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« Pourquoi je ne suis pas un pacifiste israélien » par Moshe Machover.
Partisan N°243 - Décembre 2010
(Traduction d’un article du PC de Grande Bretagne)
Au moment où le processus décousu « d’accord de paix » poursuit son cours, avec les inutiles rendez-vous et les absurdes rencontres entre chefs de l’Etat colonial israélien et les représentants de l’Autorité palestinienne (dépourvus de toute autorité), avec la participation des USA dans le rôle d’agent malhonnête, il ne peut subsister aucun doute à propos de cette mascarade jouée par des charlatans. Mais, au-delà de cette évidente plaisanterie, se cache une illusion plus subtile : il est largement admis, voire considéré comme allant de soi, que « la Paix » est ce qui devrait résoudre le conflit israélo-palestinien. En d’autres termes, que ce qui est nécessaire est un authentique processus de paix, au lieu de l’actuelle mascarade.
Cette conviction est partagée par tous les israéliens « éclairés » (ainsi se qualifie elle-même la Gauche), c’est pourquoi ses membres se qualifient collectivement de « camp de la Paix » et individuellement d’ « activistes pacifistes », caractérisation partagée par les amis et les soutiens à l’Ouest. La « gauche » sioniste « Paix maintenant » ainsi que les modérés sionistes et semi-sionistes, du groupe Gush Shalom (le camp de la paix) affichent cette auto-supercherie à travers leurs sigles. Le parti communiste israélien (non sioniste, devenu réformiste) insiste sur la priorité à donner aux slogans pacifistes.
La plupart des activités de ces bonnes gens sont louables. Ainsi, exprimer des désaccords avec la politique et les actions oppressives des autorités israéliennes, en particulier l’opposition aux occupations des territoires après 1967. Certaines de ces initiatives prouvent un réel courage moral et physique par des actes variés de solidarité avec le peuple palestinien opprimé. Cependant, la propre image que se donnent les activistes pacifistes révèle un profond malentendu concernant la nature du conflit israélo-palestinien, ainsi que des illusions sur la façon de le résoudre.
Leur représentation du conflit est essentiellement symétrique : deux côtés, deux nations ; une guerre entre ces parties conçue comme une série de batailles dont l’enjeu est la possession d’une part de territoire ; afin de mettre fin à ce conflit, les protagonistes doivent alors s’asseoir autour d’une table et faire la paix. En fait, ceci est également l’image que la propagande israélienne « hasbarah » développe. Cette dernière aborde le langage de la guerre et de la paix de façon symétrique. Ainsi, IsraëL et ses amis décrivent l’assaut de Gaza durant l’hiver 2008/09 (nommé « opération plomb durci ») comme une guerre. En réalité, ce n’en était pas une ; il n’y a eu virtuellement aucun combat. C’était un massacre effectué unilatéralement par IsraëL. De la même manière, la diplomatie israélienne insiste dans sa désignation des territoires conquis en 1967, sur le fait qu’ils sont encore « disputés », selon une vision symétrique, alors qu’ils sont occupés.
En ce qui concerne la paix, personne ne la désire plus ardemment que la plupart des leaders israéliens. Je dis ceci avec à peine un peu d’ironie, c’est la vérité.
Seules quelques personnes, les psychopathes, les dealers d’armes, et autres profiteurs de guerre, ainsi que quelques officiers carriéristes et cyniques , démagogues, avides de promotions rapides, préfèrent réellement la guerre – pour leurs propres intérêts - plutôt que n’importe quelle paix. J’imagine que peu de leaders politiques et militaires appartiennent à ces catégories exceptionnelles. Mais la majorité des leaders israéliens souhaitent authentiquement une paix selon les critères israéliens. Leur plus grand vœu est que le peuple palestinien, soumis et dépossédé, accepte pacifiquement son sort, et abandonne la lutte.
... Dans les conflits coloniaux, les colonisateurs se considèrent toujours comme ceux qui viennent apporter la Paix, les cadeaux des Lumières et du progrès.
Ce sont alors les natifs qui sont les agresseurs, retournant la violence contre leurs bienfaiteurs. Ceci justifie alors l’utilisation de la force supérieure des colonisateurs afin de vaincre leurs agresseurs, ces derniers n’ont donc qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Alors que le but des colonisateurs est d’imposer la paix –selon leurs propres conditions- et s’il le faut, par la force, le peuple indigène a un point de vue différent. La préoccupation de ce peuple n’est pas de faire la paix avec ceux qui l’ont dépossédé, mais de résister à la dépossession. Pour cela, ils ont davantage besoin d’une épée que de la paix.
C’est pourquoi vous pourriez difficilement trouver des « activistes pacifistes » parmi les premiers américains, ou encore les aborigènes australiens résistant à la colonisation au 19 ème siècle, ou enfin parmi les militants anti-apartheid au 20ème siècle. Bien sûr, les pacifistes israéliens ne défendent pas toutes les rudes conditions de paix que leur gouvernement veut imposer aux palestiniens, - bien que certains d’entre eux ne s’opposent pas à ces conditions injustes - mais, par leur approche restrictive de la fin du conflit comme étant strictement dans « la Paix », ils cautionnent, en connaissance de cause ou involontairement, le point de vue des colonisateurs.
Ce point de vue préconçu est inconséquent avec l’internationalisme. Ainsi, les authentiques socialistes israéliens, qu’ils soient hébreux ou arabes, combattent le projet sioniste et ses pratiques : la colonisation, la dépossession, la discrimination, et ils se battent pour obtenir l’égalité des droits et la libération universelle.
La Paix sera un prolongement de la libération, elle n’en est pas un préalable.
NOTE DE B.C., traductrice
Un tel article est essentiel car il mène la lutte idéologique, c’est une arme pour analyser et comprendre non seulement la nature du conflit, mais également les tâches de ceux qui soutiennent la résistance palestinienne. Souvenons nous des slogans flous « paix au Vietnam » et « paix en Algérie », qui refusaient de se prononcer clairement pour la lutte d’un peuple et pour la victoire d’un front de libération ! Le choix des mots indique un cap, la conclusion nous le dit bien : la paix sera un prolongement de la libération pour le peuple palestinien, elle n’en est pas un préalable. Pensons-y pour nos mots d’ordre dans les manifestations.
