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D’où vient le mouvement marxiste-léniniste en France ?

Partisan N°243 - Décembre 2010

D’où venez-vous ? De quel courant êtes-vous ? C’est une question que l’on entend souvent. Les premiers militants « pro-chinois », plusieurs milliers, viennent du PCF, puis d’autres, souvent des intellectuels et des étudiants, les rejoindront. Quand ? Avant 1968.

L’origine de la prise de conscience vient de la rupture du XXe congrès du PCUS (Parti Communiste d’Union Soviétique) en 1961, où son dirigeant de l’époque, Khrouchtchev, proclame l’Etat du peuple tout entier (nature de classe de cet Etat inconnue !) et attaque violemment l’Albanie. Le représentant de la Chine, Chou En-laï, proteste et part avant la clôture. Cet incident spectaculaire fait éclater au grand jour les divergences sino-soviétiques. Pour beaucoup de communistes, le moment est venu de repenser leur engagement.

A la même époque, c’est la guerre d’Algérie. Depuis 1956, les Algériens engagés dans la lutte de libération, les immigrés en France notamment, avaient été scandalisés par l’attitude du PCF dans le conflit, attitude en harmonie avec l’orientation des partis occidentaux que la nouvelle ligne khrouchtchévienne ne pouvait qu’encourager. La lutte des nationalistes algériens n’inspirait guère d’enthousiasme aux « communistes »français. Les militants n’étaient nullement mobilisés pour aider les Algériens. Le parti s’opposait à la guerre par des moyens peu crédibles : pétitions dans les mairies, délégations aux parlementaires, petits meetings. Des ministres « communistes » siégeaient au gouvernement quand avaient eu lieu les massacres de Sétif (voir Partisan d’octobre).

Le PCF refusait d’aider les réseaux de soutien au FNL, sous le motif habituel des opportunistes qu’il fallait soutenir uniquement des actions de masse, alors que c’est la politique même du PCF qui condamnait à l’isolement ceux qui aidaient les Algériens. En 1960, un réseau de soutien au FNL est démantelé par la police, le réseau Jeanson. Le PCF intervient pour le condamner, réaffirmant qu’il était partisan de grandes actions et non d’activité de petits groupes. Jean-Paul Sartre adressa au tribunal une lettre volontairement provocante dans laquelle il se disait prêt à porter des valises d’armes pour la révolution algérienne. On comprend la haine de la bourgeoisie contre Sartre. S’il y avait des déserteurs, le PCF utilisait contre eux le fait qu’il fallait aller à la guerre pour y faire un travail politique. Lénine parlait bien d’y apprendre le maniement des armes pour les retourner contre les officiers... Bien sûr, le PCF n’a rien fait de tout cela. Il a utilisé Lénine pour mieux soutenir une guerre impérialiste. Est-ce que c’est cela le communisme ?, se demandaient les militants.

Pendant ce temps, l’Humanité se surpassait, déclarant que les Chinois faisaient le jeu des impérialistes en refusant de s’associer à la « lutte » pour la coexistence pacifique, en soutenant les luttes armées anti-impérialistes, dont celle de l’Algérie. C’est à ce moment que la direction khrouchtchévienne parla de péril jaune, appelant les occidentaux à se solidariser avec les Soviétiques.

La conjonction du bilan de la guerre d’Algérie et de la polémique sino-soviétique cristallisa la prise de conscience de nombreux militants, la rupture avec le PCF et la création des premières organisations communistes marxistes-léninistes, avant 1968. Telle est l’origine du mouvement m-l européen, alors que de nouveaux contingents allaient grossir les rangs à mesure que la Révolution Culturelle en Chine, la guerre du Vietnam et la grève générale de mai 1968 précipitaient le progrès des idées révolutionnaires.

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