Vous êtes dans la rubrique > Archives > Milosevic est fini, mais tout ne fait que commencer !

Milosevic est fini, mais tout ne fait que commencer !

Partisan n°151 - Octobre 2000

Ce que ni les bombes ni les votes n’ont pu faire, le peuple l’a fait !

Trois mois de bombardements de l’OTAN n’avaient fait que renforcer Milosevic et souder la population autour de lui. Le trucage des élections était déjà complètement organisé (comme d’habitude), et le pouvoir prêt à continuer à l’identique, face à une opposition hésitante (comme d’habitude).
Il a fallu l’intervention résolue de la jeunesse depuis des mois, malgré les arrestations, les intimidations, autour du mouvement "Otpor" (Résistance), pour enfin mettre à bas (au moins provisoirement) Milosevic. La jeunesse a réussi à entraîner derrière elle des fractions de plus en plus importantes d’hésitants, jusqu’à l’invasion de la mine de Koluba en soutien aux mineurs en grève puis à la prise d’assaut du Parlement, bulldozer en tête.
Voilà qui doit nous réjouir : il n’est pas de peine qui ne finisse, tout est possible quand le peuple est résolu et prêt à aller jusqu’au bout.

 

Pourquoi bouder son plaisir, au prétexte que "rien ne changera", "qu’un nationaliste bourgeois en remplace un autre" ou autres analyses d’ailleurs pas toutes fausses ? Une chose très importante a changé : il y a eu une révolte, d’abord celle de la jeunesse, et cette révolte a atteint un premier objectif. C’est un point d’appui, un point de départ pour construire. L’avenir n’est pas écrit d’avance, sinon Milosevic serait encore là. L’avenir se construit pas à pas, par l’engagement et la détermination de la fraction la plus avancée du peuple et des travailleurs. Cette leçon n’est-elle pas intéressante pour nous aussi en France ?

De quoi est fait l’avenir ?

Pourtant ces questions sur l’avenir sont pertinentes.
Si on regarde ce qui se passe aujourd’hui en Roumanie ou en Pologne, où le changement s’est également fait sous forme de révoltes et de manifestations, il y a effectivement de quoi s’interroger.
Si on regarde la nature de l’opposition officielle également. D’un côté il y a le fasciste Seselj, ancien dirigeant de la milice des "Aigles blancs" qui ont à leur actif des barbaries innommables en Bosnie ou en Croatie, dont la destruction totale de Vukovar. Seselj, "l’opposant préféré de Milosevic", celui qui théorisait ce que Milosevic faisait, celui qui mettait en pratique jusqu’au bout les théories nazies de la purification ethnique... D’un autre côté, il y a Vuk Draskovic, nationaliste féroce, champion du monde du retournement de vestes, un jour ministre de Milosevic appelant à la reconquête du Kosovo, un jour dans l’opposition appelant à la paix. Il y a Djindjic, l’homme des Américains. Il y a aujourd’hui Kostunica, nouveau président, un nationaliste résolu qui s’est fait photographier la kalachnikov en bandoulière au Kosovo en 1998... On comprend que le mouvement "Otpor" soit relativement réservé à l’égard de cette opposition qui fait partie du système officiel entretenu, développé, voire créé par Milosevic.
Et puis, il y a le maintien du système économique totalement mafieux. Milosevic est devenue l’homme le plus riche de Serbie en ayant proprement pillé tout le système bancaire à ses propres fins. Aujourd’hui, les grandes puissances vont ouvrir leurs chéquiers. Gageons que cet argent trouvera sans difficultés les chemins secrets des comptes numérotés de Chypre où cette mafia avait établi ses quartiers !
Enfin, le peuple serbe saura-t-il affronter son passé ? Les guerres en Croatie, en Bosnie, au Kosovo, où des dizaines de milliers de soldats ou de miliciens ont participé aux barbaries ? N’y aura-t-il pas la tentation, comme en Autriche à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, comme en France après la Guerre d’Algérie, de faire table rase du passé, faire comme si personne n’était responsable ?

Qui soutenir ?

Si l’on en reste effectivement à ces constats, il y a de quoi être morose. Mais il y a des lueurs d’espoir.
Il y a ce mouvement de la jeunesse, cristallisé par "Otpor", construit à côté des dizaines de milliers de jeunes Serbes déserteurs, ayant refusé de participer à ces guerres injustes. Il y a cette fraction d’antifascistes qui ont toujours rejeté le nationalisme sans aucune ambiguïté, qui ont dénoncé également les bombardements de l’Occident, tout en critiquant vertement l’opposition.
Voilà ce courant que nous devons soutenir, et c’est ce que nous faisons à Voie Prolétarienne depuis des années, refusant de mettre tous "les Serbes" dans le même sac.
Aujourd’hui, ce sont nos camarades du Parti du Travail de Yougoslavie que nous soutenons particulièrement, car aucun mouvement populaire ne peut subsister et se développer sans un parti politique solide pour défendre les intérêts des travailleurs et du peuple. Après des années extrêmement difficiles, durement à contre courant du nationalisme écrasant, ces camarades voient aujourd’hui une situation bien plus favorable à leur travail, et ils sauront en tirer les résultats !
Là encore, une belle leçon pour nous autres en France...

 

A.D.

Milosevic était-il communiste ?

 

Le fin du fin de la propagande occidentale, c’est de parler de la chute d’un des derniers dictateurs du communisme. Plaisanterie.
D’abord, il y a belle lurette que la Yougoslavie avait tout du capitalisme concurrentiel, sous étiquette de l’autogestion. Quand Milosevic arrive au pouvoir en 1987, c’est à la suite d’une période où l’hyperinflation avait atteint des records (1600% et compagnie...) et où la crise économique était catastrophique. Son projet est alors fort bien résumé par son prédécesseur Ivan Stambolic, débarqué à cette occasion, et qui a mystérieusement "disparu" durant l’été dernier : "le socialisme stalinien comme objectif, le nationalisme comme moyen". En fait de "socialisme stalinien" il s’agit d’un capitalisme d’Etat dictatorial, dirigé par la bourgeoisie du Parti reconvertie dans les affaires.
Communiste, Milosevic ? Il n’en a que l’étiquette. Nationaliste et apprenti fasciste ? Il en a toutes les caractéristiques. Avec son compère Tudjman en Croatie, il aura un seul projet, créer la Grande Serbie, à côté d’ailleurs d’une Grande Croatie, en dépeçant la Bosnie au passage, en acceptant toutes les formes de la purification ethnique.
Communiste, Milosevic ? Il a poussé le capitalisme d’Etat jusqu’à la mafia, volant de manière éhontée la richesse nationale et les envois des émigrés pour financer les guerres et remplir les comptes de ses protégés.

 

Etre communiste, ce n’est pas une étiquette. C’est défendre une conception du monde au service des travailleurs et du peuple, une vision internationaliste et antiraciste, une société libérée de l’exploitation, du marché et de la concurrence, où les richesses sont réparties non pas en fonction du profit, ou des intérêts de quelques uns, mais au service des besoins de la majorité. C’est l’exact contraire de Milosevic.
Voilà bien longtemps que les prétendus "communistes" de tous les pays de l’Est avaient perverti cette idée au profit d’une bourgeoisie d’Etat... Ne nous laissons pas abuser par la propagande et les mots déformés !

Soutenir par un don