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Le vertueux concert des anti-terroristes

Pour le Parti N°12AS - Novembre 1977

L’affaire Schleyer a été l’occasion d’un renouveau de protestations "contre la violence d’où qu’elle vienne". De la gauche à la droite, des milliers de doctes éducateurs, politiciens, pisses-copie et curés divers s’élèvent contre la montée du terrorisme en Europe. Face au développement spectaculaire des enlèvements, détournements d’avions, exécutions sommaires, face à la prolifération des groupes "armées rouges", "noyaux armés", etc. un seul cri : TERRORISTES = ASSASSINS, halte au "FASCISME ROUGE", NON à la VIOLENCE, etc...

La droite réactionnaire ne s’embarrasse pas de détails. Le Parisien Libéré, l’Aurore, les radio-télévisions, etc. tentent de faire pénétrer profondément l’idée que tout acte de révolte violent n’est que du brigandage, du vulgaire banditisme, et relève de la Cour d’Assise, de la guillotine, bref de la violence "légale".

Mais une argumentation aussi sommaire a du mal à pénétrer dans la classe ouvrière et les masses populaires. C’est qu’en effet l’argument du brigandage est assez éculé : les résistants antifascistes de 40-45 n’étaient-ils pas traités d’assassins par les mêmes bourgeois collaborateurs ? N’étaient-ce pas ceux qui organisaient les meurtres et les tortures en Algérie qui accusaient les combattants algériens d’être des brigands ? Des milliers de fascistes notoires n’ont-ils pas été graciés après la guerre, y compris de nombreux chefs éminents des SS et de la Gestapo ? Et jusqu’à récemment, "l’évasion" en Italie du SS Kappler, assassin de centaines d’otages ? L’assassin a beau crier à l’assassin, il a du mal à se faire entendre. La bourgeoisie au pouvoir n’arrive pas à ce que les masses ouvrières s’indignent de l’exécution de Tramoni (meurtrier, gracié, de l’ouvrier Overney) tandis que vivent toujours ceux de l’ouvrier de Reims, Pierre Maître. Elle n’arrive pas à ce que nous versions des larmes sur le sort de Hans Martin Schleyer, nazi de la première heure, exécuteur haut placé et très activement responsable de l’oppression hitlérienne sur la Tchécoslovaquie, patron de combat d’un acharnement forcené contre la classe ouvrière après avoir été gracié dès 1948, chef de tout le patronat allemand en 1976 (à ce titre il gagnait 120 millions d’AF par an !) et féroce ennemi de la classe ouvrière.

Non, vraiment, il est trop évident que la droite ouvertement réactionnaire n’est pas qualifiée aux yeux des masses pour condamner le terrorisme et la violence. Car, nous allons le voir, c’est bien cela qui est en jeu pour la bourgeoisie : à travers la condamnation du terrorisme, lutter en fait contre l’emploi de toute violence par les opprimés. Et comme la droite est trop disqualifiée, c’est la "gauche" qui va être à la tête du combat contre la violence. Comment ?

Tout d’abord en s’armant de vertu : oui, dit-elle, c’est la droite bourgeoise, ce sont les injustices de la société capitaliste qui engendrent la violence. Donc, soyons compréhensifs : "Les extrémistes de la révolution ont une âme pure et des intentions nobles. Ils méritent qu’on les comprenne et qu’on les explique" [1]. Et tous ces professeurs, sociologues, curés, de chercher à "expliquer" que la "société est bloquée" que les "marginaux se multiplient et se radicalisent" parce que "l’ordre ne repose plus que sur la contrainte et non sur une adhésion" [2]. Et le PCF de renchérir : "beaucoup trop de gens ont perdu confiance dans la démocratie. Chez beaucoup, cela suscite un désintérêt dangereusement désabusé. Chez d’autres, très minoritaires, mais existants, cela peut conduire à une catastrophique stratégie de cataclysme" [3].

Toute cette mielleuse "compréhension" de ces messieurs à l’égard des terroristes ne vise qu’à faire croire qu’ils sont eux aussi du côté de la révolte, qu’ils parlent au nom de la lutte contre le capitalisme. Et, bien campés dans leurs personnages de révolutionnaires, ils nous expliquent, voyez-vous, que s’il y a du terrorisme, c’est qu’il n’y a pas assez de démocratie. Ces vertueux messieurs nous enseignent la Vertu : la démocratie. Les terroristes naissent du manque de démocratie et ils sont condamnables parce qu’ils luttent contre la démocratie.

C’est l’argumentation classique des "extrêmes qui se rejoignent". Vous extrémistes de droite, vous engendrez le terrorisme : votre société est "dominée par l’argent", "l’inégalité y est grande, l’injustice réelle" [4] ! Si vous étiez plus raisonnables, vous seriez moins répressifs. Il faut laisser des soupapes de sécurité pour que la vapeur s’échappe pour atténuer les tensions sociales. Vous avez tort de ne pas développer la "concertation", la "participation", la "cogestion", le "parlementarisme", le syndicalisme de collaboration de classe et toutes sortes d’autres gadgets pour détourner la révolte, pour faire croire que les problèmes peuvent se résoudre pacifiquement et par le "suffrage universel".

Et vous, extrémistes de gauche, vous êtes encore pires. Si vous employez la violence, cela permettra à la droite d’accroître sa violence. Par vos actions, vous appelez le fascisme : car comment voulez-vous que la bourgeoisie ne se défende pas jusqu’au bout ? Vous êtes des violents. Vous êtes des fascistes. Vous êtes des "fascistes rouges".

Autrement dit : vous, ouvriers, vous êtes exploités. Vous souffrez. Vous donnez votre sueur et votre peine au capitaliste. Mais contentez-vous de protestations verbales, "démocratiques". Sinon c’est votre sang et votre peau qu’on vous prendra. Mieux vaut la violence "légale" de l’exploitation capitaliste à perpétuité, que risquer le "cataclysme" pour s’en sortir.

La vérité est que la démocratie n’est qu’une forme d’Etat. Elle n’est que la forme sous laquelle la bourgeoisie exploite des millions d’ouvriers, sous laquelle elle organise son pouvoir, sa dictature. La démocratie bourgeoise reconnaît "en principe" des droits égaux aux individus : droit au travail, droit de réunion, droit d’expression, droit de vote, etc. Mais, en fait, tout repose sur le pouvoir du Capital. En fait, c’est le droit d’exploiter le travail d’autrui, le droit à ceux qui ont de l’argent de posséder les journaux, salles de réunion, etc., droit de déléguer tout pouvoir à des parlementaires et fonctionnaires bourgeois et inamovibles. "Travaille et tais-toi" tel est le mot d’ordre de la démocratie bourgeoise qui ne tient encore debout que parce qu’elle est un énorme appareil bureaucratique protégé par des milliers de policiers et mercenaires armés, disposant de milliards pour "éduquer", tromper, mentir.

Et aujourd’hui se développent les monopoles, les trusts géants. Pour dominer les marchés, lutter contre les concurrents, produire à une échelle toujours plus vaste, ils ont besoin d’un Etat toujours plus centralisé, toujours plus autoritaire. Le monopole ne peut exister que s’il règne sans partage. Il ne peut supporter même le parlementarisme bourgeois, les discussions et les partages avec les autres capitalistes. Pour survivre, il ne peut que s’étendre, fusionner avec l’appareil d’Etat, se fondre avec lui en un appareil unique que se soumette tous les aspects de la vie sociale. C’est l’époque du capitalisme monopoliste d’Etat. Epoque où s’affirme de plus en plus la tendance à la réaction. C’est sur la base économique du monopole, du capitalisme monopoliste d’Etat que se développe la tendance à l’oppression toujours plus dure de la bourgeoisie, la tendance au fascisme.

Aussi, lorsque Duverger, le PCF et d’autres accusent les terroristes d’être les responsables de l’augmentation de la répression, de l’arrivée du fascisme, ils inversent les rôles.

Comme M. Dühring [5], ces gens-là font de la violence le "mal absolu", "une puissance diabolique" qui serait apparue avec le péché originel. Il faut leur apporter la même réponse qu’il y a 100 ans, Engels apportait à Dühring : "Toute violence repose primitivement sur une fonction économique". La violence est née à partir du moment où, sur la base du développement économique, la société s’est divisée en classes. A partir du moment où les classes dominantes ont dû créer un appareil spécial de répression, l’Etat, pour organiser et assurer leur domination. Mais voilà que pour les révisionnistes, ce n’est pas le capitalisme monstrueux de l’époque impérialiste qui engendre la répression, le fascisme. Non : ce sont quelques terroristes. Ce ne sont pas les monopoles et trusts qui ont organisé l’arrivée au pouvoir d’Hitler et Mussolini, mais, certainement, les ouvriers allemands et italiens qui, par leur révolte, ont poussé la bourgeoisie à se défendre. De même, les ouvriers de France n’auraient pas dû lutter pour le Front Populaire en 1936 puisqu’après la bourgeoisie a dit "plutôt Hitler que le Front Populaire". Ce qu’ils reprochent aux ouvriers, ce n’est pas de ne pas avoir alors poussé leur révolte jusqu’à la révolution socialiste pour abattre le capitalisme, pour couper le fascisme à la racine. Non : ils leurs reprochent leur lutte même. Ils admettent, à la rigueur, que le capitalisme est cause de la violence. Mais ce n’est que pour gémir et se lamenter que l’injustice et la misère engendrent la violence.

Soupirs et gémissements qui n’ont qu’un seul but : implorer le capitalisme d’être moins dur, rêver de réformes pacifiques. En fait, tout cela ne débouche que sur le maintien de la violence bourgeoise, la victoire du fascisme comme en 1939 en France, ou plus récemment encore au Chili.

Ils sont ennemis de la violence. Mais la violence est "l’accoucheuse de l’histoire", "elle est l’instrument grâce auquel le mouvement social l’emporte et met en pièce les formes politiques mortes". Violence des esclaves contre les maîtres, des serfs contre les seigneurs, du peuple contre la féodalité, du prolétariat contre la bourgeoisie : telle est la marche de l’histoire.

Il y a donc deux points de vue de classe tout à fait différents pour parler du terrorisme :

a - Le point de vue de la bourgeoisie. Au nom de son pouvoir, de l’Etat de démocratie bourgeoise, au nom du parlementarisme et de toutes les formes "légales", "pacifiques", qui l’aident à maintenir ce pouvoir, la bourgeoisie condamne les terroristes comme violents. Elle condamne l’utilisation même de la violence. Les révisionnistes du PCF débordent de rage : les violents sont "de lamentables assassins qui se croient des révolutionnaires parce qu’ils abattent des policiers et qu’ils enlèvent des banquiers" [6]. Ce sont des "criminels". Les révisionnistes appellent à la répression, ils demandent à la bourgeoisie de "les localiser et de les neutraliser".

Il en va de même pour les soi-disant marxistes léninistes du PCMLF. Ils répètent après Maître Duverger et Dühring [7] : il n’y a pas de danger fasciste dans la démocratie française aujourd’hui. Le seul danger n’est pas la bourgeoisie, mais l’URSS. Alors, condamnons ces terroristes qui donnent des prétextes à des "campagnes anti-allemandes". Unissons-nous avec toutes les bourgeoisies européennes contre l’URSS. C’est à dire : à bas la violence... mais préparons la guerre.

De Dühring au PCMLF en passant par le PCF, il n’y a dans tout cela qu’écœurante hypocrisie de gens qui admettent, d’un côté que le Capital est la cause de la violence, mais qu’il ne faut surtout pas le détruire, détruire "sa" démocratie. De gens qui prennent prétexte de condamner le terrorisme pour condamner l’usage de la violence par les exploités. Hypocrisie de ceux qui haïssent par-dessus tout la révolte et la révolution, et qui se saisissent d’erreurs commises par des révoltés qui font fausse route pour tenter de l’étouffer.

b - Le point de vue de la classe ouvrière et des communistes marxistes-léninistes est tout à fait différent. Ce point de vue part de la reconnaissance de la nécessité de la violence pour que l’histoire "accouche" d’une nouvelle société. Ce n’est pas du point de vue de professeurs, parlementaires ou autres, n’aspirant qu’à rester assis légalement dans leurs fauteuils, qu’ils jugent le terrorisme, mais du point de vue de ceux qui savent qu’il faut se préparer à la révolution, et qu’elle sera violente. Qu’elle sera ce "cataclysme" dont s’effraie le PCF. Mais cataclysme qui mettra fin à l’horreur de l’exploitation capitaliste. Cataclysme bien moins effroyable que les guerres que le capitalisme engendrera encore et encore si nous ne le détruisons pas.

"Abattre des policiers, enlever des banquiers" s’indigne le PCF ! Pourquoi pas ? Aujourd’hui encore les bourgeois reprochent à Fabien d’avoir abattu dans le dos un officier allemand dans le métro : c’était pourtant le début de la lutte armée contre les fascistes. Tout acte de terrorisme n’est pas inutile : nous devons le juger d’un point de vue révolutionnaire, du point de vue de son efficacité révolutionnaire. En Europe de l’Ouest, pour la première fois depuis la Résistance, depuis 30 ans, des militants posent ouvertement la question de la violence : nous devons répondre aux terroristes sur ce terrain, et non nous draper dans la dignité de soi-disant révolutionnaires sages, responsables, raisonnables, vertueux.
Contrairement aux accusations lancées contre elle, la Fraction Armée Rouge, ne pense pas que la violence de petits groupes remplace celle des masses. Ils ne sont pas des putschistes qui imagineraient que la révolution pourrait être le fait d’un petit groupe uni et décidé. Ils affirment la nécessité de la violence révolutionnaire de masse. Et ils ont le "mérite", par rapport à tous nos hypocrites, de proposer une tactique, dont ils pensent qu’elle aboutira à cette nécessaire violence de masse.

Et c’est sur cette tactique que les communistes marxistes-léninistes sont en total désaccord avec eux. Car elle repose au moins sur une double grave erreur.

-  Ils partent du constat que la classe ouvrière des pays comme l’Allemagne n’a pas combattu, dans son ensemble, pour la révolution socialiste ces dernières années, mais s’est trouvée limitée à des luttes économiques pour le niveau de vie, les conditions de travail, les réformes, etc. Et ils en tirent la conclusion que la classe ouvrière est embourgeoisée, qu’elle est dans l’incapacité de se sortir du carcan de l’oppression idéologique, politique, policière de la bourgeoisie. Pour cela, pensent-ils, il est nécessaire de lui donner l’exemple de la violence, de l’unir par l’exemple d’actes violents qui lui apparaîtront comme ce qu’il faut faire, qui seront pour elle comme une révélation, qui lui apporteront la conscience de la voie à suivre.

-  L’exemple de la violence apportera la conscience de la voie à suivre. Unir tous ceux que cet exemple décidera à passer à l’action immédiate. Finalement, les terroristes de la Fraction Armée Rouge réduisent la conscience politique à celle de la violence. Eux n’admettent pour révolutionnaires que ceux qui la pratiquent, et tous ceux qui la pratiquent. Autrement dit, pour eux, il n’y a pas de classe spécifiquement révolutionnaire. Ce n’est pas la situation de classe qui détermine le révolutionnaire, mais le combat violent qui crée le révolutionnaire. Ils ne pensent pas, comme les marxistes, que ce sont les conditions économiques matérielles qui déterminent quelle classe est révolutionnaire. Que la place du prolétariat dans la production fait qu’aujourd’hui, il est la seule classe révolutionnaire. Que le seul moyen faire la révolution est donc de le gagner lui, à la violence de masse. Pour ces terroristes, pour faire la révolution nul besoin que le prolétariat s’assimile les lois de lutte sociale, la théorie révolutionnaire Il suffit, disent-ils, que des individus, quels que soient leurs liens avec la classe ouvrière, se transforment eux-mêmes en s’emparant du fusil : ensuite, ils transformeront le monde. Bref, il suffit de se transformer en héros. Il suffit d’un groupe de héros qui rendent à la classe ouvrière sa conscience par la seule valeur de l’exemple.

Lénine faisait déjà remarquer à cet égard [8] que ceux qui parlent "d’exciter le mouvement ouvrier" usent d’un argument qui se retourne contre lui-même. Car enfin, si la classe ouvrière n’est pas "excitée" par l’oppression capitaliste, alors on ne voit pas quel autre moyen plus puissant y aboutirait : "Il est évident que ceux qui ne sont ni excités, ni excitables" par les conditions de la vie ouvrière ne feront qu’observer tout aussi passivement "le duel du gouvernement avec une poignée de terroristes".

Ce que négligent nos héros, c’est justement le travail d’agitation et de propagande en profondeur pour arracher la classe ouvrière aux théories bourgeoises et révisionnistes. Ils oublient que le mouvement ouvrier est puissant, que la révolte est quotidienne. Que seule la domination politique et idéologique des révisionnistes du PCF et autres, empêche que cette révolte se transforme en lutte révolutionnaire.

Et ce qui est extraordinaire, c’est qu’ils prétendent combattre la limitation de la lutte ouvrière aux seules revendications "économiques" pour le niveau de vie, les réformes. Ils entendent lutter contre le fait que la classe ouvrière ne mène plus de lutte politique ample, large, contre l’Etat bourgeois. Extraordinaire parce que les "terroristes" abandonnent en fait le terrain de cette lutte politique. Ils abandonnent la lutte politique quotidienne pour arracher le prolétariat à l’influence bourgeoise des révisionnistes, abandonnent les tâches d’agitation et de propagande la plus large, abandonnent donc l’éducation politique du prolétariat. Le prolétariat n’est conscient que s’il peut agir dans la compréhension de son rôle historique, dans la connaissance précise du rapport de toutes les classes entre elles, des buts qu’elles poursuivent, de qui sont ses amis et ses ennemis, donc de la stratégie et de la tactique scientifique qu’il doit suivre pour gagner la guerre à travers de multiples et tortueuses batailles. Et cela nul exemple "héroïque", nulle "excitation" ne peut suffire à l’apporter.

En fait, les "terroristes" s’inclinent "devant la spontanéité de l’indignation la plus ardente d’intellectuels qui ne savent pas, ou ne peuvent pas conjuguer ensemble le travail révolutionnaire et le mouvement ouvrier". Comme les politiciens réformistes et révisionnistes, les "terroristes" estiment que les ouvriers s’occupent de la lutte économique tandis que les "intellectuels mènent la lutte par leurs propres forces naturellement au moyen de la terreur".

Le point de vue des marxistes-léninistes sur les terroristes, type Fraction Armée Rouge, n’est donc pas de leur reprocher d’utiliser la violence. Mais de mal l’utiliser, d’aller à l’encontre des buts poursuivis, de ne pas reconnaître la nécessité du travail politique dans la classe ouvrière pour élever son niveau de conscience et tout particulièrement pour organiser ses meilleurs éléments en Etat-major de combat, en Parti communiste d’avant-garde.

Pour les marxistes, la violence révolutionnaire doit être violence organisée des masses. C’est-à-dire qu’elle nécessite un haut niveau .de conscience et d’organisation de la classe ouvrière. Les groupes armés, les guérillas, ne peuvent être utiles et efficaces que si les masses ouvrières sont avec eux, que si les guérilleros sont "comme des poissons dans l’eau" au milieu du peuple. Ce qui nécessite une situation objective où les masses ouvrières soient profondément en mouvement. Ce qui nécessite qu’elles aient fait l’expérience des limites de la lutte revendicative légale, de la détermination de la bourgeoisie à sauvegarder ses privilèges par tous les moyens.

Cela ne veut pas dire que les actions violentes "minoritaires" soient à exclure, que les attentats et autres soient toujours une mauvaise chose. Quand la situation devient mûre quand les masses sont en état d’accueillir avec compréhension de tels actes : alors, ils peuvent ouvrir la voie. Ainsi, par exemple, les premières exécutions de soldats allemands comme celle faite par Fabien. Ainsi, les attentats de la Toussaint qui ont déclenché la guerre libératrice d’Algérie, etc.

Cela ne veut pas dire non plus qu’il faut attendre les bras croisés que la situation soit mûre. C’est dès aujourd’hui qu’il faut commencer à préparer la classe ouvrière à la violence. Cette tâche fait partie de notre tâche générale de propagande, d’agitation, d’éducation politique pour élever le niveau de conscience et d’organisation de la classe ouvrière au niveau de sa mission historique.

Contre les briseurs de grève apprendre à organiser la défense ouvrière. Organiser la lutte pour défendre les usines occupées contre les flics. S’organiser pour répondre du tac au tac à toutes les agressions contre les ouvriers afin que les tueurs du patronat ne puissent assassiner d’autres Pierre Maître, Pierre Overney et d’autres ouvriers. Encourager la classe ouvrière à apprendre le maniement des armes pendant le service militaire. Bref, savoir utiliser toutes les possibilités pour développer l’aspect militaire de la lutte et de l’organisation ouvrière.

Bien sûr, ce n’est que si nous savons développer notre travail politique dans la classe ouvrière, élever son niveau de conscience et d’organisation, que la question militaire pourra être résolue correctement, que pourront être organisées les milices ouvrières, etc.

Mais nous devons reconnaître que nous sonnes très en retard sur toutes ces questions. Le révisionnisme a, depuis qu’il a ordonné le désarmement des résistants en 1944, entraîné la classe ouvrière dans l’habitude du légalisme et du pacifisme. Il continue, avec ses alliés soit disant marxistes-léninistes contre l’Humanité Rouge, à s’opposer à toute forme de violence révolutionnaire.

Les terroristes ont alors et continueront d’avoir beau jeu de se présenter comme révolutionnaires tant que ce seront ces partis qui répondront au problème de la violence par le silence, par l’injure, et cela au nom de la classe ouvrière.

A l’hypocrisie légaliste, parlementariste, pacifiste de ces serviteurs de la bourgeoisie, nous devrons opposer la violence organisée des masses guidées par un véritable Parti de Combat.

Elargissons sans cesse la haine de la classe ouvrière envers ses exploiteurs pour qu’elle se transforme en force puissante. Préparons méthodiquement l’organisation qui saura être l’Etat-major unifié et centralisé de la guerre de classes. Construisons un Parti de Combat, et non un parti électoraliste, réformiste, embourgeoisé.

ADDITIF

L’article précédent a été écrit avant le détournement du Boeing, et la mort de trois de ses responsables, avant l’assassinat (pardon, le "suicide") de Baader et de ses camarades, avant l’exécution de Schleyer.

Ces événements ne changent rien au fond de l’opinion que nous avons exposée dans l’article. Ils confirment néanmoins, une fois de plus de façon éclatante, ce que nous avons dit, ce que tous les marxistes et ouvriers conscients disent, de la "démocratie" bourgeoise. On a vu se déchaîner l’utilisation frénétique par la bourgeoisie et ses larbins, de la radio, de la télé, des journaux, etc. pour créer un climat de peur, une psychose de meurtre. A croire que chacun de nous serait un ancien nazi, patron anti-ouvrier, guetté par des terroristes cachés derrière chaque réverbère. Tout ceci pour justifier, faire accepter, la multiplication des mesures policières, l’encadrement de toute la population par la police et les milices de la bourgeoisie.

En Allemagne, ce sont plus de 5 000 policiers nouveaux qui ont été recrutés tandis que le budget de la répression était augmenté d’un milliard de marks. De nouvelles lois dites "anti-terroristes" viennent réduire encore le peu qui reste des droits démocratiques bourgeois (particulièrement par une répression accrue contre les avocats qui défendent les accusés). Elles complètent un arsenal déjà bien fourni, qui comportait, par exemple, les lois sur les "interdictions professionnelles" interdisant aux fonctionnaires "suspects" de contester l’exercice de leur métier (et à ce titre plus de 800 000 contrôles ont déjà abouti à 3 000 "interdictions" : à quand les camps de- concentration ?) Le fasciste Strauss réclame l’interdiction des organisations marxistes-léninistes. Pendant que dans le même temps, le SS Kappler est fêté comme un héros et que pullulent les organisations ouvertement fascistes et néo-nazies, ainsi que les films, livres, disques à la gloire d’Hitler. Un projet de loi est déposé par les "démocrates" chrétiens qui prévoit d’encourager la police à tuer, "même en mettant très probablement en danger des personnes manifestement non impliquées" est-il précisé. Des milices fascistes se forment. Selon le Quotidien du Peuple du 12/10/77, citant le journal allemand "Sud-Deutsche Zeitung", il existait en 1976 en RFA, 340 milices privées groupant un effectif de 52 000 hommes. Le chef de l’une d’entre-elles, la Wehrsportgruppe déclare : "dans une situation de crise ou, plus concrètement, dans une situation de guerre civile, là nous serions les hommes qu’il faut. Nous n’avons pas de scrupule quand il s’agit d’intervenir contre un communiste".

Cela confirme que, si la classe ouvrière ne crée pas ses propres milices armées, elle sera entièrement et sauvagement réprimée par les hommes armés du capital à la moindre révolte sérieuse. Il suffit de voir ce que la mort d’un seul patron, Schleyer, a entraîné comme déchaînement policier, conditionnement de la population, organisation de la délation, etc.

Ne manquons pas non plus de tirer la leçon de l’organisation de la "coopération" entre les bourgeoisies françaises, allemandes, etc. pour la lutte contre-révolutionnaire. En fait, une véritable kollaboration comme aux plus beaux jours de 1940-45. Contre cela, il faut l’union des prolétaires de tous les pays. Et nous débarrasser des opportunistes, genre Humanité Rouge qui, nous l’avons vu, ne trouvait rien de mieux que de dénoncer la "campagne anti-allemande" de la bourgeoisie française, que d’appeler de ses vœux l’union encore plus serrée des bourgeoisies au sein de l’Europe (H.R. du 15/9/77). Et ces larbins prétendent parler au nom du marxisme-léninisme !

Ce qu’est la "démocratie" bourgeoise, une simple "anecdote" suffit encore à le comprendre. Au moment où se déchaînait cette fantastique campagne à propos de la mort de l’ancien nazi Schleyer, et où on organisait avec une pompe sans précédent les funérailles nationales de cet ancien nazi, ex-bourreau du peuple tchèque, un syndicat ouvrier de l’Equateur (Amérique du Sud) annonçait l’assassinat de 120 ouvriers grévistes de l’entreprise sucrière "Aztra". Ils ont simplement été "poussés" dans un canal et dans des cuves de sucre en fusion par les milices venues briser la grève. Tandis que le ministre du travail déclarait : "ce qui est arrivé à Aztra n’est que le résultat de l’esprit de lucre des dirigeants ouvriers qui s’en prennent aux plus élémentaires principes et au droit de propriété". (Huma 22/10/77).

Mais de cela nos démocrates, nos défenseurs de la "tolérance" (Barre et Cie), nos journalistes "objectifs" ne disent pas un mot !

Pas plus qu’ils.ne s’étaient élevés contre la "torture blanche" très démocratiquement subie par Baader et ses camarades : cellule entièrement blanche, vide acoustique total, température constante à 30°. Cela afin de les priver de toute sensation et entraîner leur destruction psychique et physique.

Le ministre équatorien de l’Information précise que tout va bien, les ouvriers ayant reçu une "sépulture chrétienne". Le ministre allemand proteste que Baader ait poussé la méchanceté jusqu’à essayer de camoufler son "suicide" en assassinat.

Bref, la bourgeoisie est bien "tolérante". Tellement "tolérante" que cela la perdra : exactement le jour où la classe ouvrière en aura assez d’être suicidée et enterrée chrétiennement et décidera d’être intolérante à l’égard de ses bourreaux.

[1Le « professeur » Duverger dans Le Monde

[2idem

[3L’Humanité Dimanche 14/09/77

[4Duverger - op.cité

[5Cf « Le rôle de la violence dans l’histoire » - Engels l’Anti-Dühring

[6L’Humanité Dimanche du 14/09/77

[7L’Humanité Rouge du 15/09/77. Article : "Une campagne anti-allemande" qui traite les terroristes de "fascistes" ayant "un style de vie dégénéré" et les assimilent à "la grande bourgeoisie".

[8Lénine : "Que faire ?"

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