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Nation
Partisan N°255 - Avril 2012
Le marxisme, c’est pas sorcier
Origine du mot
Le mot « natio » en latin est de la même famille que « natus », né. Autrement dit, la nation, c’est là d’où l’on est natif. Mais plus qu’un territoire, la nation est d’abord une communauté humaine, unie par une langue. L’ancêtre de la nation est la tribu primitive. Les premiers hommes, chasseurs-cueilleurs, étaient itinérants. Il a fallu l’invention de l’agriculture, il y a quelques milliers d’années, pour que la nation soit attachée à un territoire.
Signification
Friedrich Engels a montré comment des regroupements de tribus ont formé « le premier pas vers la constitution des nations » (1). Puis comment, au sein de la nation, l’Etat est né de la nécessité de « réfréner les oppositions de classes », de « mater la classe opprimée » (2).
Le XIXe est le « siècle des nationalités » en Europe et en Amérique. Le XXe sera celui des luttes de libération nationale en Afrique et en Asie. Partout, l’Etat-nation s’impose contre le féodalisme et le colonialisme ; même si de nombreux Etats sont multi-nationaux ; même si, dès l’antiquité, le commerce fait que « partout, esclaves, métèques, étrangers, vivaient parmi les citoyens » (3) ; et même si beaucoup de nations sont aujourd’hui encore sans Etat, c’est-à-dire sans le droit d’avoir leur propre bourgeoisie : Palestine, Sahara occidental, Tibet, DOM-TOM, etc.
Une auto-critique de Marx et une critique de Lénine nous montrent la complexité du lien entre libération nationale et libération sociale. « Les ouvriers n’ont pas de patrie », proclame le Manifeste en 1848, et « du jour où tombe l’antagonisme des classes à l’intérieur de la nation, tombe également l’hostilité des nations entre elles ». 20 ans après, Marx corrige cette affirmation : « J’ai pensé qu’il était possible de renverser le régime actuel de l’Irlande grâce à la montée de la classe ouvrière anglaise... Or une analyse plus approfondie m’a convaincu du contraire. La classe ouvrière anglaise ne fera jamais rien tant qu’elle ne sera pas débarrassée de l’Irlande. C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général » (4). La libération nationale comme « levier » de la libération sociale...
La critique de Lénine s’adresse à Staline. Les Bolcheviks, héritiers d’un Etat impérial, accordent le droit à l’indépendance de toutes les nations opprimées. En 1922, à propos de la Géorgie, Lénine traite Staline de « brutal argousin grand-russe » (flic violent et chauvin !). Il « porte atteinte, dit-il, à la solidarité prolétarienne de classe, car il n’est rien qui en retarde le développement et la consolidation comme l’injustice nationale » (5).
Les mots qui servent à camoufler
Dès qu’elle est au pouvoir, la bourgeoisie utilise le sentiment national – la défense de la patrie – pour mieux tromper les travailleurs et assurer sa domination. Les faux communistes – et vrais réformistes – lui emboîte le pas, accusent la bourgeoisie d’être mondialisée, et prétendent que c’est à la classe ouvrière de défendre l’intérêt national. Par contre, ils oublient la défense des droits des nations opprimés par leur propre impérialisme !
Trotskistes et anarchistes ont beaucoup de mal aussi avec la reconnaissance, pour toutes les nations opprimées, du droit d’avoir leur propre Etat, leur propre bourgeoisie. C’est pourtant un principe de base de l’internationalisme prolétarien !
Pour en savoir plus
(1, 2, 3). Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat. Dans Oeuvres choisies, tome 3, pages 274, 342, 339.
(4). Lettre de Marx à Engels, 10 décembre 1869.
(5). Lénine, tome 36, p. 618-624.
– Plate-forme politique de VP.Cahier 01, p. 9-13, l’impérialisme et les pays dominés. Cahier 2, p. 19-24, la révolution est un processus mondial. Cahier 3, p. 12-12, immigration, racisme et anti-impérialisme.
– La lutte anti-impérialiste et la question nationale aujourd’hui, 6e congrès de l’OCML-VP, avril 2004.
