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Retraite et socialisme

Partisan N°237 - Avril 2010

Les maisons de retraites aujourd’hui sont des mouroirs, et la prise en charge coûte cher. Notre pays compte 1,1 million de personnes de plus de 85 ans, en majorité des femmes. En 2003, 15 000 personnes âgées décèdent de la canicule, personne n’est inquiété. Dans les maisons de retraite, les résidents ne participent pas au service, ils ne ressentent plus l’utilité de leur vie. Avant, ils participaient à la vie commune, avaient des tâches, participaient à l’entretien, au jardinage. Maintenant, pour des raisons d’hygiène, il est interdit aux pensionnaires de faire des tâches ménagères dans les maisons de retraite. Quand les personnes âgées sont alitées, l’aide soignant dispose de 20 minutes pour les laver, les installer, quel que soit l’état de la personne. On peut parler de maltraitance. Ces anciens ne sont pas rentables ? Mais si, l’argent rentre, les maisons de retraites, qu’elles soient privées ou publiques, mettent la rentabilité au poste de commande. L’argent de la pension y passe, et souvent il faut l’argent de la famille. C’est une affaire qui marche pour le capital, jusqu’à la mort. Peut-on faire autrement ? En Chine, ils ont essayé.

En Chine, il y a quelques dizaines d’années...

Les anciens travailleurs chinois recevaient une retraite qui était l’équivalent de 80% du salaire. A la campagne, les paysans ne touchent pas de retraite, l’âge ou ils s’arrêtent de travailler dépend de leur état de santé. Généralement, ils travaillent moins en vieillissant, et s’occupent plutôt de tâches moins fatigantes. Il existe des polycliniques très décentralisées afin de ne pas isoler les anciens dans des hôpitaux loin de leurs familles. Il y a des restaurants collectifs, de même que des petits ateliers d’entretien des vêtements. Le brassage permanent des membres de la société de tous les âges, du nourrisson au vieillard, a une signification politique évidente. Contrairement à nos sociétés, en Chine du temps du socialisme, on ne considère pas qu’un vieux travailleur soit inutile, qu’il soit un fardeau. Permettre que les qualités d’enthousiasme et d’audace des jeunes générations, avec l’expérience politique des vieillards née de leur longue pratique de la lutte de classe, donne un mélange explosif, des forces plus grandes à la révolution. Avec la révolution culturelle, la fonction sociale des vieilles et des vieux s’est encore accrue et élargie.

Quelles organisations pour les anciens ?

Quand la révolution culturelle fut lancée, elle ébranla considérablement la pensée des anciennes et des anciens. Très vite, ils comprirent que, faute de mener la révolution jusqu’au bout, l’ancienne société pouvait revenir. Eux aussi ont écrit et apposé aux murs de la cité des journaux-affiches (dazibao) dans lesquels ils dénonçaient la théorie bourgeoise de l’inutilité des vieillards. Pour celles et ceux qui étaient en bonne santé, des équipes d’enquête et d’entraide pour le travail domestique furent organisées. Ils étudièrent la théorie révolutionnaire, le marxisme-léninisme, prouvant qu’ils étaient capables de tirer les leçons de leurs longues expériences, toutes les leçons nécessaires aux jeunes générations. C’est un lieu commun chez nous, de dire que les vieillards ont un horizon limité, que leur vie est faite de petites choses, petites joies, petites peines. Mais s’il en est ainsi, c’est que la société les tient à l’écart, les parque dans une vie végétative et misérable. C’est l’organisation sociale qui est en cause et non une fatalité naturelle.

Faut il parquer les anciens ?

« C’est à l’État de s’en occuper ». Et l’on voit dans ces maisons de retraite la preuve d’un progrès indubitable. Il n’en est rien. Lorsque la société n’est plus mue par le profit, lorsqu’elle ne considère pas comme productrices les seules activités rapportant du profit, elle en vient naturellement à modifier radicalement ses rapports avec les anciens « improductifs ». Les théories qui tentent de faire passer le parcage des vieillards pour un progrès de l’humanité s’appuient, elles aussi, sur l’opposition entre temps libre et temps de travail ; la retraite étant considérée comme du temps libre en opposition au travail salarié. Mais lorsque les diverses activités sociales se transforment progressivement en une libre activité enrichissante, ce n’est pas une faveur d’en être exclu, ce peut être une souffrance.
En Chine, les maisons de vieilles et de vieux étaient construites dans les cités d’habitation elles-mêmes, ouvertes sur la société. Ceux qui y vivent participent comme les autres à la vie sociale. Selon leurs forces, elles et ils travaillent, 2, 3, 4 heures par jour, soit dans les ateliers de services, soit dans les crèches et les écoles. Afin de donner une éducation de classe aux enfants, ils vont avec eux pendant leurs loisirs visiter les usines, les hôpitaux, faire des enquêtes, etc. Ils leur parlent de l’ancienne société. Toutes ces activités sociales, productives, culturelles, ont pour résultat immédiat leur pleine participation à la vie politique des masses.
Non, les anciens ne sont pas voués à finir leur vie dans des mouroirs. Pour qu’ils en sortent, il faut que tout le monde s’en sortent ! Il faut en finir avec cette société.

D’après le livre de Claudie Broyelle, La moitié du ciel, chez Denoel/Gontier, 1974. Bien que Broyelle ait abandonné aujourd’hui ses positions révolutionnaires, ce livre reste d’un grand intérêt.

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