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Questions-Réponses sur la Palestine

Partisan n°152 - Novembre 2000

L’Antisionisme est-il de l’antisémitisme ? Assiste-t-on à une Guerre raciale ou une guerre de religion entre Juifs et Arabes ?

Le sionisme est né au XIXe siècle comme un mouvement politique et religieux fondé sur un mythe, l’existence d’un peuple juif, et une revendication, la constitution d’un foyer national en Palestine : la " Terre promise pour le Peuple élu ", " un peuple sans terre pour une terre sans peuple ". Ce sionisme historique se nourrit de l’antisémitisme de la bourgeoisie européenne, des pogroms en Russie tsariste jusqu’au génocide juif organisé par les nazis. Après l’instauration de l’État d’Israël par les puissances impérialistes (USA en tête), le sionisme évolue en idéologie d’État, totalitaire. Au nom de la défense de la sécurité et de la survie d’Israël, il renforce son caractère raciste, religieux, colonialiste et expansionniste et se présente comme le rempart de la Civilisation Occidentale contre la barbarie asiatique. C’est la constitution d’une mentalité raciste de " petits blancs ", dont les Arabes comme les immigrants juifs non occidentaux font les frais (" Juifs sépharades " irakiens ou maghrebins, Falachas d’Éthiopie, Russes, etc.). Depuis 1948, en trois générations, un peuple israélien s’est pourtant créé, c’est une réalité historique qu’on ne peut pas nier.
L’antisionisme est, par principe, antiraciste : contre le sionisme, il revendique les mêmes droits civiques, démocratiques, politiques, sociaux et culturels, pour tous les Juifs, Musulmans et Chrétiens vivant en Palestine ou exilés. C’est le fondement politique de la lutte de libération nationale du peuple palestinien. L’antisionisme est donc aux antipodes de l’antisémitisme et il le combat comme un ennemi mortel de la cause nationale palestinienne. À l’inverse, le sionisme est une idéologie raciste, toute son histoire et celle de l’État hébreu le prouvent. Le sionisme prétend amalgamer l’antisémitisme et l’antisionisme, judaïsme et sionisme, bref, ramener sa défense à celle de la lutte antiraciste et démocratique : c’est encore une supercherie historique ! Les Juifs antisionistes sont nombreux dans le monde ; si les médias n’en parlent pas, c’est parce qu’ils ne se réclament en rien d’Israël et qu’ils sont souvent des militants anti-impérialistes conséquents.
La lutte de libération nationale du peuple palestinien ne peut avoir pour objectif que la destruction du sionisme et de l’État sioniste. Cette guerre n’a donc rien d’une guerre raciale (Arabes contre Juifs) ni d’une guerre de religion (Islam contre Judaïsme) pour les " lieux saints " de Jérusalem, comme le répètent les médias et la propagande sioniste.

Où va la Palestine ? Une paix juste est-elle encore possible ?

Au sommet de Camp David comme depuis le déclenchement du soulèvement, la position d’Israël n’a pas bougé d’un pouce sur 5 problèmes clés. Ehoud Barak a traçé les " lignes rouges " que l’État hébreu ne franchira jamais de plein gré : pour Israël, ces 5 points ne sont pas négociables.
1° Les frontières d’Israël : pas question de revenir aux frontières de 1967 (avant la guerre des six jours) ; annexion de 15% à 20% de la Cisjordanie pour conserver trois " blocs " de colonies et garder " temporairement " (10-12 ans) le contrôle de la vallée du Jourdain, soit 15% du territoire.
2° L’État palestinien : le gouvernement israélien en accepte le principe, à condition que Tsahal en contrôle les frontières et qu’il n’existe pas d’armée palestinienne ; bref, quelques bantoustans enclavés entre des territoires annexés à l’État hébreu !
3° Les colonies juives : Barak a promis aux 300 000 colons juifs de Cisjordanie que 70% à 80% d’entre eux resteraient sous souveraineté israélienne dans les trois " blocs " reliés entre eux.
4° Les réfugiés : l’État sioniste ne reconnaît aucun " droit au retour " des réfugiés palestiniens ; il propose le retour de quelques milliers de personnes pour des " raisons humanitaires " et seuls les Palestiniens partis en 1948 pouvaient revenir, mais pas leur famille.
5° Jérusalem : pas question de diviser la " capitale unifiée et éternelle d’Israël " (loi de 1980) ; une simple " tutelle " sur l’esplanade des Mosquées (avec souveraineté israélienne) serait confiée aux palestiniens ; l’État hébreu n’accepterait qu’une " certaine forme d’autonomie administrative " palestinienne à Jérusalem-Est, où vivent 200 000 Palestiniens…
Aucune paix juste, c’est-à-dire une paix établie sur la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien, n’est envisageable dans ces conditions. La violence du soulèvement palestinien est à la mesure de l’intransigeance sioniste et cette nouvelle Intifada n’est pas prête de s’éteindre. La jeunesse palestinienne s’y est engagée à fond, au sein du Fatah par exemple, tentant ainsi de donner une autonomie relative à sa lutte d’indépendance nationale.

Peut-on revendiquer la création d’un État palestinien avec Jérusalem pour capitale ?
Comment lui opposer la revendication d’une Palestine libre, laïque et démocratique ?

Comme toute révolution démocratique, le mouvement national palestinien a comporté dès ses origines deux tendances. L’une progressiste, visant un projet social libérateur par la lutte nationale. L’autre cherchant seulement à permettre l’accession aux affaires et au pouvoir politique d’une bourgeoisie palestiniennne opprimée économiquement et politiquement par le sionisme. L’accord d’Oslo de 1993, le " processus de paix ", marque un tournant : la victoire définitive de ce second courant à la tête du mouvement national palestinien. C’est là que réside la logique de la trahison, déjà ancienne (la Charte de l’OLP a été abandonnée en 1988), de la direction de l’OLP et de Yasser Arafat discrédités à juste titre parmi la population.
Quant aux forces politiques du " front du refus du processus de paix ", elles tentent depuis 1993 de réunifier l’OLP autour de l’Alliance palestinienne ; trois courants s’en dégagent : les " marxistes " du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP) et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), les islamistes (Hamas, Djihad) et les nationalistes palestiniens du Fatah et du Parti du peuple palestinien (PPP). Quand ils ne sont pas carrément islamistes ou antisémites, les dirigeants de ces partis partagent tous le même idéal nationaliste qu’ils font passer pour de l’antisionisme radical.
En Palestine, comme en Afrique ou dans les Balkans, aucune solution nationaliste n’est en mesure de résoudre la question nationale. Ni même la création d’un " État indépendant " fantoche géré par l’OLP et l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat, ni le fanatisme religieux et le nationalisme panarabe réactionnaires. La perspective d’un État palestinien, même d’un " État croupion ", ne fait que s’éloigner au fil des capitulations de l’OLP. Les Palestiniens seront parqués dans des bantoustans et devront encore s’estimer heureux d’être acceptés comme main-d’oeuvre à bon marché en Israël ! Revendiquer aujourd’hui un " État palestinien " morcelé en une demi-douzaine de bantoustans (4 à 9 cantons en Cisjordanie et un à Gaza) " avec Jérusalem comme capitale " (religieuse) est une utopie et une mystification reprise par les intégristes et les ultranationalistes. Israël et les puissances impérialistes verraient d’ailleurs cette solution d’un bon oeil, sous réserve d’un contrôle absolu de l’État sioniste sur les frontières et les populations… Toute solution de la question nationale en Palestine doit passer par le refus du partage impérialiste de 1947-48, et donc par la destruction du sionisme et de l’État d’Israël qui en sont les causes, c’est une voie incontournable. Tout mouvement national palestinien digne de ce nom se doit de revendiquer la Palestine libre, laïque et démocratique évoquée par les résolutions du Conseil palestinien de 1969 ou du Fatah de 1970. Il ne s’agit pas d’un rêve utopique : la lutte des masses palestiniennes, du prolétariat en particulier, pour cette nouvelle Palestine créera, par son action même, les conditions politiques et sociales nécessaires à la création d’une république démocratique en Palestine.

 

Jean Labeil

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