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Fralib : Comment lutter contre une délocalisation ?

Fralib, c’est une division du groupe Unilever, multinationale qui rayonne dans le domaine de l’agro-alimentaire et des soins à la personne et à la maison. Lipton, Amora, Maille, Carte d’or, Miko, Alsa, Cif, Skip, Omo, Axe, Signal… tout ça, c’est Unilever. 400 marques dans le monde !

A Gémenos, on fait l’ensachage de thés et infusions pour les marques Lipton et L’éléphant. Boulot que l’usine se partage avec une usine à Bruxelles et une autre à Katowice en Pologne. Vous voyez venir l’affaire : une banale histoire de délocalisation, fermer ici pour produire là-bas où la main-d’œuvre est moins chère. Tant d’usines Unilever ont déjà fermé en France : Royco, Amora, Maille… Banale restructuration que les ouvriers devraient accepter comme une fatalité. De toutes façons, on ne leur demande pas leur avis, les lois ne sont pas faites pour empêcher les exploiteurs d’exploiter comme ça leur chante ou presque.

Or, justement, les travailleurs à qui on ne demande pas leur avis ne sont pas d’accord ! Et même pas du tout ! C’est une boite combative.Nous avions parlé de leur grève de 8 semaines pour le rattrapage des salaires (n° 240, été 2010). Alors, depuis fin septembre 2010, quand la direction a annoncé sa volonté de jeter 182 travailleurs à la rue (moins les cadres sup, qui travaillent à fermer la boite), la lutte est menée par la CGT et la CGC. Sur plusieurs fronts :
- Contestation au niveau juridique. Après une victoire en février (la fermeture « constituerait un trouble illicite auquel il convient de mettre fin »), avec les mêmes arguments, le 3e jugement mi-juillet a donné complètement raison à la direction.
- 2e axe de lutte, le boycott. La mobilisation des salariés pour faire connaître leur lutte et gêner Unilever. Menée surtout en Provence et au Havre (ancienne usine Fralib fermée, 50 ouvriers de Gémenos en viennent). Mais la fédération CGT de l’agro-alimentaire doit élargir le boycott à la France entière.
- 3e axe. La mise au point dès février d’un contre-plan industriel : la reprise de l’usine, par un repreneur, la région ou en SCOP (société coopérative ouvrière de production), ce n’est pas figé. Et l’exigence qu’Unilever cède la marque Eléphant (fondée à Marseille il y a près de 120 ans, elle a été rachetée par Fralib il y a 40 ans).

La CGT est le seul syndicat ouvrier dans l’usine. Une forte équipe militante, entourée de sympathies actives pour faire front contre cette fermeture. Certains préféreraient toucher un pactole et partir se faire exploiter ailleurs (la direction s’en tient pour l’instant au minimum légal, ils ont du souci à se faire !). Mais la majorité soutient une solution collective qui vise à préserver l’emploi.

Notre soutien, et nos réserves

Vous connaissez toutefois nos réserves quant à la vieille « solution » du contre-plan : il s’agit de se placer sur le terrain du capitalisme (celui-là justement qui est la cause de la fermeture !) pour montrer que l’entreprise pourrait être viable gérée autrement. C’est la démarche adoptée par les camarades de Fralib, avec quelques atouts en main : Effectivement, la direction de Fralib a désorganisé la production depuis plusieurs années, pour justifier la délocalisation pour non-rentabilité ! Effectivement, la production auto-gérée ou avec un repreneur pourrait se placer sur un —créneau commercial de qualité et de proximité et peut-être tenir le coup industriellement. Ce sont ces atouts sur lesquels les militants de Fralib s’appuient (avec la demande de récupérer la marque Eléphant, ce qui semble très illusoire, même si Unilever l’a déjà accordé dans d’autres circonstances).

Sur le fond, on a l’affrontement de deux logiques :
- Celle d’Unilever, avec un patron particulièrement odieux dans le mépris des travailleurs qu’il doit jeter à la rue, qui ne se préoccupe que de sa rentabilité et ne lâchera de « social » que ce que la loi et le rapport de forces imposent.
- Celle des travailleurs qui veulent se défendre collectivement pour sauver leur emploi ou au moins faire payer cher à Unilever son mépris de leur vie. Nous sommes de leur côté bien sûr.

Cette lutte veut avec raison tirer les leçons des échecs des Molex, Conti et autres Netcacao. L’ancien Nestlé de Marseille, devenu Netcacao, est à quelques km, et vient de fermer après 5 ans de prolongation. La patronne de Netcacao a clairement dénoncé Nestlé comme les ayant fait chuter. Mais la fermeté des Fralib s’appuie sur une ligne qui, elle, n’est pas clairement anti-capitaliste. Elle se fait avec des refrains pas assez connus pour emmener les travailleurs dans des impasses :
- défense d’un « produisons français » édulcoré, avec des mots d’ordre comme « L’éléphant est français, il doit rester en Provence » ou « Produisons en France pour le marché français » ;
- confusion entretenue entre sauvegarde de l’emploi et défense de l’industrie, donc illusions sur la possibilité d’imposer durablement un capitalisme plus juste, moins financier, et contrôlé par les travailleurs ;
- défense d’un contre-plan qui dénonce une gestion pour le profit (« les actionnaires qui se gavent », c’est vrai), mais essaie de montrer une issue possible dans ce même cadre capitaliste.
- Tout cela fait que leur sort se décide aujourd’hui aux conseils général et régional (tenus par le PS), auquel ils arrivent à faire afficher un certain soutien, mais jusqu’où ira le PS face au groupe Unilever ?.
L’issue de la lutte est encore incertaine. Leur tenacité, leur mobilisation (pas facile de mener une lutte collective pour l’emploi aujourd’hui) peut leur permettre de gagner des victoires. Au patron qui avait envoyé un courrier en août proposant aux salariés de rester chez eux, ils ont imposé la poursuite de la production ! Maintenant, ils occupent. Allons les voir ! Soutenons-les ! La discussion sur leur tactique de lutte fait partie du soutien !

Correspondant VP

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