L’OCML-VP > Cahier N°3 de notre Plate Forme politique

Cahier N°3 de notre Plate Forme politique

500 - Lutter pour la Révolution aujourd’hui

510 - Nous ne sommes pas dans une situation révolutionnaire

511 - Quelles sont les conditions de la lutte en France aujourd’hui ?

Malgré l’aggravation de l’exploitation, malgré des conditions de vie de plus en plus difficiles pour les travailleurs, malgré les révoltes et le renouveau des luttes sociales, il n’y a pas encore de situation révolutionnaire en France ni en Europe. Pourtant, avec l’accumulation des contradictions politiques et sociales dans le monde, avec l’accentuation de la lutte des classes... un jour viendra où la question du pouvoir sera posée. Tout dépendra alors de ce que les communistes seront capables de faire.

Si le moment n’est pas venu de monter à l’assaut du pouvoir, notre tâche est de préparer les conditions subjectives de cette échéance, c’est-à-dire, en particulier, de construire le parti qui fait défaut pour diriger la classe ouvrière.

En face, l’ennemi ne reste pas inactif. La bourgeoisie est à l’offensive sur tous les plans : au plan économique et social, avec les restructurations et leur cortège de misère pour les exploités ; au plan idéologique, avec l’utilisation effrénée des événements de l’Est ; au plan politique, principalement par l’intermédiaire de l’appareil d’État, qui renforce contrôle, répression et domination sur tous les aspects de notre vie.

La construction de l’Europe économique, politique et sociale accélère ces restructurations. Si bien qu’il est de plus en plus nécessaire d’envisager la lutte des classes à cette échelle. Les conséquences de cette construction risquent d’être importantes, et nous ne pouvons que constater notre retard et nos faiblesses, face à l’offensive de la bourgeoisie européenne.

La domination bourgeoise est subie par chacun de nous dans ses répercussions les plus immédiates. Mais elle est organisée par un centre, un quartier général de la classe capitaliste, où s’élabore et se reproduit cette domination. Ce centre, c’est l’appareil d’État. C’est donc à ce niveau qu’il faut porter l’affrontement, et non pas en rester à la résistance ponctuelle contre chaque attaque particulière.

520 - La Révolution et la réforme

521 - La lutte pour la révolution est consciente et organisée.

La révolution prolétarienne ne sera jamais le fruit de l’effondrement spontané du système impérialiste miné par ses propres contradictions. Faute d’une alternative communiste portée par les masses, il surmonte celles-ci par des réformes ou des artifices, ou, quand cela ne suffit plus, par le sang des exploités. L’histoire du mouvement ouvrier et populaire abonde de ces "crises ultimes du capitalisme", et de révolutions dévoyées et enterrées, dont les plus récentes sont la révolution des oeillets au Portugal en 1975, la révolution iranienne contre le Shah en 1979, ou les révolutions anti-impérialistes du Nicaragua et du Salvador.

La révolution n’est pas non plus la suite logique du capitalisme, dont il suffirait de pousser les contradictions à l’extrême pour en faire surgir spontanément le socialisme. C’est par exemple ce qu’imaginent les trotskystes de toutes tendances, qui considèrent la grève générale comme le fin mot de la politique révolutionnaire. La révolution est une démarche de lutte, politique, organisée, violente, dont l’objectif est de détruire cette société dans tous ses fondements et construire le monde nouveau. Sa première étape est la prise du pouvoir d’État, pour donner aux ouvriers les moyens de cette transformation.

La révolution nécessite donc une orientation, un programme, une vision de la marche au communisme dans ses différentes étapes. Cela ne peut s’acquérir sans un parti d’avant-garde.

Cette organisation ne peut se construire que dans la participation aux combats quotidiens contre le capital, contre l’exploitation. Il s’agit d’une lutte pour les réformes : sur les salaires, pour l’emploi... Elle doit être menée, et les communistes doivent en être partie prenante.

Mais à aucun moment ils ne doivent oublier qu’une réforme ou une revendication arrachée au capital, c’est à la fois une victoire, un rapport de forces établi face aux exploiteurs, mais aussi, pour ces derniers un moyen d’acheter la paix sociale, de calmer le jeu, de contenir la tendance à la révolution. Jamais la bourgeoisie ne lâche autant de réformes qu’en période d’effervescence sociale, lorsque la question du pouvoir risque d’être posée. C’est ce qui s’est passé à la Libération en 1945, ou en Mai 68.

522 - La spontanéité ouvrière, seule, n’est pas révolutionnaire.

Seule la révolte, éventuellement radicale et généralisée, peut voir le jour de façon spontanée ; pas la révolution. Car les exploités, dans leur immense majorité, n’envisagent leur avenir que dans le cadre du capitalisme, de l’économie marchande : celui dans lequel ils vendent leur force de travail. Leurs luttes s’orientent plutôt vers une meilleure répartition des richesses, une meilleure organisation de la société, sans remettre en cause l’exploitation et la place des producteurs dans la société ; elles sont spontanément réformistes.

Ces révoltes que provoque l’exploitation : sur l’emploi, pour le logement, contre la pauvreté, contre l’aliénation... sont la base indispensable au développement d’une politique révolutionnaire. A partir de ces mouvements, les communistes, par leur activité, peuvent amener les travailleurs à en dépasser les limites, à sortir du cadre étroit des rapports ouvriers-patrons, pour prendre conscience de la nécessité de la transformation de toute la société ; du renversement de la bourgeoisie. Dans tous ces combats, orientations réformistes et orientations révolutionnaires s’affrontent.

523 - Les réformistes : des représentants de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier.

Les organisations réformistes sont la traduction, en termes de partis, de syndicats, ou autres, de ce réformisme spontané. Au lieu de combattre celui-ci, en s’appuyant sur la révolte ouvrière, ils l’entretiennent, prétendant pouvoir réformer la société d’exploitation. En ce sens, ce ne sont pas des traîtres, mais bien des représentants de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Les organisations réformistes sont fondamentalement contre-révolutionnaires et pro-impérialistes. Ce ne sont pas "des amis dans l’erreur", comme l’imaginent encore trop souvent beaucoup d’ouvriers et de militants.

530 - C’est la classe ouvrière qui doit diriger en tout

531 - La seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.

La classe ouvrière, c’est l’ensemble des individus qui ne possèdent pas les moyens de production, qui ont une place subordonnée dans la division du travail et créent de la plus-value. Le prolétariat est constitué d’un ensemble plus vaste de travailleurs, qui ne possèdent pas de moyens de productions et vendent leur force de travail, mais ne créent pas tous de la plus-value.

Si la classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout, ce n’est ni parce qu’elle est majoritaire, ni parce qu’elle est la plus radicale dans les conflits, bien que ce soit souvent le cas. Elle est la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout parce que sa condition concentre toutes les aliénations et toutes les oppressions que subissent les hommes et les femmes qui appartiennent aux autres classes dominées. Aussi doit-elle, pour se libérer, bouleverser l’ensemble des rapports sociaux. Pour cette raison, son intérêt de classe peut représenter l’intérêt de tous les exploités et de tous les opprimés.

Son combat s’inscrit donc dans la lutte pour la suppression des classes. Il se situe dans la perspective historique, non seulement de la prise du pouvoir, mais aussi de la transition socialiste et de la marche au communisme. Le prolétariat en a fait la preuve depuis le 18ème siècle. Cela reste vrai aujourd’hui. On le voit dans les pays dominés ; en particulier les pays industrialisés comme le Brésil ou la Corée, où elle joue un rôle central dans des luttes qui impliquent, à terme, le renversement du capitalisme.

Par sa place particulière dans le processus productif et dans la société, la classe ouvrière est capable d’aller beaucoup plus loin, d’être beaucoup plus radicale, dans les transformations à entreprendre. Par sa place et par sa fonction, elle est amenée à remettre en cause les rapports de production capitalistes, la division du travail. Elle est conduite à mettre au premier plan l’intérêt collectif.

Par la cogestion, et diverses mesures empruntées aux modèles japonais de direction, le patronat cherche à associer l’ouvrier à des décisions qui concernent sa propre exploitation. Mais l’ouvrier reste un producteur direct. Il n’a qu’un pouvoir de décision

très limité, dans un cadre qu’il ne maîtrise pas. Ces tentatives du patronat, même si elles peuvent obscurcir les rapports de production réels, ne changent pas la position fondamentale de la classe ouvrière dans la société.

Le potentiel de révolte et d’action collective dont la classe ouvrière est porteuse apparaît trop peu aujourd’hui. Il est largement étouffé par l’impérialisme, qui multiplie les moyens pour l’écraser, le dévoyer et l’empêcher de s’exprimer. Mais cela ne supprime pas les contradictions. Et, tôt ou tard, apparaît l’impossibilité pour les ouvriers de s’en sortir individuellement. C’est là que les révolutionnaires ont leur rôle à jouer.

532 - L’unité de la classe.

La classe ouvrière n’est ni spontanément, ni purement révolutionnaire. Le rôle des communistes, c’est justement de faire surgir ce potentiel, d’ériger la classe ouvrière en classe consciente d’elle-même, d’en faire l’actrice de sa perspective historique : le communisme.

Une des tâches des révolutionnaires est de construire l’unité de la classe contre les divisions inévitables qui la partagent. Ces divisions sont la conséquence, à la fois de la concurrence capitaliste sur le marché du travail, et de l’influence de la vie dans un pays impérialiste : divisions entre français et immigrés, entre hommes et femmes, entre actifs et chômeurs, entre fixes et précaires, entre ouvriers qualifiés et OS, etc...

Le combat pour l’unité de la classe n’est pas un combat pour fédérer les corporatismes, mais pour constituer le camp des exploités face à la bourgeoisie. Ce qui suppose de se délimiter nettement, face aux défenseurs chauvins de l’impérialisme, PCF en tête, face à tous ceux qui veulent défendre leurs propres privilèges, contre les intérêts de la masse des exploités.

La classe ouvrière ne devient donc, réellement une classe d’avant garde qu’en s’organisant et en agissant pour une transformation révolutionnaire de la société, par delà ses divisions et ses particularismes professionnels ou nationaux.

533 - Les alliances autour de la classe ouvrière.

La classe ouvrière ne fera pas la révolution toute seule. Si, dans un pays comme la France, elle est encore la classe la plus nombreuse, elle n’y est pas majoritaire parmi les travailleurs. Elle doit s’allier à d’autres classes ou couches, sur la base de

l’intérêt commun au renversement immédiat du capitalisme, sur le programme concret de la révolution. Elle ne doit pas à cacher à ces couches les éventuelles divergences portant sur l’avenir, mais leur montrer que ces contradictions seront résolues de manière différente de ce qu’elles l’étaient sous le capitalisme, c’est-à-dire principalement par le débat, la persuasion et l’évolution volontaire.

En France, l’alliée la plus proche de la classe ouvrière est certainement la petite bourgeoisie salariée. C’est celle dont les conditions de vie et de travail ressemblent le plus aux siennes. Elle est constituée par les employés de l’appareil d’État et du secteur privé. Il faut approfondir les conditions de l’alliance avec cette couche dans les pays développés d’Europe. Mais nous savons déjà que l’impérialisme lui-même entraîne son rapprochement d’avec la classe ouvrière. L’informatisation de nombreux secteurs clairsème ses rangs et uniformise ses conditions de travail ; tandis que la construction de l’Europe donne un coup de fouet supplémentaire à la restructuration de secteurs entiers : banques, assurances, communications... Cette évolution entraîne que, pour cette couche, l’alliance avec le prolétariat peut se faire sur un programme général, et non sur la convergence étroite de tels ou tels intérêts particuliers. Nous avons encore à enrichir ces considérations, et à en tirer les conclusions politiques.

Ces couches petites bourgeoises se distinguent néanmoins de la classe ouvrière en ce qu’elles ne sont pas créatrices directes de valeur. Le PCF et la LCR les assimilent pourtant complètement à la classe ouvrière, le premier pour masquer l’ampleur des transformations sociales à effectuer, la seconde pour grossir son influence ouvrière. Notons pourtant que, si l’impérialisme prépare les conditions de la révolution en prolétarisant de larges couches d’employés, il développe parallèlement les emplois parasitaires et les secteurs improductifs.

C’est à la fois la situation objective de ces couches, et leur attitude dans les luttes où la classe ouvrière défend son point de vue, qui fondent le contenu de l’alliance. Il ne s’agit pas, comme la LCR, entre autres, a pu le faire à propos des luttes de marins pêcheurs ou d’infirmières, de s’agenouiller devant ces couches, sous prétexte qu’elles participent à la lutte contre le gouvernement.

Ces mouvements sont parcourus par des attitudes et des idées particulièrement fortes dans la petite bourgeoisie : individualisme, corporatisme, fétichisme de l’appareil d’État, mise en avant de la gestion capitaliste et non de la production, humanisme et

démocratisme, influence de la petite propriété, etc... Y intervenir suppose de combattre ces idées. Il s’agit, à chaque fois, d’analyser le contenu de classe de ces luttes, et d’essayer de les inscrire dans une perspective anti-capitaliste. L’union avec ces couches ne s’impose pas d’elle-même. Elle résulte d’une lutte politique et idéologique qui se poursuivra après la révolution.

Il faut réactualiser l’analyse de classe des pays européens, afin de tenir compte des évolutions de ces dernières années et d’en tirer des conclusions pour le travail politique, dans la mesure où cette analyse date relativement, et où il s’agit d’alliés proches de la classe ouvrière.

540 - Immigration, racisme et anti-impérialisme

541 - Unifier la classe ouvrière multinationale de France.

La classe ouvrière, en France, est multinationale. Sa fraction immigrée est nombreuse. Elle joue un rôle politique important, non seulement par sa participation à la lutte des classes : grèves de l’automobile, foyers Sonacotra, déboutés du droit d’asile, double peine... mais aussi par rapport aux délimitations qu’elle provoque en cette période de crise.

Contre la tentative de faire des immigrés les boucs émissaires de la crise, nous affirmons la nécessité de construire l’unité internationale des prolétaires. Contre la volonté de les renvoyer chez eux, nous dénonçons la responsabilité de l’impérialisme dans l’immigration, au travers du pillage et de la destruction de l’économie des pays dominés et nous revendiquons le droit à la libre circulation. Contre le racisme, nous défendons l’unité de la classe. Contre l’assimilation forcée ou l’intégration pernicieuse, nous voulons bâtir une unité internationale regroupant les aspects positifs de toutes les cultures et les expériences différentes des ouvriers de toutes nationalités.

542 - L’immigration est la conséquence de la domination impérialiste.

L’immigration est une des conséquences de la domination de l’impérialisme sur le monde. C’est à ce titre que nous combattons le racisme et que nous cherchons à

construire un camp ouvrier anti-impérialiste, au delà des frontières, contre les ennemis communs.

C’est à ce titre aussi qu’il faut élargir le combat immédiat de la classe à une perspective anti-impérialiste. En particulier par rapport aux relations industrielles et

commerciales avec les pays dominés, contre les interventions militaires, contre la fermeture des frontières et toutes les tentatives nationalistes et chauvines. Même si nous ne l’avons pas suffisamment abordé, c’est un lien immédiat et important entre la révolution dans notre pays et la révolution mondiale.

Dans ce combat pour un internationalisme renouvelé, nous retrouverons toujours contre nous le "Parti Chauvin Français", meilleur défenseur de l’impérialisme au sein de la classe ouvrière.

543 - Lutter contre le repli nationaliste de certains immigrés.

Cet élargissement anti-impérialiste du combat pour l’unité de la classe est le seul moyen d’éviter les tentations au repli sur soi de l’immigration, face au racisme ; de limiter la pénétration des courants réactionnaires comme l’islamisme en son sein. Pour que les révolutionnaires d’un pays impérialiste puissent intervenir à ce propos, il faut qu’ils fassent la preuve de leur orientation anti-chauvine conséquente ; qu’ils se démarquent, sans aucune ambiguïté, du lourd passé nationaliste et chauvin du mouvement ouvrier.

550 - Sexisme, féminisme, égalité hommes-femmes

551 - Les femmes, doublement opprimées.

Aujourd’hui, les femmes du peuple subissent, en plus de l’exploitation capitaliste, la forme particulière d’oppression de la famille bourgeoise. Cette oppression n’a pas pour cause directe l’exploitation capitaliste, mais elle est reproduite et entretenue par la société de classe. Depuis la spécialisation du travail et la division des tâches, dans les premières sociétés humaines, les femmes vivent une infériorité sociale incontestable.

Au travail, les femmes subissent une inégalité parfois couverte par la loi : sous-qualification, salaire inégal, pression pour le retour des femmes au foyer... Elles supportent aussi des formes d’oppression particulières : droit de cuissage, harcèlement sexuel, etc...

Par ailleurs, elles réagissent de manière particulière aux conditions de travail. Par exemple, à propos du choix des horaires de travail, rentre en ligne de compte pour elles la préoccupation des enfants.

Au foyer, la femme réalise le plus souvent une deuxième journée de travail, car c’est elle qui est considérée comme responsable des tâches ménagères et qui en prend en charge la plus grande part. De ce fait, l’homme, même ouvrier, profite du travail de la femme, ce qui lui accorde un temps libre dont la femme, elle, ne dispose pas. Pourtant le partage des tâches ménagères permettrait par ricochet le partage du temps libre...

Dans toute la société, le sexisme est complètement intégré. De l’image de la femme-objet présentée par la publicité, à la prostitution, en passant par le Minitel rose... la femme subit cette oppression quotidienne ; une accumulation d’agressions ordinaires qui peuvent aller jusqu’au drame du viol.

Malgré les discours sur l’égalité entre les sexes, les inégalités sont officialisée par l’éducation scolaire et familiale. Filles et garçons apprennent très tôt qu’il y a des "différences", des "qualités" et des "défauts" propres à chaque sexe, et quelle sera leur place future dans la société les, un(e)s par rapport aux autres. Et cela, jusque dans la sélection pour beaucoup de métiers.

552 - Une double révolte, qui doit s’exprimer.

Double journée de travail et oppression sont le lot commun des travailleuses. Cette situation est encore aggravée pour les femmes immigrées et les jeunes femmes issues de l’immigration, qui subissent le poids des traditions réactionnaires dans la vie familiale.

En conséquence, la place particulière des femmes dans la société provoque à la fois des particularités dans leur exploitation et une oppression spécifique. Oppression qui se traduit par un sentiment d’infériorité, moins de reconnaissance, moins d’initiative, moins de disponibilité pour la lutte politique...

Tout cela les pousse à une révolte radicale, mais qui ne s’exprime pas collectivement pour l’instant. Cette révolte pourra exploser dans des situations aiguës de la lutte des classes et se concrétiser par des aspirations à un changement de société plus radical dans l’avenir.

553 - L’unité entre hommes et femmes se construit dans la lutte contre la société de classes.

Le féminisme porté par la période "soixante-huitarde" a eu l’immense mérite de poser sur la table la question de la place des femmes dans la société et de leur inégalité de fait.

Pourtant, le combat a été essentiellement mené sur le terrain idéologique, d’une part, et, d’autre part, sur des problèmes tels que l’avortement, la contraception, l’égalité des droits... considérés comme spécifiquement féminins. Il n’a donc pas réussi à progresser, pour construire une unité révolutionnaire de l’homme et de la femme. Il a progressivement disparu, avec le reflux idéologique des années 80. Si certains de ces droits, gagnés dans le passé, sont en train d’être remis en cause, c’est en particulier parce qu’ils n’ont été abordés que comme des droits spécifiques aux femmes, et que, de ce fait, la lutte menée pour les acquérir n’a pas permis de consolider l’unité entre hommes et femmes.

L’objectif des révolutionnaires n’est pas d’obtenir, pour certaines femmes, le droit d’occuper dans la société capitaliste des postes de haut niveau, comme celui de premier ministre. Il n’est pas non plus d’obtenir l’égalité d’exploitation, comme la légalisation du travail de nuit pour les femmes.

L’oppression de la femme n’a pas pour origine le capitalisme. Mais ce n’est que dans le combat de classe commun que peut se construire une solide unité entre hommes et femmes. Dans chaque aspect de ce combat, la dimension spécifique amenée par la femme doit être prise en compte dès maintenant, pour réduire l’écart entre les sexes. C’est un enjeu pour la lutte immédiate, comme pour enrichir la conception de la future société socialiste.

De la même manière que la construction de l’unité de classe entre français et immigrés impose de faire vivre l’anti-impérialisme dans tous les combats ouvriers, la construction de l’unité de classe entre hommes et femmes impose de tenir compte de la contribution spécifique apportée par les femmes et des difficultés particulières qu’elles rencontrent.

554 - Une lutte y compris dans nos propres rangs.

Le combat contre le sexisme et pour l’égalité impose de mener ensemble un certain nombre de combats présentés à tort comme spécifiques : lutte pour le droit à

l’avortement et la contraception, contre les discriminations et les agressions sexistes, partage des tâches au foyer... quelques exemples parmi d’autres.

Toute organisation reprend, malgré elle, certains travers de la société dans laquelle elle évolue. De même qu’elle cherche à réduire la différence entre militants d’origine intellectuelle et d’origine ouvrière, une organisation révolutionnaire se doit donc de prêter une attention particulière aux rapports entre dirigeant(e)s et dirigé(e)s, pour éviter de reproduire la même inégalité entre hommes et femmes que dans la société.

Sur l’ensemble de ces questions relatives aux différences et à l’unité entre hommes et femmes, nous sommes très loin d’avoir avancé suffisamment et nos faiblesses pèsent lourdement sur notre activité.

560 - Combats partiels et lutte pour la Révolution

561 - Ne pas oublier le caractère contradictoire des combats partiels.

La révolte de la classe et des exploités se manifeste toujours sur des enjeux immédiats ; et il est idéaliste de croire qu’elle se développera, au niveau des masses, sur un projet communiste. La participation aux combats partiels est donc absolument essentielle, sous peine de rester éternellement spectateurs de la lutte des classes.

Cependant, les révolutionnaires ne doivent jamais oublier le caractère contradictoire de ces victoires partielles dans les luttes quotidiennes. Ils doivent être conscients qu’elles représentent à la fois un rapport de forces face aux exploiteurs, et un achat par ceux-ci de la paix sociale, nécessaire à la poursuite de l’exploitation. Les communistes sont révolutionnaires parce que jamais ils ne perdent de vue leur objectif final : la prise du pouvoir, et la marche au communisme.

562 - Constituer et délimiter un camp ouvrier.

Le rôle des communistes dans ces combats n’est pas d’exciter la lutte pour la lutte, mais de contribuer à constituer un camp ouvrier face au camp bourgeois, à le délimiter fermement face à l’opportunisme et au réformisme, à refuser le consensus

de la société d’exploitation, à refuser le légalisme et les règles du jeu dans lesquelles nos ennemis veulent nous enfermer.

Pour cela, la priorité du travail porte sur l’organisation des éléments les plus avancés du mouvement de masse, c’est-à-dire de ceux qui se distinguent politiquement, par leurs prises de position et leurs interrogations, sur une question ou une autre, de la masse des ouvriers et des militants en lutte. Cela nécessite un travail spécifique, de politisation, d’éducation, qui est notre tâche principale dans la période actuelle.

Dans cette période, face au consensus compétitif de la guerre économique que la bourgeoisie voudrait nous faire avaler, l’orientation générale de ces combats se résume dans ce que nous appelons le défaitisme révolutionnaire dans la guerre économique.

Défaitisme, parce que nous refusons cette guerre qui n’est pas la nôtre, et que nous souhaitons la défaite de notre ennemi, de nos exploiteurs.

Révolutionnaire, parce que cette orientation ne peut vivre qu’en rapport avec un projet alternatif au capitalisme, qu’avec une critique de l’essence du capitalisme ; ce qui conduit à dégager des orientations politiques en rapport avec la société pour laquelle nous luttons.

563 - Mettre la politique au poste de commande.

Dans tous ces combats, nous mettons la politique au poste de commande. Et cela pour définir, à partir des enjeux de la lutte des classes, de nos moyens et de nos forces, quelles sont les orientations les plus favorables à la fois à nos objectifs stratégiques : la construction du parti, la prise du pouvoir, le communisme... et à la constitution, aujourd’hui, d’un camp anti-capitaliste.

C’est dans la lutte des classes, et non à côté, que doit s’ancrer un projet révolutionnaire pour demain. Seul le travail communiste, de propagande et d’organisation, peut en capitaliser les fruits.

570 - Combat démocratique et lutte pour la Révolution

La résistance des exploités ne se manifeste pas seulement dans les domaines de l’exploitation ou des conditions matérielles de d’existence. La tendance de l’impérialisme à la réaction conduit à étendre le combat sur le terrain démocratique : contre la répression, pour le droit à l’organisation et à l’expression des exploités, contre les discriminations racistes et sexistes, pour la défense des acquis démocratiques. Combat pour l’égalité des droits, contre la double peine, pour le droit d’asile, pour le droit à l’avortement, contre l’emprisonnement de militants... Ces combats ont repris de la vigueur ces dernières années, avec le discrédit des sociaux-démocrates dans un domaine dont ils prétendaient se faire les meilleurs défenseurs.

Le combat démocratique ne touche pas les fondements du capitalisme ; il ne remet pas en cause l’exploitation. Il risque a priori de déraper plus facilement vers des positions humanistes de défense de la "démocratie pure".

Nous ne défendons jamais la démocratie en général. Mais nous participons à ces combats pour développer notre conception de la démocratie prolétarienne, celle des exploités, dans le combat contre la tendance à la réaction de l’impérialisme. La définition des amis et des ennemis, la délimitation des camps dans le combat démocratique, ne se font pas entre "démocrates" et non démocrates, mais en dévoilant le contenu de classe de la question qui est en jeu dans ce combat. Nous ne pouvons pas faire alliance, même implicitement, avec le PS contre Le Pen, avec nos exploiteurs contre un ennemi au discours plus radical.

Néanmoins, nous participons à ces combats : pour convaincre les mouvements qui les portent des limites de la lutte démocratique pure ; pour les pousser jusqu’aux racines de classe de la lutte qu’ils mènent. Si nous revendiquons par exemple le droit de vote pour les immigrés, ce n’est nullement dans une perspective électoraliste et parlementariste, mais parce que c’est le moyen de supprimer une division, de favoriser le combat contre l’exploiteur commun.

580 - La nécessité d’une tactique

Dans tous ces combats partiels, nous sommes amenés à définir très précisément une tactique, tant par rapport au contenu des interventions, que du point de vue des formes de lutte et d’apparition publique de l’organisation.

581 - Ce n’est pas la tactique qui nous délimite.

Jamais la tactique ne doit l’emporter sur la stratégie, car cela justifierait tous les opportunismes. Et jamais une tactique en elle-même ne détermine une position révolutionnaire. Il est donc illusoire de chercher dans la tactique une démarcation avec les courants réformistes, en opposant par exemple des mots d’ordre plus radicaux aux leurs. Exiger un salaire de 8000F alors qu’ils en réclament 6500, 30h alors qu’eux revendiquent 35h, revendiquer la violence contre leur pacifisme... cela ne suffit pas à définir un projet révolutionnaire. Les réformistes sont parfaitement capables, dans des conditions spécifiques, d’être très radicaux dans les mots d’ordres et les formes de lutte. Ce n’est que le travail politique, le travail d’organisation indépendant, qui permet d’établir une délimitation correcte. Ce travail communiste indépendant est bien l’aspect principal de notre intervention politique.

582 - Une question d’analyse politique.

Nous ne refusons donc a priori aucune tactique, aucune forme d’intervention, dans la mesure évidemment où elle ne s’oppose pas à notre stratégie. Travail dans les syndicats ou les organisations de masses réformistes, ou à l’inverse création de nouvelles structures autonomes, participation aux scrutins électoraux professionnels ou politiques, interventions dans le domaine légal, par exemple dans la presse... aucun lieu de bataille n’est à rejeter par principe. Tout est question d’analyse politique à un moment donné, en fonction des objectifs de la révolution.

Nous rejetons, en tous cas, la position "puriste" qui refuse de se compromettre au nom de la domination du réformisme, et qui prétend par principe rester à l’écart des organisations que ledit réformisme contrôle. C’est d’abord une illusion, car le réformisme spontané existe indépendamment de ces organisations. C’est ensuite se couper de toute liaison avec les masses et de la possibilité d’en rallier une partie sur nos positions. C’est enfin largement sous-estimer l’importance de la lutte anti-réformiste dans la constitution d’une conscience de classe. Pour conclure : c’est manquer de confiance dans ses positions propres, face au réformisme.

590 - Nos principaux axes de combat

Cette plate-forme générale n’est pas le lieu de regroupement de l’ensemble des plates-formes de lutte que nous avons été amenés à élaborer, au fur et à mesure de la diversification de nos interventions et de notre élaboration. D’autant que cet ensemble resterait incomplet et encore largement à améliorer.

Néanmoins, l’activité que nous développons depuis quinze ans dans la lutte des classes nous a permis de définir quelques axes généraux d’intervention qui guident notre travail politique. Nous en avons déjà abordé certains au fil de ce document. Nous les regroupons ici.

On peut considérer que nos positions sont incomplètes. On peut prétendre que nous manquons de résultats. Tout cela est vrai. Mais malgré tout, malgré les erreurs que nous commettons et les difficultés que nous rencontrons, malgré nos limites... nous estimons que cet ensemble de positions nous démarque nettement ; qu’il forme un tout relativement cohérent. Il est le point de départ d’une tactique révolutionnaire pour la lutte des classes aujourd’hui.

591 - Le défaitisme révolutionnaire dans la guerre économique.

De la même manière que les conflits impérialistes avaient conduit les révolutionnaires à combattre pour la défaite de leur propre bourgeoisie, nous avançons une tactique similaire dans la guerre économique. En refusant le consensus compétitif capitaliste, nous contribuons à séparer nettement le camp ouvriers et le camp bourgeois. En refusant de combattre pour l’entreprise ou la nation, nous sommes amenés à avancer notre perspective révolutionnaire. Le défaitisme étroit conduit à l’impuissance et au découragement. Le défaitisme révolutionnaire dans la guerre économique affirme notre projet communiste et trace le chemin de l’avenir.

Par exemple, dans la lutte pour l’emploi, un des combats les plus difficiles aujourd’hui pour les ouvriers, nous refusons de nous situer sur le terrain du capital. Nous refusons la logique de la concurrence, le consensus compétitif, les contre-plans qui acceptent la loi du marché. Nous ne parlons ni potentiel industriel, ni flexibilité, ni rabaissement des revendications. Nous avançons nos perspectives : celle de la défense des intérêts ouvriers, sans nous soucier de la bonne marche de l’entreprise ou de la nation ; celle de la réduction du temps de travail, sans contrepartie, pour l’emploi, pour l’embauche des chômeurs...

Voilà qui ne va pas dans le sens de l’économie actuelle, c’est certain. C’est pourquoi nous parlons de défaitisme. Mais voilà qui va dans le sens de la société que nous voulons construire, sur la base d’une politique ouvrière. C’est pourquoi nous parlons de défaitisme "révolutionnaire".

Le défaitisme révolutionnaire est un axe général de combat dans la guerre économique, face aux restructurations, aux problèmes d’emploi et de chômage, à l’intensification de l’exploitation. Il ne peut s’appliquer mécaniquement à un combat particulier dans une usine, face aux attaques patronales. Une analyse précise est alors nécessaire pour le matérialiser, à travers une tactique adaptée à la fois à la nature de l’attaque et à la riposte ouvrière.

592 - Pour l’internationalisme prolétarien.

Nous reconnaissons le droit inconditionnel à l’indépendance des colonies. Nous revendiquons l’abandon de tous les intérêts français à l’étranger, le retrait de tous les soldats. Nous nous opposons sans aucune hésitation à toute intervention française à l’étranger, quelle qu’en soit la justification. Nous n’hésitons pas à contester les fabrications mêmes, dans les usines où nous travaillons, lorsque celles-ci sont l’enjeu d’une lutte politique ouverte. Exemple le boycott des productions pour l’Afrique du Sud.

Nous mettons toujours en avant l’unité internationale des ouvriers et des peuples contre l’ennemi commun : l’impérialisme.

Nous sommes particulièrement attentifs aux colonies de l’État français : Kanaky, Antilles, Guyane, Polynésie, Réunion... pour lesquelles nous revendiquons le droit à l’autodétermination sans aucune condition. Que cela remette en cause les frontières actuelles nous importe peu, dans la mesure où nous sommes pour l’abolition des frontières librement consentie.

La société à laquelle nous aspirons ne pourra se construire que sur la base de l’égalité des peuples et des nations. Cela se traduit dès aujourd’hui par des responsabilités particulières pour les militants des pays impérialistes, qui doivent dénoncer et combattre les méfaits de la politique du gouvernement de leur pays.

593 - L’unité de la classe ouvrière multinationale de France.

Nous combattons pour l’égalité des droits sans aucune restriction, pour la libre circulation des travailleurs, pour le droit d’asile, pour la régularisation de tous les clandestins, pour l’unité dans le combat anti-impérialiste contre les ennemis communs. Le fait d’avancer ces mots d’ordres, parmi les plus anciens de Voie Prolétarienne, relève de plusieurs soucis. D’abord, constituer le camp du prolétariat multinational de France, et le renforcer en combattant ses divisions. Ensuite, affirmer l’orientation nettement anti-impérialiste de notre projet, en rupture avec les orientations chauvines qui sévissent depuis des décennies dans le mouvement qui se réclame du communisme, en particulier dans notre pays. Enfin, assurer une éducation politique autour de l’abolition des frontières et de la fusion des nations.

Vis à vis de nos camarades immigrés, nous avons une double responsabilité. D’une part, promouvoir leur participation à la lutte des classes en France, à égalité avec les ouvriers français. D’autre part, prendre en compte leur situation dans le pays d’origine, ce qui nécessite un travail particulier. L’équilibre entre ces deux types de tâches est difficile à trouver, et nous n’avons pas échappé à certaines erreurs. Nous avons par exemple négligé, au début de notre activité, le travail spécifique par rapport aux pays d’origine, prêtant le flanc à une critique de chauvinisme sous-jacent. Partiellement corrigée depuis, à propos du Sénégal, plus récemment de la Turquie, nous savons que la mise en oeuvre d’une politique correcte est compliquée, et qu’elle dépend en particulier de l’existence ou non d’organisations communistes dans les pays d’origine. Leur absence, par exemple en Algérie, rend ce travail encore plus difficile.

C’est un véritable internationalisme que nous devons faire vivre, à la fois contre le courant chauvin hexagonal, qui en reste à la lutte des classes en France, et contre le courant nationaliste immigré, qui se cantonne à la lutte des classes dans le pays d’origine. Si la meilleure éducation politique et idéologique se fait dans la lutte des classes là où on se trouve, cela ne peut se faire que dans le cadre d’une vision internationaliste du combat communiste.

594 - Du temps libre, pour l’émancipation des travailleurs.

La tendance générale du capital est de s’approprier les hausses de productivité en réduisant les ouvriers au chômage ou au sous-emploi. Notre combat pour le temps libre, pour la réduction massive du temps de travail, consiste en premier lieu en une riposte sur ce terrain. Il s’agit de récupérer à notre profit ce temps libre, dégagé par

le renforcement de notre exploitation. C’est, en outre, la seule riposte qui permette de faire l’unité entre travailleurs et chômeurs.

Mais la lutte pour le temps libre, c’est plus globalement la lutte pour que les ouvriers reprennent le contrôle de leur vie, pour le refus de la soumission renforcée à l’exploitation et à la machine.

La lutte pour le temps libre, c’est la lutte contre le travail capitaliste lui même : contre la chaîne, la parcellisation, la répétition ; contre la séparation entre tâches de conception et tâches d’exécution ; c’est la critique des rapports de production capitalistes ; c’est aussi la lutte sur le contenu du temps libre, contre les pseudo loisirs abrutissants ; pour l’éducation politique en vue de notre libération ; c’est la lutte pour un temps libéré, au travail comme en dehors, l’activité humaine devenant une activité politique globale pour maîtriser notre vie.

C’est dans cette perspective que nous avions avancé, il y a quelques années, l’axe général : "Travailler tous, travailler moins, travailler autrement". Il a entraîné quelques ambiguïtés dues au flou du terme "autrement". Que ce soit l’acceptation de la flexibilité, du temps partiel, de la modulation, etc., ou bien la valorisation des coopératives ouvrières, les SCOP chacun a pu se retrouver derrière ce terme, y compris les pires réformistes, comme la CFDT ou les alternatifs. Nous mêmes n’avons pas échappé à la confusion, puisque certains parmi nous ont dérapé sur ces positions.

Derrière la formule "travailler et vivre autrement", qui mériterait donc une autre formulation, se retrouvent, de notre point de vue, la critique des rapports de production capitalistes, mais aussi la conception de la construction de l’organisation communiste et des organisations de masses, seuls moyens de vivre "autrement" aujourd’hui.

595 - Quelle production ?

Dans le combat autour des restructurations, nous avons été confrontés aux revendications chauvines et corporatistes de défense de l’entreprise, ou de telle ou telle production. Or, le capitalisme, c’est aussi des armes contre les peuples dominés, des produits pour les dictatures, des gaspillages éhontés, des productions parfaitement inutiles socialement... tout cela fabriqué dans les usines où nous travaillons. C’est autour d’un transformateur destiné à une centrale nucléaire pour le régime de l’apartheid que nous avons le plus travaillé à ce propos.

Rester silencieux sur cette réalité, c’est avaliser le système ; c’est renoncer à remplir notre tâche d’éducation sur les transformations que nécessite la libération pour laquelle nous combattons ; c’est laisser prendre les décisions par les experts, aujourd’hui et demain ; ne pas prendre nous-mêmes en charge la conception de la société que nous voulons. La critique est indispensable ; et lorsqu’un combat politique peut être engagé, il doit l’être, même à contre-courant.

Mais la critique ne doit pas nous réduire à l’impuissance quand il s’agit de défendre les ouvriers de ces usines. S’ils doivent critiquer telle ou telle production qu’on leur demande de réaliser, ils ne sont nullement responsables des choix politiques et économiques faits par les monopoles et le gouvernement. Nous refusons ainsi la caricature des positions anarchistes qui refusent de défendre les ouvriers des industries d’armement confrontés aux restructurations et aux licenciements.

Critique de l’impérialisme à travers la nature de la production, critique de l’exploitation... c’est par ces deux biais que nous pouvons faire avancer la conscience et la prise en compte des objectifs que nous poursuivons. Mais ce combat doit rester cohérent avec l’analyse que nous faisons du capitalisme, et de l’impossibilité de le réformer. Jamais nous ne devons tomber dans des contre-propositions illusoires. Nous devons toujours clairement délimiter la politique ouvrière.

596 - Verts parce que rouges.

La critique approfondie du capitalisme nous a conduits à prendre position sur le développement du nucléaire, et à dégager ainsi une démarche par rapport aux préoccupations écologistes.

Les catastrophes industrielles à grande échelle se sont multipliées ces dernières décennies. Elles ont provoqué une prise de conscience qui est à la base du succès écologiste. Les milliers de morts de Bhopal en Inde, des catastrophes de Mexico ou de Guadalajara, Tchernobyl et Three Miles Island, les déchets toxiques transférés clandestinement dans les pays dominés transformés en poubelles, les catastrophes ferroviaires et maritimes, l’extension de la pollution sous toutes ses formes... ont ouvert les yeux sur les risques de destructions massives qui pèsent sur l’humanité entière. Elles ont contribué à remettre en cause le modèle d’industrialisation actuellement dominant.

Mais le plus souvent, cette critique en reste au niveau des abus, des excès du système. Or ces catastrophes ne sont que des conséquences du mode d’accumulation capitaliste, de la domination impérialiste, de la recherche de

nouveaux débouchés pour un capitalisme en crise, et de la course effrénée à la compétitivité dans la guerre économique mondiale. Ce n’est nullement le progrès, en tant que tel, qui en est la cause, mais bien les règles du marché, la loi du profit et la concurrence capitaliste.

Le problème n’est pas qu’on touche à la nature, qu’il faudrait en quelque sorte "préserver". L’homme ne s’est-il pas détaché de l’animal précisément en transformant la nature ? La question, c’est que la transformation inévitable de la nature doit être au service des êtres humains, actuels et futurs, et non pas au service de l’accumulation du capital. Seul le bouleversement des règles du jeu économique peut permettre le développement à long terme d’une conception durable, économique, anti-gaspillages, renouvelable... de l’utilisation des ressources de la planète.

Nous ne sommes pas anti-nucléaires par opposition générale au progrès. Nous ne le sommes pas non plus par une quelconque peur irrationnelle de l’atome. Nous sommes anti-nucléaires dans la mesure où le développement, civil comme militaire, de cette branche technique, industrielle et économique, s’est fait sur la base des impératifs impérialistes. Gigantisme et concentration, militarisation de la société, problèmes de sécurité non résolus, déchets de longue durée, principes techniques qui entraînent un processus productif très rigide, et par conséquent des gaspillages phénoménaux, du fait de l’impossibilité d’arrêter les centrales... Le développement de l’industrie actuelle obéit avant tout aux impératifs de l’accumulation capitaliste. Ce n’est pas spécifique au nucléaire. Mais cela atteint, avec celui-ci, une dimension encore jamais vue.

Ce que nous contestons, ce ne sont pas seulement les conséquences et les risques de cette industrie. C’est là qu’en restent les écologistes. Ce que nous récusons, nous, c’est un mode d’accumulation du capital symptomatique de l’époque de l’impérialisme. Et c’est là le sens que nous voulons donner à notre participation à ce combat anti-nucléaire.

Nous nous démarquons à la fois des courants écologistes et alternatifs, qui en restent à la critique des conséquences du nucléaire sans remettre en cause le capitalisme, et des courants "productivistes", comme le PCF et Lutte Ouvrière, qui parlent du "progrès" en général. Ces derniers défendent le nucléaire de ce point de vue, et considèrent qu’il suffit de changer quelques dirigeants à la tête de l’État pour résoudre le problème.

597 - Le combat salarial.

Nous appelons à définir les revendications salariales sans souci de la bonne marche de l’économie capitaliste. Nous contestons la hiérarchie actuelle des salaires et des revenus. C’est à partir des besoins ouvriers, tels qu’ils s’imposent dans cette société, que nous fixons nos exigences : un salaire minimum conforme à ces besoins, y compris pour les chômeurs.

Nous nous opposons bien sûr à la charité du RMI, votée par tous les partis. Nous réclamons un plafonnement par le haut, dans les revendications salariales, pour limiter la hiérarchie. L’égalité réelle des salaires entre hommes et femmes, afin d’assurer l’indépendance économique de ces dernières. Il ne s’agit pas de surenchérir sur le montant des salaires par rapport aux organisations réformistes. Il s’agit d’une opposition de fond, qui recouvre la soumission ou le refus, face au marché et à la concurrence.

Ainsi, nous avançons des axes de lutte unifiants, nous clarifions les alliances et leur contenu, et nous éduquons dans le sens d’une nouvelle société, où la hiérarchie des salaires sera remise en cause.

L’abolition du salariat n’est pas un axe de lutte, contrairement à ce que pensent les courants anarchistes. C’est la perspective générale de notre combat. Il faut d’ailleurs en critiquer l’abandon par les réformistes, comme la CGT qui a retiré cette référence de ses statuts. Tenter d’organiser les gens sur la base de l’abolition du salariat est complètement abstrait. Cela revient, en fait, à abandonner la lutte sur ce terrain. Au mieux, on aboutit à réduire la classe ouvrière à l’impuissance dans ce domaine. Au pire, on débouche sur le développement d’aspirations réactionnaires à l’artisanat. Toutefois, cette perspective générale est un des facteurs qui nous guident dans le choix et la formulation des revendications salariales.

598 - Le droit au logement.

La ville et les cités sont l’enjeu de restructurations massives, sur la base de la rénovation et de la spéculation. Les artisans de ces politiques sont, d’une part, les promoteurs, et, d’autre part, les municipalités. De droite comme de gauche, du RPR au PCF, celles-ci réagissent en bons gestionnaires du capital. Dans les rénovations, en particulier, elles sont toutes complices pour chasser les ouvriers et faire la cour aux couches solvables : fonctionnaires et petit-bourgeois.

Quotas par nationalités, quotas par revenus... elles sont toutes d’accord pour chasser les ouvriers chômeurs ou immigrés, les précaires, les bas salaires, les familles nombreuses, etc... considérés comme la cause de leurs problèmes sociaux et financiers.

Si les artisans de cette politique anti-ouvrière se trouvent du coté des promoteurs, des marchands de bien, des municipalités et des différents gestionnaires d’offices de HLM, le véritable chef d’orchestre en est l’État. Durant les années de croissance, il avait choisi d’enrayer la spéculation par une politique de logement social. Depuis l’ouverture de la crise, les gouvernements qui se succèdent favorisent au contraire la montée du prix des loyers, en vue de relancer le secteur du bâtiment. Côté logement privé, c’est la libération du prix des loyers, et la disparition des loyers régis par la loi de 1948. Côté logement social, c’est la réduction des subventions, l’érosion de la contribution patronale, l’instauration de sur-loyers, la démolition de bâtiments, etc...

Nous combattons cette politique de rénovation urbaine, qui se fait une fois de plus sur le dos des exploités. Nous revendiquons un logement décent pour tous. Ce combat s’est cristallisé, ces derniers temps, dans les réquisitions populaires de logements vides.

Nous combattons les quotas. Nous luttons pour l’égalité complète entre ouvriers français et immigrés, entre chômeurs et actifs. La politique discriminatoire pratiquée par les agences ou par les offices de HLM, aboutit à exclure du logement, de façon plus voyante, les communautés immigrées, africaines en particulier. Mais si il est juste de se battre contre l’oppression spécifique qu’elles subissent, il est faux d’en faire l’axe principal de bataille. Une telle attitude isole leurs luttes et aboutit aujourd’hui à une impasse.

Aboutit également à une impasse, la politique qui consiste à solliciter un soutien humanitaire, à privilégier l’appel aux personnalités, aux médias, aux responsables politiques ou aux associations caritatives. La seule démarche qui permette de déboucher est celle qui consiste à construire une solidarité réciproque entre tous les travailleurs attaqués dans leur droit au logement : sans logis, mal logés, locataires de HLM victimes des hausses de loyer... Il s’agit de constituer, sur le problème du logement, une véritable solidarité de classe qui intègre toutes les spécificités.

Nous contestons les cités, stocks pour la reproduction de la force de travail ouvrière. Nous récusons, plus généralement, la division de l’espace urbain entre usines, quartiers bourgeois et cités populaires. Mais l’articulation de nos luttes tactiques au programme concret de la révolution sur cette question reste insuffisante.

599 - Pour l’auto-organisation et l’indépendance.

Nous nous battons pour l’auto-organisation des travailleurs, en assemblées générales, comités de grèves, etc... qui aient un caractère décisionnel. Nous luttons contre la délégation de pouvoir aux experts, syndicalistes ou militants ; contre l’assistanat des "souteneurs" professionnels... pour que dès aujourd’hui les exploités apprennent à prendre leur vie en main, qu’ils ne soient plus les OS de la vie.

Pour autant, nous ne nions pas le rôle spécifique des révolutionnaires et de l’avant-garde. Nous devons prendre nos responsabilités, et jouer le rôle de direction qui est le nôtre, sous peine de laisser le champ libre aux réformistes ou à toutes sortes de manipulateurs. C’est une contradiction permanente, difficile à maîtriser.

Ce rôle dirigeant doit constamment être vérifié dans la pratique auprès des masses. Il doit être régulièrement remis en cause, pour s’assurer que l’orientation proposée correspond effectivement à leur volonté. En ce sens, la démocratie prolétarienne, les assemblées générales souveraines, le débat politique de fond, les représentants élus et révocables à tout moment... sont des moyens parmi d’autres d’éviter ces manipulations.

Nous refusons toute soumission aux règles du jeu élaborées par nos exploiteurs ; au légalisme et au pacifisme, par exemple. Nous définissons nos formes de lutte en rapport avec les enjeux auxquels nous sommes confrontés, avec l’ampleur de l’attaque bourgeoise... en fonction de l’état d’esprit des masses et de nos capacités d’organisation. Car c’est à nous de définir comment nous voulons nous libérer. Sûrement pas en acceptant des règles élaborées par nos exploiteurs pour se maintenir en place.

600 - La lutte contre le réformisme : condition de l’indépendance ouvrière.

L’indépendance de la classe ouvrière se conquiert dans la lutte politique contre la bourgeoisie, sur des objectifs conformes aux intérêts des ouvriers. Cela conduit inévitablement à l’affrontement avec le réformisme.

Dans tous les combats de la classe ouvrière, et plus largement dans ceux que mènent les exploités, orientations réformistes et orientations révolutionnaires

s’affrontent. C’est inévitable, du fait que le réformisme surgit spontanément dans les consciences sous l’influence des rapports de production capitalistes.

Dans le travail de masse, on ne peut pas contourner le réformisme. On ne peut soustraire les travailleurs à son influence en prétendant construire, "à coté" des organisations qu’il domine, une organisation "pure". Il faut, partout, et en particulier dans les organisations de masses, chercher à détruire son influence en défendant les véritables intérêts de classe, et par la polémique politique. Car cette influence n’est pas le fruit d’une manipulation, ou de la faiblesse des révolutionnaires, mais celui du réformisme spontané des masses en période non révolutionnaire. Seul le travail politique de fond peut la faire reculer.

La variante social-démocrate traditionnelle du réformisme est, pour l’instant du moins, complètement discréditée. Le PS a largement perdu son crédit de parti de gauche démocratique. Les distinctions qui subsistent aujourd’hui avec la droite ne relèvent plus, pour les larges masses, que de différences au sein de la bourgeoisie.

Dès avant 1981, nous définissions les sociaux-démocrates comme des fonctionnaires du capital. Les faits l’ont vérifié.

Le PCF essaie d’enrayer son déclin en rassemblant les mécontents. Il reste influent dans la classe ouvrière. Alors que son projet pro-impérialiste se "libéralise" de plus en plus au niveau économique, il durcit ses positions d’un point de vue anti-démocratique, par exemple face à l’immigration. Le combat doit se poursuivre contre lui, en tant que parti bourgeois, et contre l’influence chauvine qu’il conserve dans la classe ouvrière.

Surgissent maintenant de nouveaux courants réformistes, écologiste et alternatif. Dans leurs différentes variantes, il ne s’agit que d’un nouveau courant réformiste, qui se construit en prenant appui sur la sensibilité de l’opinion à la dégradation du cadre de vie sous l’effet du capital. Le discrédit politique des anciens partis donne à ce projet un certain avenir ; éventuellement même dans le cadre d’une recomposition avec le PS. Il n’est pas évident qu’il morde sur la classe ouvrière. Déjà,

les courants écologistes se sont fait remarquer par diverses prises de position : acceptation du contrôle de l’immigration, ambiguïtés sur le Front National, tolérance vis à vis du nucléaire au nom du réalisme et de sa place dans la société, silence par rapport à l’emploi, etc...

Les diverses tentatives de regroupements à "la gauche de la gauche", à partir des opposants du PS, du PC et des restes de l’extrême-gauche : LCR, AREV... n’ont pas réussi à déboucher électoralement. Le contenu politique de cette ambition de rassemblement des militants, ou ex-militants, sur une base minimale, est constamment en recul, sous la pression de l’idéologie bourgeoise. Ce projet tente de regrouper sans établir une base sérieuse de rupture avec le capitalisme. Pas du tout révolutionnaire, encore moins communiste : il ne s’agit ni plus ni moins que de reconstituer un courant réformiste radical, à l’image du PSU des années 60/70. Toutes les tentatives passées, comme la candidature de Juquin aux présidentielles de 88, ont capoté sitôt confrontées aux premières difficultés et contradictions.

Les Verts, qui pouvaient apparaître comme moins politiciens, plus ouverts aux réalités, avec une vision plus globale... sont aujourd’hui notoirement englués dans l’électoralisme et dans la quête de places au sein de l’appareil d’État. Le fait de nier les racines capitalistes des maux qu’ils dénoncent les pousse vers des positions

réformistes de plus en plus avérées, vers l’union des classes sur des objectifs réalistes.

Mêmes les courants les plus à "gauche", qui lient les problèmes écologiques aux problèmes sociaux, nient l’impérialisme en tant que mode de production, de même que la lutte des classes, et refusent le principe même de l’établissement d’un pouvoir des travailleurs. Politiquement, ils restent dans le cadre réformiste des Verts, malgré les quelques réformes radicales dont ils parent leur drapeau : remise de la dette, marche vers les 30 heures de travail hebdomadaire, lutte contre la division sociale du travail... Cela ne constitue guère plus que l’actualisation de l’éternelle problématique réformiste : se débarrasser par la douceur des tares du système capitaliste. Le tout à la sauce années 90 : refus de l’idéologie, du socialisme, de la violence... remplacés par le respect de la nature, des valeurs, l’égalité des citoyens face aux nuisances, la société globale... et autres refuges de l’idéologie petite-bourgeoise.

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