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Nepal : Femmes en lutte

Partisan N°245 - Février 2011

Interview d’une dirigeante de l’Association des Femmes du Népal (liée au Parti communiste maoïste)

Partisan : En quoi consiste la libération de la femme aujourd’hui au Népal après la lutte victorieuse contre la monarchie et les féodaux ?

J’aimerais, au nom de notre peuple et de notre organisation, vous remercier d’être venus nous rencontrer. Comme vous le savez, la question de la libération de la femme est fondamentale pour nous depuis le tout début. Les femmes font partie des plus démunis et des plus opprimés de nôtre société. Les femmes sont traitées comme des citoyens de seconde zone depuis toujours dans notre pays. Elles ne sont pas du tout au niveau des citoyens hommes.
C’est pourquoi nous avons avancé le slogan des droits politiques pour les femmes. Cela signifie leur participation égalitaire à tous les organes de pouvoir politique d’Etat. En premier lieu, la participation proportionnelle des femmes. En second lieu, les femmes n’ont pas de droits de propriété. C’est seulement maintenant qu’elles commencent à en avoir, mais pas encore dans les faits.
C’est pourquoi notre deuxième revendication est de donner l’égalité des droits entre hommes et femmes. Après la guerre populaire, ce droit doit être inscrit dans la constitution.
En troisième lieu, nous nous battons pour l’égalité des droits économiques et sociaux.
Et en quatrième lieu, les femmes ne peuvent pas transmettre à leurs enfants leur droit à une carte d’identité. Dans le passé, les enfants n’avaient le droit à une carte identité que si elle était transmise par leur père. Une personne qui n’avait pas de père ne pouvait pas avoir de carte d’identité, carte nécessaire pour obtenir un travail légal, pour toute démarche administrative, pour pouvoir aller à l’étranger, etc. Maintenant, après la guerre populaire, cela est inscrit dans la Constitution transitoire.
En ce qui concerne la participation des femmes au parlement, elle n’était, dans le passé, que de 5%. Mais après 10 ans de guerre populaire, nous avons réussi à ce que cela passe à 33% dans cette Assemblée constituante. Et nous revendiquons la représentation proportionnelle des femmes, en proportion de ce qu’elles représentent dans la population.

Parmi les autres questions du mouvement des femmes, nous combattons aussi pour le droit à la santé, pour l’éducation, pour le droit au travail, à la sécurité sociale, et à la libération des tâches domestiques, du foyer. Tout cela doit aussi être inscrit dans la nouvelle constitution à venir pour laquelle nous combattons.
Les raisons pour lesquelles les femmes rencontrent ces problèmes dans notre société sont idéologiques : c’est un état d’esprit féodal et patriarcal. C’est pour cela que les femmes n’ont pas l’égalité et qu’elles sont traitées comme des sous-citoyennes. Nous combattons contre l’état d’esprit féodal et patriarcal, ainsi que contre le pouvoir politique d’Etat qui entretient cet état d’esprit et cette culture.
Dans le champ de l’idéologie, nous sommes toujours dans une société semi-féodale avec sa structure sociopolitique et économique. Donc il s’agit d’un combat non seulement contre le pouvoir d’Etat, mais aussi contre les hommes eux-mêmes, d’autant que la plupart des politiciens sont des hommes. Enfin, même les politiciennes sont dans ce type d’état d’esprit féodal, et il faut aussi combattre cela pour arracher les femmes à cet état d’esprit et à ces pratiques.

Mais comment vous y prenez-vous pour avancer dans ce sens ?

Il n’y a pas que le mode de pensée féodale dans la société, il y a aussi un mode de pensée capitaliste qu’il faut combattre, avec les associations de femmes. La lutte est interne et externe.
En interne, nous essayons d’élever le niveau de conscience des femmes par la formation. En externe, nous prenons part à différents mouvements, manifestations, où les femmes peuvent comprendre ce qui est juste et ce qui est faux. Par exemple, dans la lutte des classes, les femmes avancent leurs revendications, leurs slogans, dans les manifestations de rue…

Auriez-vous un exemple récent à nous donner ?

Pour la représentation proportionnelle des femmes, nous avons manifesté dans les rues, nous avons organisé des sit-in, et nous avons aussi encerclé et mis sous notre contrôle des préfectures de districts. D’autre part, il y a eu un cas de viol. Pour punir les coupables, nous avons encerclé les bureaux de 75 préfectures et nous avons manifesté dans tout le pays.
Je me souviens que pendant la guerre populaire, lorsque quelqu’un causait un tort grave à des femmes, nous l’amenions à présenter ses excuses en répondant aux critiques devant les masses.

Après la guerre populaire, avez-vous obtenu d’autres lois, d’autres droits ?

La question principale pendant la guerre populaire a été d’élever le niveau de conscience des femmes, pour qu’elles ne se cantonnent pas à leur foyer, qu’elles en sortent. Pour qu’elles puissent devenir des dirigeantes, des combattantes, des travailleuses, pour qu’elles prennent confiance en elles-mêmes et qu’elles puissent lutter pour leurs droits, politiques, économiques et socioculturels. Par exemple, des maris battaient leurs femmes dans le passé, mais ce n’était plus possible pour aucun d’entre eux pendant la guerre populaire.
Mais maintenant, durant cette période de paix, nous n’avons pas pu écrire tous ces acquis dans la loi. Alors il y a un doute parmi nous : comment se fait-il que cela n’a pas été possible ? En fait, il y a encore beaucoup d’obstacles : les vieilles conceptions féodales, les personnes qui les portent, et un pouvoir d’Etat réactionnaire. C’est pourquoi la lutte continue pour inscrire dans la nouvelle constitution tous les droits des femmes.

Quel est le programme des maoïstes pour les femmes en matière d’éducation, de mariage, de divorce, de prostitution, de dépendance économique, d’égalité des salaires à travail égal ?

Les revendications concrètes des femmes ont émergé d’abord à la campagne pendant la guerre populaire. Alors les femmes nous ont rejoint, et leur participation a augmenté jour après jour. Dans certains districts, il y avait plus de femmes dans le mouvement révolutionnaire que d’hommes. Il y en avait en moyenne 40% pendant la guerre populaire, et cela continue. Parmi les travailleuses à temps partiel, il y en avait 60%, et parmi les travailleuses à temps complet, 30%.

La politique du Parti maoïste, c’est de fournir une éducation gratuite. Concernant le mariage, pour qu’il se fasse sur la base de l’amour. Le divorce est accordé si les deux personnes n’ont plus d’amour l’une pour l’autre et sont d’accord pour divorcer. En ce qui concerne la prostitution, c’est de l’interdire.
La question de l’indépendance économique, c’est la question principale. Si cette question est résolue, alors la femme peut devenir libre. C’est pourquoi la politique du parti est de rendre les femmes prêtes mentalement à devenir indépendantes. Le reste n’est qu’une question technique, et cela peut être fait. Si l’Etat fournit aux femmes les moyens de s’émanciper économiquement, alors elles peuvent facilement résoudre le problème. La politique de l’Etat doit leur donner les mêmes droits dans le domaine économique, alors les femmes pourront facilement devenir indépendantes et s’émanciper. C’est ce pour quoi nous combattons.

Participez-vous à des rencontres internationales d’associations de femmes ? Avez-vous une expérience à partager avec les femmes du reste du monde ? Participerez-vous à la conférence mondiale des femmes qui aura lieu à Caracas en mars 2011 ?

J’ai participé à une Conférence au Bengladesh sur ce sujet. Les femmes présentes étaient d’accord sur les problèmes, qui sont les mêmes dans le monde entier. Mais il n’y avait pas d’unité sur la façon de les résoudre, sur la solution à y apporter. Certains étaient pour une solution socialiste, d’autres pour une solution capitaliste. J’ai trouvé que les participants n’étaient pas d’accord sur le fait qu’il y a une relation entre la question des femmes et le pouvoir politique d’Etat. Que le problème ne concerne pas uniquement les femmes. Les solutions proposées étaient réformistes et ne reposaient pas sur la lutte des classes. Les femmes ont besoin de débats pour aboutir à la position qu’il s’agit d’un problème de classe et que les questions féministes doivent faire partie de la lutte des classes. C’est une question de lutte de classes et de pouvoir politique d’Etat. C’est seulement avec cela que les femmes pourront être libérées. Si on ne prend le problème que partiellement, la libération ne pourra pas être atteinte. En ce qui concerne la Conférence de Caracas, nous y prendrons part.

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