L’OCML-VP > Cahier N°2 de notre Plate Forme politique

Cahier N°2 de notre Plate Forme politique

400 - Quelle société voulons-nous ?

410 - Le capitalisme, nous n’en voulons
plus

411 - Une lutte globale et radicale.

Ce monde éclaté, où l’abondance pour quelques-uns contraste violemment avec l’exploitation et la misère imposées au plus grand nombre ; ce monde où la capacité de produire semble sans limites, et où pourtant la majorité des hommes connaît encore la pénurie et souvent la famine ; ce monde où la paix est le privilège fragile d’une minorité... ce monde là ne doit rien au hasard, ni au calcul de quelques individus. Il est façonné par un mode de production : le capitalisme.

Celui-ci investit désormais toutes les sociétés, et toutes les régions du globe. Il y impose ses lois économiques : la concurrence, la compétition, le profit. La planète est dominée par une poignée de pays, qui réalisent l’essentiel des mouvements de marchandises et de capitaux, qui pillent la plus grande partie des ressources, qui monopolisent les techniques et les savoirs, qui assurent leur domination par la force.

Et au sein même de ces pays, le capital assujettit tous les secteurs d’activité au profit d’une classe : la bourgeoisie. Il intensifie sans cesse l’exploitation. Le pouvoir économique est détenu par un petit nombre de sociétés industrielles et financières. Ce sont elles les véritables détentrices du pouvoir politique.

L’impérialisme n’affecte donc pas seulement les rapports entre les nations ; il ne bouleverse pas seulement les sociétés qu’il domine ; il façonne aussi l’ensemble des rapports sociaux, au coeur même de ses métropoles.

Le combat pour arracher l’indépendance des colonies ou pour imposer des réformes agraires, la lutte contre le complexe militaro-industriel, contre le nucléaire ou les risques écologiques, la critique des choix technologiques faits par la bourgeoisie, la résistance contre l’aggravation de l’exploitation ouvrière... ce sont là autant d’oppositions partielles à la domination capitaliste et impérialiste.

Mais chaque combat partiel reste tronqué, s’il ne débouche pas sur la volonté d’attaquer le mal à la racine, sur la lutte contre le système dans sa globalité. Les humanistes et les réformistes modernes, comme les ONG ou les groupes écologistes, s’y refusent. Ils contestent bien tel ou tel aspect de la société. Mais pensent qu’elle pourrait fonctionner autrement, sans que ses fondements soient bouleversés.

Pourtant, il est clair que tous ces maux ont leur origine commune dans les lois du capitalisme, et dans la domination des monopoles. C’est cela qui fonde l’unité entre les prolétaires du monde entier contre l’exploitation et la lutte des peuples contre l’oppression. Ils ont les mêmes ennemis. Ce sont les mêmes qui licencient en France et qui envoient les troupes dans le Golfe. Et cela au nom du même objectif : la préservation de leurs intérêts et de leurs profits.

C’est cette société dans son ensemble dont nous ne voulons plus. Et cette société, elle ne peut être réformée, elle ne peut être retouchée. Maints partis et gouvernements réformistes en ont fait l’amère expérience. Cette société appelle des bouleversements radicaux, une révolution politique et sociale.

412 - Changer la société : une idée ancienne toujours d’actualité !

Les aspirations à l’égalité sociale sont venues avec les sociétés fondées sur l’exploitation. Mais l’apparition du capitalisme ne pouvait que les renforcer, et leur donner un sens nouveau. Son développement a accru le nombre de ceux qui n’avaient à perdre que leurs chaînes, et qui aspiraient à s’en libérer. Par ailleurs, en développant la capacité productive des hommes, il préparait les conditions matérielles de l’émancipation des prolétaires.

C’est Marx qui a donné à ces aspirations, et aux luttes qu’elles ont nourries, leurs premiers outils théoriques. Le socialisme est alors sorti du domaine de l’utopie, pour devenir un projet social révolutionnaire, dont l’objectif est le communisme.

Abolition des classes et du salariat ; disparition de l’État en tant qu’appareil de domination d’une classe sur une autre ; développement équilibré de l’homme dans tous les domaines : intellectuel, manuel, physique, social... ; développement équilibré de la société pour répondre aux besoins des masses ; fin des pénuries ; abolition des frontières et des guerres ; libération du travail, devenu activité libre ; fin du racisme et du sexisme... tels étaient, et tels sont encore, les objectifs des véritables communistes. Non pas une société idéale, sorte de paradis terrestre... mais une société où les contradictions, bien qu’elles existent toujours, auront perdu leur caractère d’antagonisme de classe.

L’histoire du mouvement ouvrier, c’est l’histoire de la lutte pour concrétiser ces espoirs de libération, celle des succès et des échecs rencontrés dans ce combat. La Commune de Paris en 1871, la Révolution Bolchevique de 1917, les révolutions chinoise et albanaise, la Révolution Culturelle en sont des étapes marquantes. Chacune d’elles a impulsé un enrichissement de la théorie révolutionnaire.

De même, la prise du pouvoir par Castro à Cuba en 1959, la victoire du Nord-Vietnam en 1975, celle des sandinistes au Nicaragua en 1979... ont représenté, pendant un temps au moins, des reculs pour l’impérialisme, et un encouragement pour les luttes des peuples du monde.

420 - Pour changer ce monde, tirons les leçons des échecs !

Mais les expériences de construction du socialisme, portées par ces aspirations et dirigées par des partis se réclamant du marxisme, ont été détournées de leurs buts. Il ne suffit pas de le constater. Il nous faut expliquer comment des partis révolutionnaires sont devenus les instruments de la dictature d’une bourgeoisie d’État, à l’opposé du projet communiste dont ils se revendiquaient. Et cela jusqu’à leur conversion récente au libéralisme économique, en URSS et dans les autres pays de l’Est.

421 - Ce n’était pas le socialisme...

Si la bourgeoisie peut affirmer que l’effondrement des régimes de capitalisme d’État représente la faillite du socialisme, ce n’est pas seulement de la manipulation. En fait, l’idée selon laquelle le socialisme, c’était la nationalisation, le plan et la prise de contrôle de toute chose par l’État... était largement partagée par les ouvriers. Elle était propagée, en France par exemple, par le PCF et par les trotskystes.

Si les nationalisations, et la planification de l’économie, sont bien les premières transformations à mettre en oeuvre après la prise du pouvoir... elles ne suffisent pas à supprimer l’exploitation. Faire la révolution, ce n’est pas seulement changer la forme de la propriété, remplacer la propriété privée par celle de l’État. Si c’est seulement la forme juridique de la propriété qui change, et si les ouvriers sont exclus du pouvoir économique et politique... la propriété d’État reste la propriété "privée" d’une classe dominante.

Construire le socialisme, c’est engager un processus de transformation des rapports de production, des rapports réels entre les hommes, de leurs rapports aux machines et à la production elle-même. C’est changer leur rapport au pouvoir.

Tant que les ouvriers restent confinés dans un travail d’exécution, sans aucun contrôle sur l’usage de leur propre force de travail et sur ce qu’ils créent ; tant qu’une minorité contrôle et dirige tout ; tant que cette minorité s’octroie, de ce fait, des privilèges... l’exploitation d’une classe par une autre existe toujours.

Le détournement de la révolution bolchevique de ses objectifs initiaux n’a pas été le fruit d’un calcul ou d’un coup d’état, ni la conséquence inévitable des conditions objectives et historiques de la révolution. Il y a d’abord eu, au début, un certain nombre d’erreurs dans la conception de la transition. N’étant pas rectifiées, ces erreurs ont empêché de mobiliser et d’orienter durablement l’énergie des ouvriers pour la transformation de la société.

Ce qui s’est imposé, dans les années 20, en URSS, c’est l’idée selon laquelle la transformation des rapports sociaux serait le résultat mécanique et spontané de la suppression de la propriété privée et du développement de la production. Ce développement créerait à lui seul les conditions nécessaires pour le passage au communisme : abondance, élévation du niveau des connaissances, développement des sciences et des techniques... L’accroissement de la force productive de la société devenait, dès lors, l’unique moteur de son évolution.

Le premier devoir révolutionnaire fut, dans les années 30, d’augmenter la production par tous les moyens. Tout était subordonné à cet objectif. On ne voyait pas que les techniques, tout comme les rapports de production, étaient marquées par le capitalisme. Le pouvoir des cadres fut renforcé.

Cette conception de la transition fut appelée plus tard "théorie des forces productives". Le socialisme devait prouver sa supériorité en montrant sa capacité à produire plus que le capitalisme. L’URSS forgea ainsi un modèle qui s’imposa à tout le mouvement ouvrier.

La recherche de la performance économique déboucha sur l’accumulation des moyens de production, au détriment des conditions de vie des masses. Les besoins de celles-ci furent sacrifiés. La nouvelle bourgeoisie se lança dans des projets gigantesques, et manifesta des visées expansionnistes. Voulant rivaliser avec les autres puissances impérialistes dans la course aux armements, elle déséquilibra l’économie en créant un complexe militaro-industriel disproportionné. Elle put ainsi renforcer son pouvoir économique. Mais cela entraîna des désastres humains et écologiques.

Ce mode de développement, après quelques décennies de succès, fut enrayé par une baisse importante de la productivité et une suraccumulation, qui entraînèrent la crise du capitalisme d’État et son effondrement.

Sur le plan politique, la fusion de l’État et du parti était totale. Le parti concentrait toute la réalité du pouvoir. Cette fusion était d’autant plus dangereuse pour l’avenir de la révolution que l’État soviétique n’était, comme l’affirmait Lénine, que la survivance de l’État ancien, n’ayant pour ainsi dire pas subi de transformations radicales.

Les instances politiques de masses issues de la révolution ont vite dépéri. Les tâches urgentes de la guerre civile ont imposé au parti des mesures d’autorité. Ce fut le "Communisme de guerre". Mais une fois cette guerre gagnée, les conceptions qui s’étaient affirmées au cours de cette période ne furent pas abandonnées.

De ce processus, nous n’avons pas encore tiré toutes les leçons. Mais il est évident que les soviets ont été dépouillés petit à petit de tout pouvoir réel. Dans les années 30, le processus était achevé. L’étouffement du débat politique contradictoire, dans les masses comme au sein du parti, était total. Tout contradicteur était vu comme un ennemi, agent de l’impérialisme infiltré dans les rangs du parti et de la société, et donc éliminé.

Une telle attitude a conforté le rôle des dirigeants en place. Elle a abouti à les ériger, tout d’abord, en "experts" et bureaucrates s’attribuant des privilèges, et ensuite à les transformer en une nouvelle classe bourgeoise. Celle-ci, née à l’intérieur de l’appareil soviétique, se soustrayait complètement au contrôle des ouvriers.

Ce qui ne représentait pour l’essentiel, au cours des années 20, que des conceptions théoriques erronées, devint, après l’élimination de tout débat d’orientation, et avec la systématisation des conceptions évoquées plus haut, une ligne qui encouragea, puis consolida, une bourgeoisie d’État.

C’est donc dans les années 30 qu’a eu lieu la restauration capitaliste, sous l’autorité du parti, devenu le quartier général des nouveaux bourgeois.

Après la mort de Staline, cette bourgeoisie était suffisamment forte pour se débarrasser des formes trop contraignantes de la dictature bureaucratique et pour s’engager plus ouvertement dans la voie capitaliste : tentatives pour réintroduire progressivement le marché et le critère du profit.

Si Trotsky développa un certain nombre de critiques quant à l’orientation suivie par Staline, en particulier sur la question de la démocratie au sein du parti, il ne se démarqua pas sur le fond de la conception générale de la transition. Après la guerre civile, il défendit une conception issue du "Communisme de guerre", et rendue nécessaire pendant celui-ci, qui mettait l’accent sur la contrainte à l’égard des masses. Contre la NEP, il soutint l’industrialisation intensive qui fut mise en œuvre par Staline. Lorsque le pouvoir du parti devint celui d’une nouvelle bourgeoisie, Trotsky, et les trotskystes à sa suite, refusèrent de caractériser l’URSS comme un État bourgeois, en se retranchant derrière le caractère étatisé de l’économie.

422 - Pas d’avancée vers le communisme sans poursuite de la lutte de classe.

La transition socialiste, telle qu’elle ressortait des positions que nous rejetons, apparaissait comme un processus régulier de développement de la production, de perfectionnement des rapports sociaux, et de transformation de l’État. La contradiction et le conflit en étaient exclus. Et la propagande insistait sur l’absence de contradictions comme étant la preuve de l’avancée vers le communisme. Elle brossait un tableau idyllique de la marche au communisme. En quelque sorte, la victoire des ouvriers marquait la fin de la lutte des classes. C’est ce qu’affirmait, par exemple, la constitution de l’URSS de 1936.

La rupture avec cette conception de la transition, forgée en URSS dans les années 30, a été impulsée par la Révolution Culturelle chinoise, lancée dans les années 60 par un courant politique autour de Mao Zedong. Cette orientation s’est affirmée en réaction contre les conceptions politiques dominantes dans le Mouvement Communiste et en Chine même. A partir de là, a été relancée la réflexion sur les tâches de la transition dans le mouvement marxiste-léniniste, dont VP a développé les acquis.

Nous sommes en train de faire le bilan de la révolution chinoise, car nous voulons comprendre les raison de son échec. D’ores et déjà, quatre points essentiels nous paraissent ressortir de cette expérience. Ils prolongent les leçons tirées en négatif de l’expérience de l’URSS.

Quelles sont ces leçons ?

a) La transition socialiste vers le communisme n’est pas une période de stabilité. Elle est marquée par des conflits et des contradictions, par la lutte des classes... même si celle-ci prend des formes nouvelles. Il faut mener la lutte contre les anciens bourgeois et leurs alliés. Et cette lutte est d’autant plus difficile que ces derniers conservent, du fait de leur savoir et de leur expérience, des positions importantes dans l’État et dans la société.

b) La base économique n’est, au début, que très partiellement transformée. Elle évolue en fonction de la lutte des classes. Cela comporte le risque de voir se reconstituer une nouvelle bourgeoisie, car les rapports de production restent marqués par l’héritage du capitalisme. Mais aussi, cela perpétue en partie l’aliénation et le fétichisme propres à la société capitaliste. L’échange marchand, le salariat, les inégalités, entretiennent des tendances au réformisme spontané, à l’individualisme, au démocratisme... contre lesquelles il faut lutter.

c) Tant que les masses n’assument pas directement l’ensemble du pouvoir politique, la persistance de rapports de délégation est propice à la formation d’une bureaucratie tout d’abord, puis éventuellement à celle d’une nouvelle classe dirigeante bourgeoise.

d) Les nouveaux rapports sociaux ne peuvent se développer que par la mobilisation consciente des masses. La transition socialiste est un processus de transformation économique et sociale, porté par une volonté politique et idéologique. Et cela sous la direction d’une organisation d’avant-garde, qui l’oriente vers le but communiste.

Les nouveaux éléments bourgeois se reproduisent sur la base de rapports sociaux incomplètement transformés. Il faut donc attaquer le mal à la racine, en poussant plus avant la transformation des rapports de production : réduction des différences entre manuels et intellectuels, entre dirigeants et dirigés, entre villes et campagnes, entre agriculture et industrie... élimination des processus productifs déshumanisants, comme le travail à la chaîne. Ce sont des transformations qui s’effectuent, elles aussi, à travers la lutte des classes, et qui sont essentielles pour avancer vers le Communisme.

Transformer les rapports sociaux, c’est modifier la base économique de la société, la manière dont elle produit et répartit les richesses. Avant que les rapports économiques ne soient totalement transformés en rapports communistes, les rapports anciens doivent être contrecarrés par la planification, par l’établissement de nouveaux critères de gestion et de répartition des richesses. Si les ouvriers participent à tous les niveaux à la gestion et au pouvoir, leur expérience et leur initiative permettront d’accroître la production sur des bases nouvelles. Cet accroissement est nécessaire à l’amélioration du bien-être collectif et pour dégager du temps libre. Temps libre indispensable pour élargir la participation des ouvriers au pouvoir et pour renforcer la démocratie prolétarienne.

VP s’est peu penchée sur les tâches économiques du socialisme. Il est pourtant indispensable de le faire, tant au travers du bilan des expériences passées, que du point de vue de la nature des tâches à remplir et des choix qui devront être faits dans un pays comme la France, marqué par les rapports impérialistes.

La prise du pouvoir par le prolétariat, c’est la destruction du pouvoir d’État de la bourgeoisie, l’élimination du pouvoir économique des capitalistes... mais ce n’est pas la fin de la lutte des classes. Dans la société socialiste, cette lutte se poursuit entre la classe ouvrière, animée de la volonté d’aller de l’avant, et ceux qui voudraient perpétuer les divisions sociales, ainsi que les avantages qu’ils en tirent, et qui s’opposent par conséquent à la transformation des rapports sociaux.

Nier les contradictions de classes dans cette période, c’est encourager la reconstitution d’une nouvelle bourgeoisie, tant à partir des anciens éléments bourgeois que de ceux qui ont tendance à se former dans l’appareil d’État et les entreprises.

La tâche du parti est alors de mobiliser les masses, et en particulier les ouvriers, contre des tendances qui apparaissent inévitablement dans une société où existent encore la division du travail, les classes et un État. Il doit encourager les initiatives de lutte et le contrôle sur les activités sociales, l’État et la production, afin que les masses fassent l’apprentissage du pouvoir direct, sans délégation. Le fait de reconnaître la nécessité d’une telle lutte a des conséquences importantes quant à la conception du rôle du parti, de son rapport aux masses et à l’État, et de la démocratie prolétarienne.

Aucune révolution ne peut se faire à la place des masses, ou malgré elles ; même si leur prise en main de toute la société ne peut s’accomplir du jour au lendemain. Sans la participation active et consciente des masses, la construction du socialisme est impossible, l’État ne peut dépérir, les rapports communistes ne peuvent s’instaurer.

Toute attitude qui conduit à se substituer à l’action des masses, ou à leur imposer une politique, s’oppose au but communiste. Les rapports sociaux nouveaux ne s’instaurent pas par décrets. Le rôle du parti est de faire prendre conscience aux masses des buts de cette lutte, et de la diriger. Il doit mobiliser pour l’instauration, de façon collective, de nouveaux rapports sociaux.

Il n’y a pas de solution miracle, ni aucune garantie de succès. Toutefois, trois conditions sont indispensables pour la poursuite de l’avancée vers le communisme :

a) La première, c’est que le parti conserve un caractère d’avant-garde ; qu’il sache faire le bilan des échecs et des succès ; qu’il approfondisse sans cesse, par le travail théorique, sa compréhension des contradictions qui traversent une réalité sociale en mouvement.

b) La deuxième, c’est que ce même parti maintienne un lien vivant avec les travailleurs ; qu’il soit capable d’encourager leurs initiatives créatrices, de favoriser leur participation au pouvoir.

c) La troisième, c’est que la révolution trouve un appui dans le monde, parmi les autres travailleurs, afin qu’un blocus impérialiste ne puisse pas s’exercer. Dans la division mondiale du travail qui domine actuellement, l’isolement est un piège mortel. L’existence des frontières, le développement inégal, les lois du commerce, les contraintes de la diplomatie, etc... pèsent lourdement sur le développement national.

430 - Pas de monde nouveau sans démocratie, sans dictature du prolétariat

Depuis plusieurs années, la bourgeoisie mène une intense polémique idéologique sur la question de la démocratie, en s’appuyant sur l’effondrement du bloc de l’Est et sur les erreurs passées du mouvement communiste.

431 - La démocratie a toujours un caractère de classe.

La démocratie "pure", ça n’existe pas. La démocratie n’est que la forme que prend, dans le domaine du droit et de l’organisation du pouvoir, la domination d’une classe sur une autre.

Dans la société bourgeoise, la liberté politique pour les exploités est conditionnelle. Elle est d’autant plus large que le pouvoir bourgeois n’est pas menacé. Bien des situations le montrent, comme la répression de la Commune de Paris, celle du mouvement populaire au Chili, le massacre du 17 octobre 1961, ou plus récemment l’attitude de la bourgeoisie face aux opposants à la guerre du Golfe.

Dans les usines, cette liberté est encore plus réduite. La bourgeoisie, dans tous les cas, garde le monopole du pouvoir. C’est elle qui se fait élire, c’est elle qui contrôle les médias et qui impose ses modèles idéologiques. Ce sont ses intérêts économiques qui s’imposent aux travailleurs, pour qui le droit au travail est un droit sans contenu réel.

Le parlementarisme, c’est le système de représentation électorale qui ôte aux masses tout pouvoir de décision et d’action sur leur propre vie. Il leur permet seulement d’élire, de temps en temps, des "représentants" qui échappent totalement à leur contrôle. Ce système favorise les rapports clientélistes et la démagogie populiste. Le parlement n’est d’ailleurs qu’une chambre d’enregistrement, puisque toutes les décisions importantes sont prises dans les cabinets ministériels. Elles sont en fait discutées avec les grands groupes financiers et industriels qui détiennent le pouvoir économique, et par conséquent la réalité du pouvoir politique.

432 - La dictature ouvrière : condition de la démocratie pour les travailleurs.

De même que la démocratie bourgeoise n’existe que tant qu’elle est garantie par la dictature de la bourgeoisie... la démocratie pour les ouvriers et les autres exploités, ce qu’on appelle la démocratie prolétarienne, ne peut se maintenir que si les ouvriers imposent leurs intérêts contre ceux de la bourgeoisie ; que si ils imposent leur dictature sur la bourgeoisie.

Le mot dictature n’est pas populaire, mais il exprime bien ce dont il s’agit. Pour transformer la société, les ouvriers ne doivent pas occuper le pouvoir à la place de la bourgeoisie. Ils doivent briser l’appareil qui servait si bien cette classe : l’État bourgeois. Il leur faut construire un pouvoir différent, qui permette la participation de tous, mais qui impose la contrainte aux anciens comme aux nouveaux bourgeois.

Mais la liquidation de l’ancien appareil d’État ne peut pas être le fruit d’un décret. Seuls l’émergence et le développement de nouvelles structures étatiques, les Conseils, et la suppression de toute délégation absolue, caractéristique du parlementarisme bourgeois... pourront assurer sa destruction effective. Cette dictature ne peut donc s’imposer que par la mobilisation des masses ; par la lutte quotidienne, et le contrôle des travailleurs sur toute la société.

La démocratie, dans l’État de dictature du prolétariat, est fondée sur les Conseils Ouvriers, les Comités Populaires, ou autre appellation des organes du pouvoir : ces structures de masses qui apparaissent spontanément dans tout processus révolutionnaire. Ces conseils doivent permettre aux masses de prendre elles-mêmes progressivement en charge toutes les tâches de l’État, en réduisant le plus possible l’appareil spécial qu’il constitue. Cette démocratie, nous l’expérimentons aujourd’hui, à une petite échelle, dans les Comités de Grève.

La démocratie ouvrière est sélective et préférentielle. Elle exclut de l’appareil d’État les anciens exploiteurs, en leur interdisant par exemple la participation à ces conseils. Elle doit, en particulier au début, assurer une sur-représentation des ouvriers et réunir les conditions matérielles : temps, formation, etc., pour accroître leur participation. Cette démocratie est une des conditions de la transition au communisme, car la classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.

Contrairement aux pratiques répandues, tant à l’Est qu’à l’Ouest, cela exige le débat politique le plus ouvert possible dans les conseils, pour pouvoir s’orienter dans la transition au communisme. Pas de discussions sans fin, mais un vrai débat, pour analyser, enquêter, décider, et appliquer majoritairement les décisions. Pour fonctionner durablement, cette démocratie exige la préservation des droits de la minorité.

Comme nous le rappelle douloureusement l’histoire, un État, même ouvrier, peut devenir un instrument d’oppression au service d’intérêts bourgeois. Le droit d’expression et d’organisation des masses, y compris pour se protéger de l’État, doit être garanti : droit syndical, droit de grève, droit et pouvoir de contrôle sur l’appareil d’État et sur les représentants élus...

Pour que ces droits ne soient pas formels, le parti et l’État ne doivent pas imposer par en haut aux organisations ouvrières, ni aux conseils, les dirigeants qu’ils jugent les meilleurs. La désignation des dirigeants des organisations de masses et des conseils doit être le fruit de la lutte politique, dans le respect d’un fonctionnement démocratique des organismes concernés.

Pour ce qui est du pluralisme des partis politiques sous la dictature du prolétariat, cette question n’est pas tranchée dans Voie Prolétarienne. Elle fait l’objet de discussions. Toutefois, on peut rappeler certaines données :

a) La première, c’est que le pouvoir du prolétariat, étant encore mal assuré pendant toute une période, ne pourra pas tolérer l’activité des partis qui se seront opposés à la révolution ou qui refuseraient d’inscrire leur activité dans le cadre du nouveau système politique.

b) La seconde, c’est que ni le multipartisme, ni le système de parti unique, ne préservent de la mainmise de la bourgeoisie, ancienne ou nouvelle, sur l’appareil d’État. Le multipartisme n’est pas la garantie de la démocratie pour les exploités. La démocratie prolétarienne repose d’abord sur la participation active et directe des travailleurs à la direction de la société, et sur la transformation de l’appareil d’État.

433 - Le parti doit diriger ; mais pas tout administrer.

Aucun processus révolutionnaire, et bien sûr encore moins la transition au communisme, ne peuvent se développer sans un parti capable d’orienter, d’éduquer, et d’organiser les ouvriers conscients par rapport aux tâches que cela impose.

Le parti n’a un rôle dirigeant vis à vis de l’État que comme conséquence de son rôle dirigeant dans les masses, et pas parce qu’il a investi les administrations, comme on l’a vu dans les pays de l’Est. Toutes les décisions sont prises par l’assemblée des conseils ou de leurs représentants.

Les contradictions entre le parti et les masses doivent être traitées principalement par la lutte politique et idéologique, avec le souci constant de pousser les ouvriers a prendre leurs affaires en mains. Le rôle dirigeant du parti ne doit pas être imposé administrativement et par en haut. Il est le résultat de la lutte des classes, dans laquelle il doit prouver constamment son rôle d’avant-garde.

Il est inévitable qu’un parti dirigeant fusionne, dans une certaine mesure, avec l’appareil d’État. Mais cette fusion doit être volontairement limitée, afin de permettre la participation la plus large des masses à l’exercice du pouvoir. La place prédominante du parti dans la société le pousse à investir toutes les instances ayant un rôle de décision. Il faut combattre cette tendance, et en particulier maintenir la séparation entre le parti et l’État. Cela se fait par la distinction des fonctions, des responsabilités et des personnes, en favorisant la participation des non membres du parti aux tâches de l’État, et par la présence de dirigeants communistes dans les masses. Si la participation des ouvriers au pouvoir ne s’élargit pas, l’État perdra son caractère prolétarien, et les rapports de classes ne pourront pas être transformés.

Le parti doit rester lié à la production, et maintenir la majorité des communistes au sein des masses. Il doit pousser les travailleurs à investir l’État et à en assumer les tâches. C’est peut-être une des leçons les plus importantes que nous devons tirer de l’expérience des pays de l’Est.

Enfin, compte tenu des risques de réapparition d’éléments bourgeois dans l’appareil d’État et le parti, comme reflet de l’ancienne société capitaliste, le contrôle des masses doit être encouragé pour lutter contre la bureaucratisation. Et les décisions doivent être précédées d’enquêtes auprès d’elles, dans le but de les mobiliser.

Le parti doit adopter un mode de fonctionnement qui assure la démocratie en son sein. Le débat doit être ouvert sur les orientations. La lutte de lignes doit être admise et menée à son terme quand elle apparait, avec comme souci d’atteindre une unité politique plus élevée. Les droits de la ou des minorités doivent être garantis.

Le fait que le parti dirige la société implique une vigilance particulière quant au mode de vie de ses membres. Aucun privilège ne doit exister pour eux. Et lorsqu’ils exercent des postes de responsabilités, leurs salaires doivent être limités, même si des experts bourgeoise employés par nécessité aux mêmes fonctions perçoivent des revenus plus élevés. L’attitude d’arrogance et de suffisance, si répandue dans les partis vis à vis des masses, doit être combattue.

440- Sans violence révolutionnaire pas de pouvoir ouvrier

441 - La violence révolutionnaire est inévitable.

Dans les ex-pays de l’Est, dans les pays dominés, dans les métropoles impérialistes, la violence, sous ses formes soit dictatoriales soit démocratiques, est constitutive du pouvoir de la bourgeoisie. Armée, police, justice, milices et tueurs à gages, ne sont que les instruments de la domination des bourgeois. On ne compte plus les militants politiques et les syndicalistes assassinés, dans tous les pays d’Amérique Latine, entre autres. On ne compte plus les exactions et les bavures de la police dans les pays dits "démocratiques". On ne compte plus les actes de violence militaire des États impérialistes, qui ne craignent jamais de perpétrer des massacres pour assurer leur domination et imposer leurs intérêts. La guerre du Golfe en a fait une fois de plus la démonstration.

Le pacifisme, protestation contre le militarisme bourgeois, est incapable de mettre fin au régime social qui génère les guerres : l’impérialisme. De plus, dans ses composantes les plus arriérées, il met sur le même plan la violence des oppresseurs et celle des opprimés. Il contribue ainsi à affaiblir la lutte de ces derniers. Tous ceux qui ont cru qu’il était possible de contester l’ordre impérialiste, si peu que ce soit, de façon pacifique, ont dû rentrer dans le rang ; ou bien ils ont été éliminés par les armes, comme Allende ou Sankara.

Face à la violence des exploiteurs, les travailleurs ont toujours utilisé des formes spontanées d’auto-défense : occupations illégales de terres, d’usines, piquets de grèves ou manifestations violentes... Mais la violence révolutionnaire n’est pas seulement un moyen de défense. C’est le moyen nécessaire pour arracher le pouvoir à la bourgeoisie, protégée par ses forces armées.

Ce qui distingue les communistes des autres révolutionnaires, et même des réformistes, ce n’est pas le fait d’avoir recours à la violence, ou même à la lutte armée. Ce qui les démarque, c’est le but au service duquel ils mettent en oeuvre cette violence. La lutte armée n’est qu’un moyen, et pas une fin. La politique commande au fusil, en toutes circonstances. Ce principe permet de distinguer les communistes des courants militaristes, anarchisants en Europe, "foquistes" dans les pays dominés, qui mettent la délimitation militaire au premier plan.

442 - Les formes de la violence révolutionnaire sont déterminées par les différentes situations sociales.

Dans les pays dominés, où règnent encore des rapports sociaux non capitalistes, la violence révolutionnaire peut se développer sur une longue période, en s’appuyant en particulier sur les paysans. La forme qu’elle prend alors le plus couramment est la Guerre Populaire Prolongée, à l’image de celle que dirige le PCP au Pérou. Sur la base d’une situation révolutionnaire en développement, dans des formations sociales où le capitalisme est encore peu structuré, et où certaines zones peuvent échapper au contrôle direct de l’État, la guerre populaire prolongée peut permettre la destruction progressive de l’ordre ancien, et la construction des bases d’un nouveau pouvoir.

Dans les pays où les rapports sociaux capitalistes sont dominants, et dans les pays impérialistes en particulier, la forme de la lutte armée révolutionnaire a été l’insurrection. C’est à elle que les ouvriers ont recouru à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, en Russie et en Europe. Dans des conditions différentes, les communistes aujourd’hui doivent se préparer à la violence révolutionnaire et à la lutte armée.

Mais dans la plupart de ces pays, il n’existe pas, pour l’instant, de situation révolutionnaire. Les rapports capitalistes et la force de l’État bourgeois empêchent, en dehors des périodes révolutionnaires, l’existence de toute zone libérée, dans laquelle le pouvoir bourgeois pourrait être provisoirement paralysé, et où naîtraient des formes précaires de double pouvoir.

Certains révolutionnaires ont tenté d’expérimenter en Europe de nouvelles stratégies militaires. Nous avons toujours combattu leur assimilation à des terroristes. Le choix de leurs cibles politiques les distinguait sans ambiguïté des attentats aveugles pratiqués par des groupes réactionnaires à la solde de bourgeoisies. Ils visaient toujours l’État, ou des bourgeois notoires. Notre désaccord avec ces groupes, spécialement ceux qui se réclament du marxisme-léninisme, ne porte pas sur la nécessité de la lutte armée ou sur leurs actes militaires. Il porte sur la question de la construction du parti, sur la politique qui commande à leurs fusils, sur l’opportunité aujourd’hui de telles actions, compte tenu de l’état du mouvement révolutionnaire.

La tactique militaire dans un pays impérialiste est une question non résolue pour nous ; nous le reconnaissons. Il nous faudra combler cette lacune importante. Toutes les expériences, européennes et autres, devront alors être passées au crible de la critique, afin d’en tirer le maximum d’enseignements, tant positifs que négatifs.

443 - Après la révolution, l’armement des ouvriers est encore la condition de leur pouvoir.

La nécessité de la violence révolutionnaire ne disparaît pas le jour où on renverse la bourgeoisie. Après avoir pris par la force le pouvoir aux bourgeois, les prolétaires devront encore le défendre contre ceux-ci, ou contre les interventions impérialistes extérieures.

Les contradictions de classes sont vives dans la société de transition : tentatives de restauration du capitalisme, avancées de la lutte des classes... L’armée est un appareil de l’État. Et comme celui-ci, elle doit être radicalement transformée. Le contrôle des ouvriers doit s’exercer sur elle ; tout comme sur les autres organismes de lutte contre la bourgeoise dont l’État pourrait se doter.

En URSS, l’armée, puis la police (Tchéka, Guépéou, KGB...) se sont très vite autonomisées. Elles sont devenues des appareils échappant au contrôle des ouvriers et, pour une part, du parti lui-même. D’instruments de répression des exploiteurs, elles devinrent des instruments de répression des mécontents, puis une police à l’intérieur du parti. La répression perdit dès lors son caractère prolétarien pour devenir, dans les années 30, une répression sur les ouvriers eux-mêmes.

L’armée et les appareils de répression ne doivent pas être considérés comme étant à part du mouvement de transformation de la société ; en dehors de la lutte des classes. Les armes sont le recours ultime, lorsque surgissent des contradictions qui prennent un caractère antagonique. Le peuple en armes, c’est alors la seule garantie, d’ailleurs relative, que les appareils spéciaux de l’armée ou de la police, qui échapperaient au contrôle des ouvriers, ne s’assureraient pas d’entrée un avantage décisif.

450 - La révolution est un processus mondial

451 - La victoire des luttes anti-coloniales n’a pas fait disparaître la domination impérialiste.

Les luttes de libération nationale et anti-coloniales, commencées il y a 150 ans en Amérique Latine ont imposé presque partout l’élimination des formes de domination directe : le colonialisme. L’indépendance politique a été acquise, souvent les armes à la main, et par des mouvements se disant parfois socialistes. Mais l’indépendance formelle n’a pas mis fin à la dépendance économique, et donc à la dépendance politique. L’une et l’autre sont maintenant indirectes, dans un cadre semi-colonial, selon la définition de l’Internationale Communiste.

Les régimes qui sont issus de cette situation, dictatoriaux ou démocratiques bourgeois selon les pays et les périodes, n’ont rien de libérateurs. Les masses paysannes ou ouvrières restent dans une situation misérable, et continuent d’être exploitées. La domination impérialiste est maintenue, voire renforcée, sous des formes adaptées au contexte politique local et international.

Les luttes de libération nationale exigeaient des alliances de classes. Dans la plupart des cas, si référence était faite au socialisme, comme en Algérie ou dans les colonies portugaises, cela n’avait guère d’autre objectif que d’obtenir la participation des exploités à une lutte qu’ils ne maîtrisaient pas. Les éléments bourgeois ou petit-bourgeois qui la dirigeaient n’avaient pas intérêt à mobiliser sur le contenu social de cette indépendance.

Ces luttes ont débouché sur la modernisation de la domination impérialiste. Qu’elles aient été violentes, comme en Algérie ou au Nicaragua, ou pacifiques, comme en Inde, le résultat est identique. Quant aux pays comme le Viêt-Nam, par exemple, où la lutte fut dirigée par un parti communiste qui resta sur les orientations dominantes dans la Troisième Internationale : théorie des forces productives, fusion de l’État et du parti, rapport aux masses erroné... ils ne réussirent pas à mobiliser les masses après la victoire et favorisèrent le développement d’une bourgeoisie d’État. Le combat pour mettre fin à la domination impérialiste est donc toujours d’actualité.

Il est illusoire de fonder une stratégie de libération sur une bourgeoise nationale, même si celle-ci, parce qu’elle s’oppose un temps à l’impérialisme, peut paraître progressiste.

Dans les luttes anti-coloniales, la bourgeoisie nationale, opprimée par l’impérialisme, vise à rompre cette domination. Mais elle le fait à son profit, et nullement au profit des masses exploitées, paysannes et ouvrières.

Dans les pays formellement indépendants, les contradictions entre les différentes fractions bourgeoises ne doivent pas faire illusion non plus. Et s’il est possible d’utiliser tactiquement ces contradictions, on ne peut fonder sur elles une stratégie. Il s’agit toujours d’une fraction de la bourgeoisie bureaucratique qui cherche à évincer un clan au pouvoir pour s’installer à sa place. C’était le cas aux Philippines, en Haïti, ou pour Violetta Chamorro au Nicaragua. S’appuyer avant tout sur ces couches, c’est leur remettre la direction de la lutte, et donc la certitude que l’exploitation subsistera.

L’échec des luttes anti-impérialistes radicales est aussi celui des fractions de la petite bourgeoisie des pays dominés qui se sont servies de l’appareil d’État, civil ou militaire, pour se constituer en classe dominante. Elles ont adopté le modèle "socialiste" russe pour forger cette domination, comme en Éthiopie ou en Angola... Très radicales contre la domination impérialiste, elles n’avaient aucune confiance dans les masses, et s’imaginaient pouvoir transformer la société dominée à partir de l’appareil d’État bureaucratique. Elles ont été récupérées, ou emportées par la débâcle de leur modèle et la disparition de son appui, ou éliminées, comme Sankara au Burkina Faso. Dans les pays dominés comme ailleurs, aucune révolution ne peut avoir lieu sans les masses, ou à leur place.

Des bourgeoisies ont cru, en particulier dans les pays arabes, pouvoir construire un capitalisme "indépendant", ou arriver à la libération en jouant sur les contradictions entre les blocs, en s’appuyant sur un pays contre un autre. Les Kurdes en ont fait l’amère expérience, mais aussi Cuba, l’Irak et de nombreux autres régimes.

La lutte anti-coloniale ou anti-impérialiste n’est qu’une phase de la lutte pour la libération des exploités. Elle doit être menée dans cette perspective. On ne peut renvoyer à demain, c’est-à-dire à après la victoire, une réflexion sur la société à construire. Car celle-ci conditionne déjà les projets et les alliances dans le combat anti-impérialiste d’aujourd’hui.

452 - La lutte révolutionnaire : un but unique, des chemins différents.

Dans les pays dominés où le capitalisme n’est pas développé, la classe ouvrière est la classe dirigeante de la révolution, mais elle n’en est pas la force principale. Celle-ci, en effet, est constituée par les paysans, majoritaires parmi les exploités. La révolution s’y développe selon des étapes qui permettent aux masses de se libérer de l’oppression impérialiste et semi-féodale, lorsque cette dernière domine dans les campagnes.

La Révolution Nationale Démocratique et Populaire est une nécessité objective, qui traduit l’impossibilité pour les masses d’accomplir immédiatement des tâches socialistes. Elle a pour but la réalisation de tâches non socialistes, qui permettent de rompre avec la domination étrangère et le féodalisme : réforme agraire, droits démocratiques... Sa durée est variable. Elle dépend des conditions historiques et de la situation du pays : importance de la classe ouvrière, contexte international, etc...

Dans cette révolution, deux voies sont possibles : l’une qui veut limiter la révolution à son contenu bourgeois démocratique et national, l’autre qui veut dépasser cette étape et préparer le passage au socialisme. C’est le rôle du Parti Communiste d’organiser la classe ouvrière, en premier lieu, et de préserver son indépendance politique dans les alliances de classes nécessaires au cours de ces étapes. Sans cela, il ne pourrait pas diriger ce processus complexe, ni dépasser les tâches démocratiques et orienter les masses vers la transformation socialiste de la société.

Dans cette lutte, la source des échecs réside, d’une part, dans l’incompréhension de la nécessité de la révolution démocratique dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux, d’autre part dans l’absence d’articulation de cette lutte avec la révolution socialiste.

Dans ces pays dominés, la question de la terre est toujours d’une acuité primordiale. En Afrique, en Asie, en Amérique Latine, elle concerne des centaines de millions de paysans. La mobilisation pour la réforme agraire démocratique est un levier capable de mettre en branle les masses exploitées. Tous les régimes bourgeois, impérialistes ou locaux, toutes les ONG, font l’impasse sur cette nécessité, afin de ne pas s’opposer aux propriétaires terriens, aujourd’hui modernisés et insérés au capitalisme.

453 - Des révolutions qui doivent s’épauler.

La domination impérialiste parait aujourd’hui sans failles. Les développements récents de la division internationale du travail imposent une analyse du lien qui peut exister entre les révolutions dans les différents pays, de façon à définir quels sont les maillons faibles... puisque ces révolutions sont déterminées par une même réalité mondiale : l’impérialisme. C’est une lacune importante de Voie Prolétarienne, qui n’a pas encore abordé cette question.

L’interdépendance se renforce entre les pays impérialistes, particulièrement en Europe, avec les liens économiques et politiques, militaires et policiers, tissés entre les bourgeoisies qui sont impliquées dans la CEE. Bien que cette question ait été évoquée lors du 2ème congrès de VP, la réflexion sur ce point n’a pas progressé.

Il y a interdépendance, enfin, entre les révolutions et les luttes dans les pays impérialistes, et les révolutions et les luttes dans les pays dominés. Outre les solidarités qu’elle exige, cette interdépendance impose des tâches particulières aux ouvriers des pays impérialistes, avant comme après la révolution. Avant, outre les tâches de solidarité révolutionnaire, nous devons reconnaître à ces peuples le droit inconditionnel de se réapproprier leurs ressources. Après la révolution, les ouvriers des pays impérialistes devront établir des relations économiques et politiques nouvelles avec ces pays.

Les communistes doivent, en particulier, s’attacher à reconstruire une Internationale, capable d’analyser et de diriger la lutte à l’échelle mondiale.

454 - La nécessité d’une internationale.

La révolution est un processus mondial. Elle doit donc être menée à ce niveau par une organisation internationale ayant une unité minimale sur le plan idéologique, politique et organisationnel. Cela n’implique pas forcément l’existence de partis ou d’organisations communistes dans tous les pays en même temps, mais ça sous-entend, par contre, l’existence d’un nombre significatif de partis ou d’organisations dans différents pays.

Depuis la dissolution de la Troisième Internationale, en 1943, au nom de l’alliance avec certaines puissances impérialistes contre le nazisme et de la défense des intérêts nationaux de l’URSS, il ne s’est pas constitué, ne serait-ce que formellement, une Internationale comme centre dirigeant de la lutte du prolétariat mondial, sur des bases marxistes-léninistes.

La lutte politique et idéologique menée par le PCC et Le PTA contre le révisionnisme du PCUS et de ses alliés a certes constitué, dans les années 60, un saut qualitatif dans la critique du révisionnisme. Mais elle n’a pas abouti à la reconstitution d’une Internationale.

Face à ce vide politique, les trotskystes ont créé une IVème Internationale. Mais des ruptures insuffisantes, ou carrément absentes, avec les thèses social-démocrates et révisionnistes, empêchent celle-ci de combler ce vide et d’assumer le rôle joué auparavant par l’Internationale Communiste.

Dans les années 80, la rupture entre le PCC et le PTA, consécutive à la restauration du capitalisme en Chine et à la polémique sur la "Théorie des Trois Mondes", puis la dérive opportuniste et la débandade de l’Albanie, ont provoqué un grand désarroi idéologique, et une désorientation politique quasi générale. Le résultat en a été l’affaiblissement, la disparition, ou la reconversion réformiste : écologiste, alternative, social-démocrate, etc... de plusieurs partis ou organisations se réclamant du marxisme-léninisme. Aujourd’hui, à l’exception notable du PCP au Pérou, le mouvement communiste est réduit à l’existence de quelques rares partis et organisations.

En 1984 a eu lieu, sous l’impulsion du RCP-USA, la création du Mouvement Révolutionnaire International, qui regroupe plusieurs partis ou organisations, parmi lesquels le PCP du Pérou. Nous avons critiqué cette démarche, car elle escamotait le débat sur des questions importantes, telles que l’analyse de la classe ouvrière dans les pays impérialistes, la stratégie de la révolution dans les pays dominés, et le bilan de l’échec des pays socialistes. La conséquence de cette approche est la relative paralysie du MRI, du fait de certaines divergences fondamentales qui existent en son sein depuis sa constitution.

Malgré ses défauts, le MRI reste le pôle de regroupement dont les bases sont les plus avancées. D’autres regroupements existent au niveau européen ou mondial. Ils sont marqués par un bilan autocritique insuffisant des erreurs du Mouvement Communiste, et reproduisent d’une manière ou d’une autre des positions opportunistes : abandon des positions de classe dans le combat démocratique ou anti-impérialiste, bilan simpliste de la restauration du capitalisme en URSS, défense de la théorie des forces productives, pacifisme, etc...

Compte tenu de la confusion qui règne actuellement, et dans le cadre de priorités bien définies, des contacts doivent être maintenus avec ces courants, et la lutte de lignes menée avec eux, afin de clarifier les grandes questions de la révolution.

L’absence d’une Internationale n’empêchant pas d’avoir une pratique internationaliste, bien que seule l’existence de cette dernière puisse rendre une telle pratique optimale, notre démarche consiste, dans un pays impérialiste comme la France, qui draine un prolétariat multinational :

a) A mener, dans le cadre de la construction d’un Parti Communiste en France, la lutte contre le chauvinisme, en particulier parmi les ouvriers français.

b) A nouer des contacts, à mener des discussions et à polémiquer, avec les organisations de différents pays. Et aussi à faire preuve d’une solidarité politique concrète envers la lutte des classes ouvrières d’autres pays, et vis à vis des peuples opprimés.

460 - Marxisme, léninisme et maoïsme : des outils pour changer le monde

Voie Prolétarienne se réclame du marxisme, du léninisme et du maoïsme : les trois grandes étapes du développement d’une conception matérialiste dialectique du monde. Elles définissent les objectifs à atteindre pour le transformer et des voies à emprunter pour y parvenir.

461 - Voie Prolétarienne est une organisation marxiste.

Marx est, avec Engels, l’auteur du Manifeste Communiste, qui trace, de manière toujours actuelle, les tâches nationales et internationales des communistes. Il a jeté les fondements théoriques sur lesquels peut encore aujourd’hui s’appuyer le développement de la théorie révolutionnaire.

Confronté aux progrès mondiaux du capitalisme, il a mis a jour les mécanismes de l’exploitation, de l’accumulation et le jeu des contradictions de ce mode de production. Il a montré comment ils façonnaient l’ensemble de la société, et en déterminaient les superstructures politique et idéologique.

Il a développé la philosophie matérialiste dialectique, et a jeté les bases d’une science de l’évolution des sociétés : le matérialisme historique.

Sur la base de la critique du capitalisme et de la division sociale du travail, Marx a énoncé les conditions de la libération de l’Humanité de l’exploitation et de l’aliénation. Il a montré, dans une société de classes, le rôle de l’État : instrument de la dictature d’une classe. Confronté à la riche expérience de la Commune de Paris, il a précisé le contenu de la dictature du prolétariat : demi-État qui doit dépérir en même temps que se réalise la transformation sociale.

Il a développé une intense activité internationaliste et participé à la création de la première Internationale Ouvrière.

462 - Voie Prolétarienne est une organisation léniniste.

Lénine a dû batailler contre les opportunistes pour fonder une organisation révolutionnaire, un parti, capable de guider les ouvriers jusqu’à la prise du pouvoir. Il a défini les modes de fonctionnement de ce parti : le centralisme démocratique, et ses modes d’action, légaux et illégaux, pacifiques et militaires.

Il a insisté sur l’importance de la théorie dans la formation d’un parti d’avant-garde. C’est sur la base des lacunes du mouvement ouvrier, en particulier de celles de la Commune de Paris, que s’est constituée la conception du parti léniniste : un parti complètement différent des partis parlementaires traditionnels.

Il a montré que la préparation de la classe ouvrière à la prise du pouvoir, imposait de mettre au premier plan la lutte politique, et non pas l’excitation de la lutte immédiate.

Il a joué un rôle décisif dans la préparation politique du parti bolchevik à la prise du pouvoir par l’insurrection, en précisant les conditions politiques de celle-ci.

Il a développé l’analyse de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme, qui s’imposait en ces débuts du 20ème siècle, et donc promu l’intégration de la lutte des peuples dominés à la perspective de la marche au communisme. Il a défini pour ceux-ci le principe d’une révolution ininterrompue et par étapes.

Il a défendu, face à la guerre impérialiste, la nécessité du défaitisme révolutionnaire. Il s’est battu, y compris dans le parti communiste russe, contre le chauvinisme de grande puissance. Il a imposé la reconnaissance inconditionnelle du droit des peuples à l’autodétermination. Il a contribué à la construction de la Troisième Internationale Communiste qui porta pendant dix ans le flambeau de l’internationalisme sur toute la planète.

Au cours des premières années de la Révolution Russe, Lénine a su discerner les dangers qui la guettaient : bureaucratisation de l’État, tendance à la contrainte sur les masses... Il a montré, déjà, la nécessité pour les ouvriers de se protéger de cet État. Il a combattu également les tendances petites-bourgeoises et le démocratisme qui s’opposent à la dictature du prolétariat ; ainsi que le spontanéisme, qui ouvre la voie au retour de la bourgeoisie et au développement du capitalisme.

463 - Voie Prolétarienne est une organisation maoïste.

Mao Zedong a dirigé la première révolution nationale et démocratique victorieuse. Il a précisé, dans les conditions de celle-ci, la tactique communiste : guerre populaire prolongée, possibilité de zones libérées, rôle des masses paysannes sous la direction du parti communiste, tactique des alliances (front uni), et nécessité impérieuse de l’indépendance du prolétariat dans ces alliances.

Il a fait le lien entre la théorie matérialiste de la connaissance et l’activité organisationnelle des communistes, insistant sur la pratique, sur la ligne de masse, et sur les méthodes de direction fondées sur l’enquête.

Au milieu des années 50, Mao a relancé, sur la base de la critique du développement de l’URSS, la réflexion sur les tâches de la transition ; réflexion interrompue depuis vingt ans. Mais c’est au cours de la Révolution Culturelle, impulsée à son initiative pour combattre la ligne bourgeoise dans le parti, que cette critique est devenue plus systématique : existence de la lutte des classes dans la société de transition, nécessité de débattre largement et de mener la lutte de lignes au sein du parti, rupture avec les conceptions économistes de la construction du socialisme, et critique de la "théorie des forces productives".

Mao et les campagnes politiques du début des années 70 en Chine ont contribué à l’approfondissement de la théorie marxiste par l’étude de la restauration capitaliste dans les pays socialistes, en remettant au premier plan la transformation des rapports de production, et en éclairant les processus de reconstitution d’une nouvelle bourgeoisie au sein de l’appareil d’État et du parti.

470 - Repenser la révolution

471 - Pour Voie Prolétarienne, marxisme, léninisme et maoïsme ne sont pas des références dogmatiques qui serviraient à masquer une incapacité à réfléchir par nous-mêmes.

Chaque pensée particulière à des limites. Marx ne pouvait analyser le développement de l’impérialisme, et il a vu d’abord dans le colonialisme un mouvement progressiste. Lénine a compris les dangers du bureaucratisme, mais n’a envisagé son élimination que par le perfectionnement du travail du parti. Mao a sous-estimé le rôle des ouvriers dans la première phase de la révolution chinoise. Ces limites ne dévaluent pas leurs apports à la théorie de la révolution ; même si ceux-ci doivent toujours être revérifiés dans l’activité politique. Aux communistes d’aujourd’hui et de demain de les enrichir.

Dans les pays impérialistes comme dans les pays dominés, les échecs du mouvement communiste ont été riches d’enseignements. Nous avons commencé a en tirer le bilan. Ce travail doit se poursuivre. Car il est impossible d’en rester à l’état actuel des choses, au règne sans partage de l’impérialisme. Il nous faut revenir aux objectifs communistes, réfléchir sur toutes les expériences du mouvement ouvrier, les étudier de manière critique et autocritique. Il faut aussi, par le travail théorique, approfondir notre connaissance de la société actuelle, pour mieux comprendre les conditions de sa transformation révolutionnaire.

Nous refusons de jeter le bébé avec l’eau du bain, de faire table rase du passé. Non seulement nous assumons le passé communiste, mais nous le revendiquons, avec ses échecs et ses succès. La théorie de la révolution, du socialisme, n’existe que depuis un siècle. Il nous faut la faire vivre, et non l’enterrer.

Face au courant qui prétend qu’on ne sait plus rien, qu’il faut tout reprendre à zéro... nous affirmons que ce serait la meilleure manière de liquider tous les acquis positifs du mouvement communiste international, et de se priver des enseignements de ses échecs. De telles affirmations ne font d’ailleurs que masquer des bilans inavoués. Elles mènent tout droit à l’impuissance.

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