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Le socialisme : une question d’actualité

Partisan N°70 - Avril 1992

Autant l’accumulation des difficultés pour les travailleurs rend nécessaire et urgent un changement de société, autant celui-ci paraît aujourd’hui difficile et éloigné. A cause de la crise à l’Est, assimilée à tort à un échec du socialisme, à cause de l’absence d’un parti communiste capable d’expliquer et de faire vivre dans les luttes un "vrai socialisme". Le but de ce dossier est de montrer qu’on peut se battre pour le socialisme et construire une société sans exploitation.
Ce dossier est extrait de Partisan n°70 d’avril 1992.

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Où en sommes-nous ?

 

Le combat contre le capitalisme ne suffit pas : il faut sortir de cette société d’exploitation et d’oppression. Mais pour s’engager dans cette voie et pour se guider, if faut savoir où l’on va.

 

A l’Est, le rideau se déchire

 

Les Pays de l’Est se qualifiaient eux-même ; de "camp socialiste". C’est aussi ce que pensaient beaucoup de gens ici. Les réformes lancées par Gorbatchev et Eltsine ont aggravé leurs difficultés : inflation, chômage, inégalités, jusqu’à des risques de famine pour les plus pauvres. Ils se rapprochent davantage des pays du Tiers-Monde que des pays occidentaux.

 

Mais déjà avant il y avait de gros problèmes ; un Parti et un État bureaucratiques, opprimant et réprimant le peuple ; un niveau de vie faible que ni le retard par rapport aux autres pays au début du siècle, ni l’effort de 39-45, ne suffisent à expliquer. L’URSS développait un arme-ment moderne, faisait des expériences spatiales, construisait des centrales nucléaires : tout l’effort portait sur ces secteurs, au détriment du niveau de vie. Il y a eu des désastres écologiques (Tchernobyl, mer d’Aral), les conditions de logement et de travail étaient pénibles.

 

La couche de dirigeants qui s’est accaparé le pouvoir a imposé au pays une politique de grande puissance avec, comice conséquence, un faible niveau de vie pour la population. En même temps, elle s’octroyait de plus en plus de privilèges (magasins réservés, revenus élevés).

 

Tout cela nous a fait dire depuis long-temps que ces pays n’étaient pas socialistes. Avec la reconstitution à travers le Parti et l’État d’une nouvelle bourgeoisie, ils étaient redevenus des pays capitalistes. Les réformes et la crise à l’Est ne sonnent donc pas la fin du socialisme. Pourtant il y a eu jusqu’au bout une confusion entre ces régimes et le socialisme.

 

La bourgeoisie s’en servait : elle mettait l’accent sur la répression, sur la faiblesse du niveau de vie, sur la bureaucratie pour déconsidérer le socialisme.

 

Les ouvriers y ont cru longtemps : parce qu’ils ont besoin d’une autre société, parce qu’ils voyaient des pays sans patrons, avec un État et un Parti qui parlaient en leur nom, avec plus de justice sociale. Les attaques de la bourgeoisie ne faisaient que conforter leur sympathie pour ces pays.

 

Ces aspirations ouvrières étaient justes et sont toujours vraies ; mais elles ont été trompées. C’est cela notre critique, qui n’a rien à voir avec celle de la bourgeoisie (qui, de plus, n’a aucune leçon à donner en matière de répression, de bureaucratie et de misère), que ce soit sur la démocratie, sur le rôle du parti ou sur l’économie.

 

A l’Ouest, toujours la même galère

 

Aujourd’hui la bourgeoisie crie victoire et voudrait enterrer le socialisme. Mais la voilà clairement responsable de tout ce qui se passe dans le monde et ce n’est pas joli.

 

Dans les pays dominés : misère, famines, chômage massif, dette catastrophique, guerres orchestrées par les grandes puissances et interventions militaires directes (Panama, Golfe), répression des révoltes (Amérique centrale et du Sud, Afrique).

 

Dans les pays capitalistes développés, la vie est moins difficile, en partie justement à cause du pillage des pays dominés. Mais la liste est longue aussi de ce que nous devons subir sous prétexte de guerre économique : chômage, précarité, flexibilité, blocage du pouvoir d’achat, difficultés de logement, remise en cause des retraites et de la couverture sociale, pollution ... Tout cela au nom de la rentabilité du capital. Il faut ajouter le racisme encouragé par toue les partis, les magouilles politiques et financières, et on comprend que beaucoup de gens soient dégoûtée !
La centralisation dans ces pays des industries et des richesses fait encore illusion, mais les problèmes s’aggravent et s’étendent partout. C’est un véritable recul des conditions de vie et de travail que nous subissons au nom de la guerre économique. Et on n’en voit pas la fin.

 

On en vient à s’inquiéter pour la survie de la planète, ses équilibres écologiques et l’épuisement de ses ressources. Seulement deux siècles de capitalisme pour en arriver là ! Le progrès technique est important mais il profite surtout à une classe qui n’est même pas capable de le maîtriser, et il se retourne contre nous tous. Le sentiment est fort chez de plus en plus de gens qu’il faut arrêter cette logique infernale, qu’il faut tout changer.

 

Mais est-ce possible, et comment ?

 

Ni la jungle, ni le zoo dit Jean Ferrat. Ni le règne du plus fort, ni la cage dans laquelle on attend qu’on règle notre vie. Est-ce qu’il y a moyen de ne plus subir et de prendre nos affaires en main ? Est-ce qu’il est possible d’avoir d’autres rapports sociaux, d’autres relations entre les peuples ? Est-ce qu’on a une idée sur la façon d’y parvenir ?

 

On ne part pas de zéro

 

Il y a eu des tentatives qui, même si elles n’ont pas abouti ou si elles n’ont pas duré jusqu’à aujourd’hui, nous apportent des enseignements. La Commune de Paris en 1871 a montré que les ouvriers pouvaient créer un nouvel État, qui soit entre leurs mains et leur permette de diriger la société. mais ils n’ont pas pu prendre véritablement le pouvoir. La Révolution de 1917 en Russie a montré qu’il était possible de prendre le pouvoir et de commencer à construire le socialisme. La Révolution Culturelle en 1966 en Chine a montré qu’il fallait poursuivre la lutte pendant le socialisme pour éviter que les cadres et les représentants du peuple ne s’approprient le pouvoir et qu’il fallait changer en profondeur les rapports sociaux, notamment dans la production.

 

Ce qui se passe à l’Est ne remet pas cela en cause. Et ce qui se passe aujourd’hui dans le monde rend nécessaire et urgent un changement de société.

 

Il y a beaucoup de choses positives que l’on peut dire à partir des expériences socialistes, et nous continuons à y réfléchir tout en menant notre combat contre le capitalisme. Il n’y a pas de voie toute faite ; mais on ne part pas de zéro.

 

On se fera toujours avoir !

 

Chaque fois qu’on revient sur le bilan des événements à l’Est, les espoirs déçus du socialisme, c’est ça qu’on entend. "On se fera toujours avoir..."
D’abord, il y en a qui sont bien contents de nous entendre dire cela, ce sont les exploiteurs. Car cela mène à quoi ? A faire le gros dos, à tout encaisser, ou au mieux à se défendre (au moins pire !) mais toujours avec les règles du jeu des bourgeois, celle du capitalisme et de l’exploitation.

 

Première conclusion : reste-t-on comme ça, dans cette situation d’impuissance où nos exploiteurs veulent nous enfermer ?
Évidemment ça n’est pas une solution ! A partir de là, si (comme la plupart des ouvriers et des exploités), on trouve que la vie d’ouvrier n’a rien d’enviable, on est bien obligé de regarder la réalité en face et de se poser la question de comment changer.
Il faut faire le bilan des expériences dans les pays de l’Est et ailleurs, il faut comprendre ce qui n’a pas marché. Comment les révolutions n’ont pas réussi à durer et ont été soit écrasées dans le sang, soit se sont transformées en nouvelles dictatures exploiteuses.
Finalement le mouvement ouvrier n’a que deux cents ans d’existence plus ou moins organisée... Qu’est-ce que c’est au regard de l’histoire de l’humanité ?
Renoncer cause de ces échecs c’est déjà se faire avoir. Que l’on fasse le gros dos et on laisse le champ libre aux bourgeois pour décider de notre vie. Qu’on en reste à la lutte de résistance et l’exploitation continue.
Rien n’est écrit à l’avance. Il faut inventer nos propres solutions, par exemple voir ce que veut dire faire la révolution dans un pays impérialiste fort avec des avantages, comme un niveau développé des sciences, des techniques et des formations ; mais aussi des habitudes et une consommation profondément modelés par l’impérialisme. Ça n’a jamais eu lieu, à nous d’élaborer. Il n’y a pas de recette magique. Pas de garantie, justement parce que l’avenir n’est pas écrit et dépend de nous. C’est sûr qu’après les expériences à l’Est on souhaiterait tous éviter les échecs, savoir à coup sûr qu’on est dans la bonne direction. Ça ne marche pas comme ça. Il faut se prendre en mains, il faut construire et avancer ensemble.

 

On a l’expérience positive et négative du passé. Si rien n’est écrit pour le futur, il y a déjà eu des expériences dans le passé. Négatives, on ne parle que de ça en ce moment... Mais aussi positives, présentées dans ce dossier.

 

Voilà les quelques points de départ pour envisager l’avenir et refuser la résignation.
"On se fera toujours avoir..." ? C’est certain si on laisse son sort dans les mains des exploiteurs, présents ou futurs. Il faut faire le bilan de l’histoire et écrire la nôtre, et pour cela il faut construire le parti, élaborer le programme qui nous sont nécessaires..

 

Une transformation progressive de toute la société

 

Une fois qu’elles ont pris le pouvoir, la classe ouvrière et les autres couches sociales qui participent à la Révolution se trouvent devant la tâche énorme de changer toute la société. Le capitalisme marque tous les aspects de la vie : le travail, la politique, l’éducation, les rapports femmes-hommes, l’urbanisme, les relations internationales...

 

Il faut passer d’une société où une minorité monopolisait le pouvoir et la gestion de toute l’activité sociale à une société où cela doit être l’affaire de tous.

 

Du jour au lendemain ce n’est pas possible. On peut chasser cette minorité du pouvoir, mais il faut du temps pour tous pour acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires pour gérer la société et avoir des rapports vraiment d’égalité.

 

Suffirait-il de nommer des ouvriers à la place des patrons et des dirigeants politiques ?

 

Cela pourrait changer un peu, pendant quelque temps. Puis à force de diriger, ils deviendraient eux aussi des spécialistes et prendraient des habitudes de commandement. Ils finiraient par imposer leurs décisions, persuadés qu’ils seraient de mieux savoir que les autres ce qu’il faut faire. Et de là à s’accorder des privilèges, à faire de l’État et du pays des instruments de leur puissance, il n’y a qu’un pas. On a vu cela dans les régimes de l’Est.

 

Peut-on, pour éviter cela, supprimer tout État, tout pouvoir, toute fonction de cadre ?

 

Il faudrait qu’en très peu de temps tout le monde acquiert les compétences nécessaires, soit motivé pour prendre ces responsabilités sans en tirer d’avantages et soit conscient de la société à construire.

 

C’est évidemment l’objectif, mais on ne l’atteint pas d’un seul coup.

 

Un État de travailleurs

 

Pour aller vers une société communiste, il est indispensable que le pouvoir reste aux mains du peuple : c’est le pouvoir qui permet de transformer la société.
Il faut un État, mais un État nouveau. C’est ce qu’avaient créé la Commune de Paris et la Révolution de 1917 : un État fondé sur des assemblées de base (conseils, soviets) qui désignent des représentants. Mais ceux-ci ne doivent pas devenir des politiciens, ni se couper de leurs électeurs. Ils doivent continuer à travailler, ne pas avoir de salaire plus élevé et pouvoir être révoqués à tout moment par la base.

 

On peut dire la même chose dans les entreprises : il faut que les travailleurs aient le droit et les moyens de se défendre, avec des syndicats et le droit de grève, pour empêcher qu’on leur impose une politique contraire à leurs intérêts. Mais il faut aussi qu’ils participent à l’élaboration des décisions et qu’ils en contrôlent l’application.

 

C’est un autre pouvoir dans toute la société. Il faut du temps pour arriver à ce qu’il n’y ait plus besoin du tout de délégués, de députés et de cadres. Il faut le temps d’arriver à supprimer tout ce qui les rend encore nécessaires, ce qu’on a hérité du capitalisme : la division du travail entre intellectuels et manuels, les différences entre couches sociales - ouvriers, employés, fonctionnaires, paysans - la concentration dans les villes de nombreuses activités sociales. Ce sont des obstacles qu’il faut abattre et c’est là aussi que se trouve le risque de retour au capitalisme.
Pendant toute cette période, il faut donc une large démocratie mais aussi que des règles contraignantes soient imposées pour que les différences ne s’accentuent pas au lieu de disparaître. C’est particulièrement le cas entre dirigeante et dirigés : limitation de la hiérarchie des salaires, participation de tous au travail manuel, rotation aux postes de responsabilité, révocabilité de tous par la base (cadres, députés...).

 

Un Parti communiste

 

Pour avancer vers le communisme, ce ne sera pas toujours facile, l’expérience historique est là pour le rappeler. Il y a des différences entre couches sociales, donc des intérêts différents, des volontés inégales de changer les rapports sociaux, une conscience plus ou moins claire du but à atteindre. Il y a donc des résistances et des luttes.
Il n’est pas facile non plus de voir le pas en avant qu’il faut faire à un moment donné tout en gardant le cap vers le communisme.

 

Comme pour l’État, un Parti Communiste est encore nécessaire.
Pas un parti dictateur qui impose ce qu’il pense être la bonne voie : cela est contraire à la société dans laquelle on veut parvenir et donc ne peut y conduire. Ni un Parti-État, ce qui revient au même. Ni un Parti qui encourage le suivisme à son égard.
Mais un parti qui élabore l’orientation qui permet d’avancer vers le communisme, qui propose des mesures et mobilise les masses pour vaincre les résistances ; un Parti qui reconnaît et favorise la critique, y compris contre lui-même ; un Parti qui s’appuie avant tout sur la persuasion et sur l’adhésion des travailleurs aux objectifs qu’il avance. C’est ce que nous entendons par le rôle dirigeant du Parti. Un Parti de militants présents dans la production. Un Parti de débats ouverts.

 

C’est-à-dire un Parti qui n’a rien à voir avec ce qu’étaient devenus les partis des pays de l’Est. Et qui n’a rien à voir avec les partis que l’on connaît ici.

 

Une période de transition

 

Il faut remodeler progressivement et entièrement la société. Cela ne doit, et ne peut, être fait que par la grande masse des travailleurs. Ils ont pour cela un État nouveau, qui les représente effectivement et un Parti Communiste qui sert à leur faire prendre une conscience croissante de l’objectif, une société communiste, et à lutter contre les obstacles. Et c’est au fur et à mesure qu’État et Parti tendent à ne plus être nécessaires.
En somme, le socialisme, ce n’est pas évident. Si c’était le cas on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais c’est déjà infini-ment mieux que ce que nous subissons. II nous ouvre un avenir différent, et on y voit déjà assez clair pour aller plus loin que les expériences précédentes.

 

Ce que n’est pas le socialisme

 

Ce n’est pas la nationalisation

 

La nationalisation n’est que le passage de la propriété aux mains de l’État. Il suffit de comparer le statut jusqu’à récemment public de Renault et le statut privé de Peugeot : ces statuts différents ne changent rien au pouvoir des dirigeants et à la place des travailleurs dans la production et dans la gestion. En plus ces entreprises restent dépendantes du marché et de la concurrence. Les nationalisations ont surtout permis aux gouvernements d’accélérer les restructurations.

 

Nationaliser permet de chasser les anciens patrons mais cela n’empêche pas que de nouveaux prennent leur place avec l’étiquette de fonctionnaire et avec les mêmes critères de gestion.

 

Ce n’est pas la planification

 

A la nationalisation on peut ajouter la planification pour échapper aux contraintes du marché et gérer les moyens de production dans l’intérêt collectif.

 

Mais c’est encore le pouvoir des experts ils ont les informations, ils sont dans les centres de décisions : ils gèrent pour nous mais sans nous. Et ils peuvent aussi gérer en fonction de leurs idées et de leurs intérêts. Ils constituent une couche sociale qui peut jouer le même rôle que la bourgeoisie.

 

Ce n’est pas l’autogestion

 

Pour éviter cette domination extérieure de dirigeants ou d’experts, on pourrait pratiquer l’autogestion : chacun gère ce qui le concerne, ce qui est à sa portée et qu’il peut contrôler : l’entreprise par ses ouvriers, la ferme par ses paysans, l’hôpital par son personnel...

 

Mais aucune activité ne peut être totalement isolée : comment se feraient la coordination et les échanges ? Par le marché ? Par le Plan ? On revient aux mêmes problèmes.

 

De plus, si ce n’est pas l’intérêt collectif qui domine, les différences entre régions, entre entreprises vont s’accentuer et conduire à des conflits et à des injustices.

 

Ce n’est pas le pouvoir du Parti

 

Un Parti Communiste pourrait orienter tout cela en fonction de l’intérêt collectif.

 

Le Parti ne regroupe qu’une partie de la classe ouvrière et des différentes couches sociales, la plus avancée et la plus consciente ; mais il ne doit pas s’ériger en centre de toutes les décisions, ni agir à la place de l’ensemble des travailleurs : cela serait contraire au but final, le communisme, qui est au contraire la coopération de tous à la vie de la société et la fin des grandes différences sociales, particulièrement entre dirigeants et dirigés.

 

Il joue un rôle dirigeant mais ne doit pas se comporter comme un expert qui se substitue aux travailleurs.

 

Ce qu’est le socialisme

 

Le socialisme ce n’est pas ceci ou cela ; c’est tout cela : chasser les anciens patrons, planifier l’économie, gérer directement tout ce qui peut l’être, tout en s’orientant vers un but, le communisme.

 

Mais c’est surtout une question centrale et décisive qui a le pouvoir ? C’est-à-dire comment sont prises les décisions, comment sont contrôlés ceux qui dirigent, quels moyens ont les travailleurs de peser réellement sur les choix, sont-ils effectivement mobilisés pour intervenir sur les décisions ?

 

C’est à travers ces questions que l’on sait si l’on avance dans la construction du socialisme.

 

Lutter contre la division du travail

 

Quand la façon de produire reste inchangée, quand la place des hommes dans la production reste la même, des rapports hérités du capitalisme existent toujours et se reproduisent, même si la classe ouvrière et ses organisations dirigent l’État.
Cette division, on ne peut la gommer d’un trait de plume : les connaissances techniques, les conceptions d’ensemble de la production échappent encore à beaucoup d’ouvriers et la classe doit s’en remettre à ceux qui savent pour organiser et gérer. Les contrôler ne suffit pas.
Prenons l’exemple du travail productif à l’usine. Il y a des ouvriers sans qualification et d’autres peu ou très qualifiés dans une technique. Il y a des techniciens qui ont été formés aux bases théoriques des phénomènes utilisés. Il y a des cadres qui survolent le processus, mais ont une vision d’ensemble de ses liens avec les autres secteurs de l’usine et du dehors. Sans cette division "technique" du travail, la production capitaliste est impossible à grande échelle. Mais nous savons aussi que les cadres se servent de leurs connaissances pour exploiter et commander les ouvriers, récupérer à leur profit (par leur salaire, leurs conditions de vie et de travail avantageuses) le travail concret fait par d’autres. La division est donc en même temps "sociale", liée à une société, reproduite avec elle et source d’inégalités. Comment combattre cette inégalité qui est un des fondements du capitalisme ?
L’OS ne doit plus être rivé à la machine. Il doit pouvoir faire travailler sa tête, alors qu’aujourd’hui, les robots entraînent déqualification du travail et dépendance vis-à-vis de la machine. L’ouvrier doit aussi travailler moins pour avoir le temps d’accéder à la technique et à la culture qui étaient jusque là interdites (pas le temps, pas l’envie, ce n’est pas pour moi,...). Mais il ne peut rattraper son retard avec des livres. Il faut l’associer aux choix techniques, aux choix de gestion, pour que son horizon s’élargisse de sa machine à l’usine entière et au-delà. L’activité sociale, politique est aussi un ferment de maturation et de curiosité. En intervenant dans des choix qu’il subissait jusqu’à présent, il pourra se saisir de la technique, de la culture, mais pour les concevoir et les orienter selon son point de vue de producteur. Et ainsi bouleverser les sciences, la société et son rapport à elles.
Pour les cadres, il s’agit du mouvement inverse : céder sa technique, ses connaissances, ses avantages sociaux, mais aussi avoir une connaissance plus concrète de la production... et de ceux qui la font ! Cela passe par la participation à la production, mais aussi par un travail rendu collectif et selon des critères qu’il doit expliciter. Le but poursuivi n’est pas de transformer l’OS en cadre embourgeoisé, ou de martyriser les cadres pour les faire expier, mais de faire des ouvriers un collectif de techniciens maîtrisant la production au service de l’ensemble, articulant lutte de classe et production. Leur donner les moyens de cette transformation est une des raisons de la dictature du prolétariat. Pour qu’il n’y ait plus d’OS ni à l’usine, ni dans la vie.

 

La Révolution Culturelle

 

La Révolution Culturelle en Chine (1966 - 1976) est pour nous l’exemple le plus avancé de lutte de masse contre la division du travail héritée du capitalisme. Voici quelques mesures concrètes mises en œuvre dans ce domaine :
- reconnaissance de l’expérience ouvrière et des points de vue ouvriers dans l’organisation du travail, la mise au point des techniques par un travail collectif, des échanges avec les cadres, des discussions dans les ateliers.
- des groupes de gestion ouvrière pouvaient intervenir dans toute la vie de l’entreprise.
- la hiérarchie des salaires a été modifiée : un vieil ouvrier expérimenté pouvait avoir un salaire supérieur à celui d’un technicien. Le recours aux "stimulants matériels", c’est-à-dire le paiement en fonction de la quantité de travail a été réduit.
- une partie du temps de travail était consacré à des débats politiques et à des mouvements d’études (comme la critique collective des textes de Lin Piao et de Confucius). Ainsi l’usine n’est pas qu’un lieu de production, mais aussi un lieu où se construit l’émancipation ouvrière.
- les cadres participaient à la production pour qu’il y ait un échange vivant et concret entre eux et les ouvriers, pour qu’ils comprennent le point de vue des ouvriers.
- des liens ont été établis entre les usines et les campagnes pour que chacun connaisse les conditions de vie et de travail des autres, et que s’instaure une collaboration pour supprimer les inégalités.
- l’éducation a été liée aussi à la production avec des échanges écoles-usines, pour que ceux qui font des études ne soient pas coupés des ouvriers. Une partie du temps était consacrée à la production. Des centres d’enseignement ont été créés dans les usines. Les élèves sont des ouvriers, mais une partie des enseignants aussi.

 

Ces quelques exemples montrent qu’il est possible de casser le moule de division du travail hérité du capitalisme. Mais seule une politique consciente et résolue peut en venir à bout. C’est le rôle du Parti communiste qui doit diriger et favoriser l’intervention et les initiatives de lutte de la classe ouvrière.

 

Cuba, pays socialiste ?

 

Construire le socialisme sans un parti communiste ?

 

En 1959, le régime de Batista, soutenu par les USA, a été renversé par la lutte armée. Les organisations présentes dans cette lutte telles que le Parti Socialiste Révolutionnaire, le Directoire Révolutionnaire ne se fixèrent pas comme but le socialisme, encore moins le communisme. Les USA, dont, toute l’Amérique latine et centrale, était et reste leur arrière-cour, ne pouvaient se permettre une mise en cause partielle de leur domination. Le régime nouvellement installé sous la direction de Fidel Castro s’est appuyé sur les aspirations et la lutte des masses cubaines contre l’impérialisme américain. Sa volonté d’indépendance et d’autonomie était inacceptable pour l’impérialisme américain qui a décrété le blocus contre Cuba et fait plusieurs tentatives de débarquement et d’assassinat pour renverser le régime de Fidel Castro.

 

Devant les pressions américaines, le choix de la direction cubaine a été, après une période d’hésitation, l’alignement sur l’Union Soviétique. Toutes les structures pour faire de Cuba un pays "socialiste" ont été créées, en fait un pays sous la tutelle de l’impérialisme soviétique. Ainsi la petite-bourgeoisie, qui dirigeait la lutte contre l’impérialisme américain adoptait un capitalisme d’État (bureaucratique) comme forme de domination.
Le Parti communiste de Cuba, au lieu d’être le résultat d’un processus d’organisation et de lutte idéologique au niveau de la classe ouvrière de Cuba est le fruit de la fusion du Parti Socialiste Révolutionnaire, du Directoire Révolutionnaire et de l’ancien parti "communiste" révisionniste.

 

C’est vrai qu’on ne décrète pas les conditions objectives de maturation d’une révolution. Des révolutionnaires peuvent être amenés par la lutte des classes à prendre le pouvoir sans avoir construit le parti communiste. Mais rien ne les empêche de travailler à sa construction au fur et à mesure.

 

L’opposition à l’impérialisme yankee

 

C’est vrai, le régime cubain a fait des réformes importantes pour le peuple et contre l’impérialisme. Prenons par exemple la réforme agraire contre les propriétaires fonciers, l’éducation (l’analphabétisme est éliminé) et la santé (le taux de mortalité est plus bas que celui de pas mal de paya de pays impérialistes à commencer par les USA).

 

Mais l’opposition à l’impérialisme US et le niveau élevé des services sociaux n’est pas le socialisme. Car malgré ces acquis, le pouvoir est entre les mains d’une bourgeoisie bureaucratique qui se sucre au passage et prend toutes les décisions. Les travail-leurs sont mis devant le fait accompli.
De même que la structure de l’économie est essentiellement la même que sous le régime de Batista. Elle est dominée par la monoculture du sucre.
Or, le socialisme, c’est aussi produire pour les besoins des travailleurs avec leur participation aux décisions.

 

Staline, les trotskistes et nous

 

Les courants trotskystes ont eux aussi condamné et combattu les régimes des pays de l’Est. Mais pas du même point de vue que nous.

 

Des analyses différentes

 

Peur eux, ces sociétés étaient en quelque sorte un socialisme déformé, étouffé par la bureaucratie. Socialisme parce qu’une révolution avait eu lieu, que la propriété privée des moyens de production était supprimée et que l’État gérait la société. Mais déformé car cet État était bureaucratique. Il jouait un peu le rôle d’un couvercle empêchant le contenu socialiste de s’exprimer.

 

D’où venait cette bureaucratie ? Elle aurait été instaurée par Staline, ce qui a donné le nom de "Stalinisme" pour ces régimes.

 

Nous parlons, nous, de "Capitalisme d’État". Car il ne suffit pas de dire qu’une bureaucratie a monopolisé le pouvoir ; il faut comprendre qu’elle s’est appuyée sur des rapports sociaux semblables à ceux du capitalisme, c’est-à-dire la division du travail intellectuels (les dirigeants du Parti, de l’État et des entreprises) -manuels, l’autorité des cadres, la priorité économique à l’accumulation de moyens de production. C’est ça qui est important et non pas l’enveloppe étatique ; que ce soit nationalisé ou pas, planifié ou pas, il y a exploitation du travail.

 

Il n’y avait donc pas une bureaucratie en opposition avec des acquis socialistes dans la société, mais une bureaucratie appuyée sur des rapports capitalistes, donc une nouvelle bourgeoisie.

 

Quel que soit le dévouement et la sincérité des dirigeante, on entretient des survivances du capitalisme. Tôt ou tard, elles finissent par s’imposer si elles ne sont pas réduites par la mobilisation et la lutte consciente.

 

Le rôle de Staline

 

Comme nous l’expliquons par ailleurs, les caractéristiques du capitalisme ne disparaissent pas du jour au lendemain : il faut une politique déterminée pour les faire disparaître après la prise du pouvoir. Le rôle du Parti et de l’État est donc particulièrement important.

 

Staline n’a pas mené une telle politique et il a annulé peu à peu les acquis socialistes de la Révolution d’Octobre.

 

Ainsi, il a supprimé la direction des usines par une "troïka" parti, syndicats et cadres pour instaurer l’autorité d’un directeur unique ; il a rétabli la subordination des travailleurs à la production (stakhanovisme, travail aux pièces), accru la hiérarchie des salaires, annulé le rôle revendicatif des syndicats ; toute la confiance a été mise dans les cadres ("les cadres décident de tout"), la priorité a été donnée au développement de l’industrie lourde et les sacrifices imposés aux ouvriers et aux paysans.

 

Malgré cela, Staline considérait que l’URSS était socialiste puisque la propriété privée des moyens de production n’existait pas : donc pas d’exploitation.

 

Pourquoi ces erreurs ? La conception du socialisme que le mouvement communiste partageait à l’époque, c’était que le développement des moyens de production, notamment de l’industrie lourde, permettrait à terme d’élever le niveau de vie et de changer les rapports sociaux. Il fallait donc tout faire pour développer la production ; mais les moyens pour cela étaient ceux laissés par le capitalisme : le pouvoir des cadres et la contrainte sur les travailleurs. L’adhésion des travailleurs devait venir après en fonction des résultats. On faisait le socialisme pour eux, à leur place, et donc au besoin contre ceux d’entre eux qui n’étaient pas d’accord.
Le résultat en fait a été de renforcer les caractères capitalistes dans la société, la reconstitution d’une nouvelle bourgeoisie jusqu’au rétablissement progressif d’un système capitaliste ; capitalisme d’État puisque cette nouvelle bourgeoisie était en fait dans le Parti et dans l’État. La dégénérescence du socialisme ne se réduit pas à une bureaucratisation.
Les répressions qui ont eu lieu en URSS sont le signe de cette évolution ; mais ce qui les explique, c’est une conception profondément fausse de la construction du socialisme.
Cette conception a été critiquée en Chine au moment de la Révolution Culturelle. C’est une rupture importante, en profondeur qui nous permet de comprendre les erreurs commises et de trouver une autre voie.

 

Conséquences de ces divergences

 

Cette voie met l’accent sur la transformation des rapports de production : la question n’est pas seulement de produire, niais de savoir comment on produit.
Si l’on ne voit pas cela, on peut toujours augmenter la production, et au mieux améliorer la démocratie, faire élire des communistes ; mais on ne change pas les bases de la société, celles que le capitalisme avait créées à son usage.
Si l’on ne voit pas cela on peut toujours augmenter la production et, au mieux, améliorer la démocratie, faire élire des communistes ; mais on ne change pas les bases de la société, celles que le capitalisme avait créées à son usage. Quels que soient le dévouement et la sincérité des dirigeants, on entretient des survivances du capitalisme. Tôt ou tard, elles finissent par s’imposer. Si elles ne sont pas réduites par la mobilisation et la lutte consciente.

 

Le pouvoir corrompt

 

L’expérience des cent dernières années nous laisse croire que dès qu’on a le pouvoir, c’est foutu, les meilleurs révolutionnaires sont corrompus, bref, le pouvoir ça pervertit. Conclusion : inutile de rechercher le pouvoir, contentons-nous de limiter la casse, essayons seulement de nous défendre le mieux possible.

 

D’abord, une société sans pouvoir est-elle possible (c’est ce que prétendent les anarchistes) ? Non, tant qu’on n’est pas au communisme. Car il y a des inégalités. Dans le développement économique, dans l’éducation, dans la place de chacun dans la société, dans le savoir et la connaissance, dans le rôle de direction. Il ne s’agit pas d’inégalités techniques (un partage des tâches), il ne s’agit pas non plus de malveillance, simplement cela reflète qu’on vient d’une société d’exploitation.
S’il y a inégalité, il y a pouvoir. Ça sert à rien de cacher cette réalité. Au contraire, c’est de là qu’il faut partir.
On peut même dire qu’il y a nécessairement tendance à la bureaucratisation, à la corruption. La question n’est pas de se lamenter là-dessus, « le pouvoir corrompt, on ne peut rien faire... » mais
- 1) De partir de là. Connaître le risque et ne pas le nier.
- 2) Chercher comment combattre cette tendance, quelles mesures politiques peuvent la contrebalancer.

 

Lors de la Commune de Paris en 1871, les représentants étaient élus et révocables à tout moment par l’assemblée. Dans les usines en Chine durant la Révolution Culturelle, les cadres étaient régulièrement envoyés à la production, des groupes de travail ouvriers-techniciens étaient constitués pour tous les projets et donc pour lutter contre le pouvoir du savoir des cadres. En Albanie dans les années 70 des groupes de contrôle ouvrier étaient chargés d’enquêter partout pour lutter contre la bureaucratisation. Sans doute ces expériences sont-elles insuffisantes. Mais elles montrent qu’il y a des choses qui sont possibles.
Contrôle, éducation, vigilance. Lutte des classes. Transformations des bases de la société pour s’attaquer aux inégalités et les réduire.
Tous ceux qui disent que ce n’est pas un problème, ou qu’on peut les supprimer facilement, ceux là nous trompent et nous préparent un avenir sombre : car cela revient à les laisser agir, et alors là, oui, "le pouvoir corrompt". Quant à ceux qui disent que c’est impossible ils veulent nous décourager.
Ce qu’il faut c’est y voir clair, grâce à un parti des exploités (justement ceux qui n’ont pas intérêt à cette corruption), pour contrebalancer de manière consciente cette tendance. D’ailleurs, des mesures doivent aussi être prises pour ce parti lui-même, pour empêcher qu’il se bureaucratise, justement parce que ceux qui se sont le plus battus peuvent avoir une fois au pouvoir la tendance à renforcer leurs avantages. Par exemple il faut que la plupart de ses membres doivent être au travail, à la production, et pas dans les fauteuils des administrations...

 

Le lien entre les luttes d’aujourd’hui et de demain

 

Ce sont les masses qui font la révolution. Et pourtant, elles n’auront pas tout compris (personne, mais les communistes un peu mieux !) de la nécessité de tout le processus de dictature du prolétariat.
Mais pour accepter de renverser l’ordre ancien, ce capitalisme séculaire, il faudra qu’elles soient convaincues non seulement qu’on ne peut plus rien en attendre, mais aussi qu’elles peuvent le renverser et édifier une autre société. Plus les masses seront conscientes des enjeux de la lutte, plus le processus sera puissant et irréversible. Il y a donc un lien très fort entre nos combats d’aujourd’hui, ce que nous organisons, ce que nous faisons entrevoir de potentialités, et la construction du socialisme. Nos luttes doivent servir à préparer et à aguerrir ceux qui y participent. Prenons l’exemple de la lutte pour la réduction du temps de travail :
On peut lutter pour les 35 h immédiates, mais c’est une perspective beaucoup plus vaste qui en fera un combat révolutionnaire :
- on exige cette réduction sans perte de salaire, comme un dû car les potentialités de la société doivent profiter aux travailleurs.
- on l’exige contre les licenciements et le chômage : travailler tous est un impératif. Alors que le capitalisme transforme les gains de productivité en licenciements, nous voulons construire une société sans chômage.
- on l’exige pour pouvoir se rencontrer, s’éduquer, s’organiser. Sous le socialisme, l’augmentation du temps libre sera une nécessité pour changer la place des travailleurs dans la société, pour qu’ils interviennent dans les décisions, pour qu’ils aient les moyens de s’informer, de se former et de dé-battre sur tous les aspects de la vie sociale.
Les revendications que l’on avance, les explications que l’on donne sont liées à la société que l’on veut. Les luttes sur ces revendications permettent de faire vivre ces idées et de préparer un changement de société. Mais il faudra pour y parvenir renverser la bourgeoisie et prendre le pouvoir.
Ce qui est vrai pour les revendications l’est aussi pour les formes d’action. Ainsi les Comités de grève sont importants aujourd’hui car ils permettent l’unité des travailleurs et leur contrôle sur la lutte. Mais ils les préparent aussi à exercer le pouvoir le plus directement possible.
De même, il faut lutter contre les rapports de délégation, c’est-à-dire la tendance de certains élus à es bureaucratiser, mais aussi celle des travailleurs à se décharger sur ces élus. Tout cela, c’est préparer une société socialiste qui a des chances de réussir.

 

Ce qu’est le communisme

 

Pour vivre en société, l’Homme est obligé d’avoir des infrastructures collectives : par exemple une route, un système d’égouts, un château d’eau. Il en est ainsi dans le domaine économique, social et culturel. Pour cela des organes de coordination et de régulation sont nécessaires à l’échelle de la ville, de la région, du pays et au niveau mondial. Cela étant, peut-on tirer prétexte de cette nécessité pour dire que ces organes de coordination et de régulation doivent être un "corps étranger au peuple et au-dessus de lui" c’est-à-dire l’État.
Surtout avec l’urbanisation croissante et la sophistication technologique, les bourgeois et leurs porte-paroles ne manquent pas d’occasion pour asséner l’idée que pour que la société fonctionne, il faut par exemple que certains balayent les rues, d’autres organisent des systèmes électroniques. En bref, il faut des chefs pour travailler.
En un mot pour ces même idéologues de la bourgeoisie, le communisme comme stade où l’État n’existera plus est au mieux un rêve utopique, au pire une ineptie. Rien n’est plus faux.

 

Car avant et au début du capitalisme, même si les classes laborieuses étaient exploitées, les producteurs directs avaient une maîtrise réelle de leur travail. C’est le taylorisme qui les en a privés. Les résistances ouvrières à cette dé-possession continuent toujours et se manifestent par les turn-over, le coulage, la perruque. Le communisme consiste en une ré appropriation collective de cette maîtrise du procès de travail. Dans les secteurs où l’individu ne travaille pas, il pourra donner son point de vue sans connaître tous les détails. Prenons l’exemple du téléphone, il n’est pas nécessaire de connaître l’électronique pour l’utiliser. Ce qui est essentiel, c’est de téléphoner quand on veut, où on veut et à qui on veut. C’est la même chose qui s’applique aux tâches de coordination et d’organisation sous le communisme. Il y aura spécialisation technique, mais en ce qui concerne les choix tout le monde pourra participer aux décisions.
Parce que l’État socialiste, symbole aussi d’une division entre dirigeants et dirigés n’existera plus. Sans dirigeants, ni dirigés, les tâches d’organisation et d’exécution seront intégrées en un tout que tout le monde assumera. C’est la fin de la division sociale du travail entre manuels et intellectuels même si la division technique du travail, par exemple entre médecins et agronomes, continuera bel et bien d’exister. La production avec des moyens de production complètement collectivisés se fera en fonction des besoins définis par la société. Le progrès technique, l’automation, l’informatique etc... allégeront et simplifieront les tâches. Ils seront facteurs d’épanouissement de l’être humain dans la mesure où ils permettront la réduction massive du temps de travail.
Avec le socialisme qui aura donné une formation générale à tout le monde et une spécialisation dans au moins un domaine, chaque individu participera à tous les aspects de la vie sociale.

 

L’essentiel des conflits, sous le capitalisme et sous le socialisme, a pour origine l’appropriation inégale au niveau de la richesse, du savoir et du pouvoir. Leur collectivisation totale et leur maîtrise réelle par tous les citoyens rendent caduc tout appareil de répression. C’est la fin des contradictions de classe. Les conflits n’auront plus un caractère de classe. Les éventuels conflits entre les individus pourront être résolus par la concertation et des rapports plus riches entre les uns et les autres.

 

Avec la fin des contradictions de classe, toutes les formes de domination comme celle des femmes, de certaines "races" ou nations, formes de domination dont le capitalisme a hérité du passé et qu’il a perpétuées pour diviser ses esclaves salariés, ces formes de domination n’auront plus de raison d’être. C’est la fin du sexisme et du racisme.
L’oppression entre classes engendrant actuellement celle entre les nations, la disparition des classes entraîne celle des nations et leur fusion ; les frontières-poteaux, symboles de droits de douanes et de lignes de front dans les guerres entre nations, sauteront. Comme les oiseaux et les courants d’air, plus de contrôle aux frontières qui n’existeront plus.

 

Mais y a-t-il un courant d’air qui pourra nous emmener au communisme ? Ce serait tellement plus facile. Malheureusement, non, il faut, dès à présent, que les ouvriers créent les conditions pour que leurs descendants vivent sous le communisme à l’échelle de toute la planète.

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