

Egalement en turc : https://ocml-vp.org/article2493.html

Une jeunesse rebelle

Le camarade Mao Zedong est né le 26 décembre 1893 à Shaoshan dans la province du Hunan. C’était il y a 130 ans. A l’époque la Chine est la proie des puissances impérialistes qui se partagent le monde : la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Russie, les USA et le Japon cherchent à y conquérir des sphères d’influences pour mettre la main sur les richesses mais aussi sur de nouveaux marchés. La Grande Bretagne y a ainsi mené deux guerres entre 1839 et 1860 pour pouvoir écouler l’opium produit en Inde et plonger des millions de Chinois dans une dépendance sordide. La proie est d’autant plus alléchante qu’elle est fragile : l’Empire plusieurs fois millénaire est en train de s’effondrer. Les gouvernants autour de l’Impératrice Tseu Hi (Ci Xi [1]), otages d’une aristocratie oisive qui refuse tout changement, n’arrivent pas à mener les réformes nécessaires pour moderniser le pays et y développer le capitalisme. Ils tentent de survivre en jouant un jeu de balancier entre des forces qui les dépassent : ainsi l’impératrice en appelle aux Anglo-britanniques pour briser le soulèvement paysan anti-féodal des Taipings (1851-64), avant d’appuyer la société secrète des Boxers qui déclenche la guerre contre les Occidentaux en 1898. En 1911, le docteur Sun Yat-Sen (Sun Yixian) prend le pouvoir à Pékin (Beijing) avec son parti Guomindang et proclame la république.

Mao a alors 18 ans, c’est le fils d’un paysan aisé qu’il décrira plus tard comme un tyran qui maltraitait sa mère et ses ouvriers agricoles. Il se rebelle d’abord contre lui puis s’enthousiasme pour la révolution de 1911 et s’enrôle dans les troupes républicaines de son Hunan natal. Pour la première fois il a l’occasion de se lier avec des paysans pauvres. Mais il est rapidement déçu, car Sun Yat-Sen est incapable d’étendre son autorité sur le pays, partagé entre différents chefs de milices (seigneurs de guerre) alliés aux puissances impérialistes. Sun Yat-Sen ne cherche pas à mobiliser les campagnes et préfère chercher le compromis avec son principal adversaire, le seigneur de guerre Yuan Shikai. « Juste au moment où les Hunanais se préparaient à agir, Sun Yat-sen et Yuan Shikai parvinrent à un accord et la guerre programmée fut annulée ».

En 1919, il part pour Pékin, où il devient bibliothécaire à l’université. Il arrive juste à temps pour assister au Mouvement du 4 Mai, une révolte étudiante pour l’indépendance nationale et contre la culture traditionnelle. Il se lie avec les cercles anarchistes qui jouent un rôle important dans le mouvement, lit Bakounine et Kropotkine. Il dira plus tard en riant qu’il a quitté les anarchistes parce qu’ils étaient devenus végétariens militants et que c’était trop en demander à un fils de paysan comme lui. Il se rapproche à partir de 1920 du marxisme, professé désormais par deux anciens leaders du 4 mai Chen Duxiu et Li Dazhao, qui fondent le Parti Communiste Chinois en 1921.

Essor du parti communiste et guerre civile

De 1917 à sa mort en 1924, Sun Yat-Sen tente depuis Canton (Guangzhou) d’unifier la Chine, il reçoit l’aide militaire de la jeune Russie soviétique. En retour, il s’appuie sur les communistes chinois pour organiser les ouvriers et les paysans. Le jeune Parti de 1921 qui comptait à sa fondation pas plus d’une quinzaine de membres devient rapidement une force capable de concurrencer le Guomindang. Tchang Kaï-Chek (Jiang Jieshi), le successeur de Sun Yat-Sen, voit cette situation d’un très mauvais œil, d’autant que les Unions Paysannes impulsées par les communistes ont commencé à partager les grandes propriétés foncières de la province de Guangdong et que les syndicats ouvriers se font de plus en plus remuants. Pour rassurer les propriétaires terriens et donner des gages aux impérialistes qui s’inquiètent de sa capacité à gérer le pays dans le sens de leurs intérêts, il organise une répression antisyndicale qui vire rapidement au massacre à Shanghaï en mars 1927.

A l’époque, Mao Zedong va s’opposer à la fois à la ligne officielle de l’Internationale communiste, qui prône une alliance avec une fantomatique aile gauche du Guomindang, et aux trotskistes partisans l’insurrection urbaine immédiate et il va tirer les conséquences de l’échec sanglant de l’insurrection ouvrière de Canton en décembre 1927. Dans un pays où la classe ouvrière ne forme encore que 2 ou 3% de la population, il définit une stratégie nouvelle ou la paysannerie sera la force principale de la Révolution et le prolétariat sa force dirigeante. Le Parti l’envoie mettre ses idées en pratique en organisant une armée révolutionnaire dans son Hunan natal. C’est là qu’il élabore la stratégie de guerre populaire prolongée qui fait rapidement ses preuves : les zones libérées font tache d’huile et se transforment en quelques années en une République Soviétique Chinoise de dix millions d’habitants. Au bout de cinq campagnes militaires mobilisant un million de soldats, Tchang Kaï-Chek parvient à encercler les communistes en 1934. Contre l’avis du Comité Central de son Parti, Mao décide d’une retraite de 10 000 kilomètres vers le Shanxi. Cette « Longue Marche » durera un an et permettra de diffuser le message révolutionnaire d’un bout à l’autre du pays « l’Armée rouge ne se bat pas pour se battre, mais uniquement pour faire de la propagande parmi les masses, pour organiser les masses, pour aider les masses dans l’établissement d’un pouvoir politique ».

En 1937, les Japonais envahissent le pays, le Parti Communiste lance le mot d’ordre de Front Uni. Tchang Kaï-Chek est kidnappé par ses propres généraux qui l’obligent à négocier avec Mao. Le Parti Communiste prend la tête de la lutte de libération. Il sort renforcé de la victoire contre le Japon. Face au Guomindang, inefficace, corrompu et incapable de moderniser le pays, le Parti Communiste apparait désormais comme le plus à même de réaliser le programme de Sun Yat-Sen « indépendance nationale, démocratie, bien-être du peuple ». Des fractions de la bourgeoisie nationaliste se tournent vers les communistes et cherchent même à faire de l’entrisme au sein du Parti, pour le mettre au service de leurs propres objectifs. On peut dire sans spoiler que leur plan finira par marcher. La guerre civile reprend de 1945 à 1949 mais Tchang Kaï-Chek, de plus en plus impopulaire finit par s’enfuir à Taïwan.

Construction du socialisme et luttes de classe au sein du parti

Dès le lendemain de la victoire, Mao va s’affronter avec celles et ceux qui au nom de l’efficacité prônent des méthodes inspirées par le capitalisme : salaires au rendement, toute puissance des directeurs et des cadres dans les usines, propriété individuelle des terres. Mao veut au contraire à la fois « faire la révolution et développer la production ». Ses opposants sont des figures historiques du parti, qui se posent en « pragmatiques », Liou Shao Shi (Liu Shaoqi) et Deng Xiaoping, pour qui « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape les souris » (comprendre : peu importe que les méthodes de gestion soient capitalistes ou socialistes pourvu que les rendements augmentent).

En 1958, Mao lance le pays dans une ambitieuse campagne, le « grand bond en avant » : il s’agit de s’appuyer sur l’initiative et l’enthousiasme des masses populaires pour construire un socialisme aux antipodes de la centralisation soviétique : création de « Communes Populaires » développement de la production industrielle à la campagne (petits hauts-fourneaux) … Le manque de préparation et les mauvaises conditions climatiques font que l’expérience tourne court, et que la droite impute l’ensemble des échecs à Mao, qui perd la présidence de la république au profit de Liou Shao Shi (il reste toutefois à la tête du Parti).

En 1956, Mao est frappé par les révoltes populaires contre les Partis « Communistes » au pouvoir en Hongrie et en Pologne. Il prend progressivement conscience des limites des Pays de l’Est et de l’URSS (avec laquelle la Chine rompra en 1962). Ses textes de l’époque « la juste résolution des contradictions au sein du peuple » et « sur l’expérience historique de la dictature du prolétariat » critiquent en creux les méthodes staliniennes de direction et affirment que la lutte de classe continue sous le socialisme.

La « grande révolution culturelle prolétarienne » de 1966-69 sera la dernière grande offensive de Mao contre la droite du Parti. Il lance le mot d’ordre « feu sur le quartier général » : il en appelle aux masses populaires et d’abord à la jeunesse pour lutter « dans les conditions du socialisme contre la Bourgeoisie et les autres classes exploiteuses » qu’il accuse d’avoir fait leur nid dans le Parti et l’appareil d’Etat. Il cherche aussi à créer une nouvelle génération révolutionnaire et appelle de ses vœux « non pas un, mais des millions de successeurs ».

Pourtant, un mois après sa mort, sa veuve Jiang Qing et plusieurs de ses partisans les plus proches (Zhang Chunqiao, Wao Yenwuan et Wang Hongwen) sont arrêté, des purges anti-maoïstes sont déclenchées sur tout le territoire… et deux ans plus tard Deng Xiaoping écarte ses derniers rivaux, dissout les Communes Populaires et s’emploie à engager une Chine que la Révolution a réunifiée, modernisée et industrialisée sur la voie du Capitalisme qu’elle n’a plus quitté depuis. De Mao il ne reste qu’une image sur les billets de banque, mais aussi des idées toujours vivantes qui ressurgissent régulièrement à la faveur des révoltes ouvrières et paysannes qui secouent toujours la Chine.

Nota : On peut voir une vidéo complète à propos de la Révolution Chinoise sur la chaîne Youtube de l’OCML Voie Prolétarienne, https://www.youtube.com/@ocmlvoieproletarienne351/videos

[1Les noms propres entre parenthèses indiquent la transcription moderne (pinyin), telle qu’on peut la trouver dans les publications chinoise en français.

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