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Maroc : Hassan sur les traces du Shah ?

Pour le Parti N°39 - été 1981

Nous publions le tract que nous avons diffusé dans la région parisienne le 25 juin. Nous ne connaissions pas encore l’appel à la manifestation du 27 juin à Paris, mais nous nous y associons.

Plus de 200 morts [1] au Maroc ce week-end. Des milliers de blessés, d’emprisonnés. Cette explosion de colère fait suite à une fantastique augmentation des prix : le gouvernement de Hassan-le-boucher avait en effet la prétention d’augmenter les produits de base de 85% ! Cette décision avait soulevé un tel tollé que le gouvernement avait dû le 6 juin la réduire de moitié. Mais la moitié de 85%, c’est encore intolérable pour un peuple que la domination de l’impérialisme et de la bourgeoisie marocaine réduit à une misère noire : plus d’un tiers de la population active du Maroc est condamné au chômage ou à l’immigration. Près de la moitié des enfants de 7 à 12 ans ne vont pas à l’école. Des milliers d’entre eux sont au travail, comme ces fillettes de 8 ans qui s’usent les doigts et la vue dans les manufactures de tapis.

90% de la population marocaine doit se contenter de partager 20% des richesses. Et le fossé grandit chaque jour. Pourtant le Maroc est un pays riche : terres fertiles de plaines et de plateaux, richesse hydroélectrique, côte très poissonneuse, richesse du sous-sol (phosphates, fer, cuivre…), et par-dessus tout, richesse humaine de 20 millions d’hommes et de femmes. Mais c’est un pays dominé, écrasé par l’impérialisme, la bourgeoisie et les propriétaires fonciers.

UNE GRÈVE GÉNÉRALE COMBATIVE ET TRÈS SUIVIE

Alors samedi, le syndicat CDT, proche de l’USFP ("socialiste") lance un mot d’ordre de grève générale. L’USFP, c’est surtout un parti de la petite bourgeoisie, très implanté par exemple chez les fonctionnaires. Hassan avait tenté de l’associer à son gouvernement, justement pour faire mieux passer ces mesures Impopulaires. Mais là, la coupe est pleine. Si l’USFP ne dénonce pas ces mesures, elle perdrait tout crédit. Et la grève est très largement suivie. En particulier chez les ouvriers (comme dans les mines de Khourigha). Mais aussi chez les commençants, les fonctionnaires... Les manifestants organisent de véritables distributions de vivres en pillant collectivement des magasins. Ils s’attaquent aussi à des symboles de la domination impérialiste : des banques. C’est plus que le gouvernement ne peut en supporter. Il fait donner la police et l’armée. On connaît la suite. A l’heure actuelle, les emprisonnés s’entassent dans des prisons de fortune comme au Palais de l’Achonar. Comme au Chili en 73, les prisons sont trop petites...

LA RÉPRESSION LE PEUPLE MAROCAIN LA CONNAIT...

Au Maroc, les prisons sont pleines, et depuis longtemps. Car malgré l’exploitation, la torture, le peuple marocain a toujours résisté. Déjà la guerre de résistance à la pénétration de l’impérialisme français avait duré plus de 20 ans, de 1912 à 1934. Et elle avait été farouche, notamment dans le Rif. A l’époque le prolétariat de France s’était solidarisé avec cette lutte, par de vastes grèves politiques conduites par le PCF.

En 1956, le Maroc accède à l’"Indépendance". Une Indépendance politique certes, mais ceux qui sont au pouvoir (une poignée de propriétaires fonciers, la bourgeoisie d’affaires très liée à l’impérialisme français, et une bureaucratie corrompue), ne sont pas capables d’assurer une Indépendance réelle. Ils ont trop besoin de l’impérialisme pour assurer leur pouvoir contre le peuple. Périodiquement des luttes dures éclatent. Comme les grèves de 71 (mineurs), 72 (dockers), 73 (cheminots)... Et même l’armée, piller du régime, se rebelle et tente divers coups d’Etat. Mais jusqu’ici Hassan garde le pouvoir. La France peut continuer à déverser jusqu’à 1500 millions par an (le Maroc est le pays le plus "arrosé" par la France) pour payer 9 000 coopérants chargés de couler la jeunesse dans le moule "français", et surtout pour financer des commandes à l’industrie française. A tel point que la dette extérieure bat tous les records et que le régime est complètement inféodé â la France. Témoin par exemple la participation des troupes marocaines à l’Intervention impérialiste française au Zaïre.

LA MARCHE VERTE : UNE TENTATIVE POUR REPLÂTRER L’UNITÉ NATIONALE

Aux contradictions qui augmentent, Hassan va trouver un remède miracle : la guerre contre le peuple Sahraoui en lutte pour son indépendance. C’est la "marche verte", et la formidable campagne pour ressouder les rangs de la "patrie". Toutes les forces politiques s’y associent, y compris bien sûr les "socialistes" de l’USFP, et les "communistes" du PS. Seuls les marxistes-léninistes refusent cette guerre injuste et disent au contraire qu’il faut unir les peuples marocains et sahraouis contre l’impérialiste et ses relais. Ils seront emprisonnés, torturés, assassinés. Beaucoup d’entre eux croupissent encore dans les geôles d’Hassan. La prétendue amnistie de l’an dernier n’a concerné que les partis qui soutenaient la marche verte. Mais loin de bénéficier au prolétariat et au peuple marocain, cette guerre injuste coûte cher. Hassan et sa clique cherchent par tous les moyens à en faire payer le prix au peuple. Voilà en particulier pourquoi il est obligé d’augmenter les prix dans de telles proportions. Voilà où mène l’unité derrière les exploiteurs.

TOUTE EXPLOITATION A SES LIMITES...

On ne peut Indéfiniment pressurer un peuple. A la fin, Il refuse et se lève. Hassan a bien des chances de finir comme le Shah d’Iran. Mais l’exemple de l’Iran montre bien qu’il ne suffit pas de le renverser. La bourgeoisie a beaucoup de solutions de rechange pour maintenir sa domination. Et il faut une âpre lutte de classe pour renverser tous ceux qui détiennent tous les pouvoirs.
On le voit bien aujourd’hui en Iran : ceux qui refusent la politique bourgeoise, nationaliste et rétrograde de Khomeiny, ceux qui refusent la guerre injuste contre l’Irak et organisent le refus des masses iraniennes de se faire massacrer pour le profit des bourgeoisies irakiennes ou iraniennes, ceux-là subissent la répression : tortures, arrestations, fusillades.

La tâche des révolutionnaires marocains, comme celle de leurs frères iraniens est dure. Mais ils sauront tirer les leçons de l’histoire. Ils sauront voir que pour libérer leur peuple ils doivent s’appuyer avant tout sur ceux qui n’ont aucun intérêt à l’exploitation. Donc avant tout les ouvriers et les paysans pauvres. Ils sauront les organiser. Et ceux qui aujourd’hui sont immigrés en France doivent s’y préparer en se forgeant au combat au sein de véritables organisations internationalistes de la classe ouvrière. Ainsi ils prépareront un véritable pouvoir des ouvriers et des paysans pauvres, seul capable de balayer l’impérialisme et toutes les couches exploi¬teuses. Seul capable de sortir le Maroc, le Sahara ou l’Iran de la misère.

LA LUTTE DU PEUPLE MAROCAIN AFFAIBLIT L’IMPÉRIALISME FRANÇAIS.
Cette lutte renforce la nôtre !
VIVE LA LUTTE DES PEUPLES SAHRAOUIS ET MAROCAINS CONTRE L’IMPÉRIALISME !
EXIGEONS L’ANNULATION DE TOUTES LES DETTES, LE RETRAIT DE TOUS LES CONSEILLERS MILITAIRES, ET TOUTE INGÉRENCE DE L’IMPÉRIALISME FRANÇAIS DANS LA RÉGION !

[1NdlR 2024 : on sait désormais qu’il y a eu en fait plus de 600 morts dans ces émeutes - voir également le film "La mère de tous les mensonges"

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