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Réponse à Révolution Permanente à propos du boycott des élections

Les camarades de Révolution Permanente ont publié sur leur site le 12 janvier dernier une critique des positions de l’OCML Voie prolétarienne à l’occasion des élections (voir ICI). Nous les remercions d’ouvrir le débat sur le mot d’ordre de boycott pour ces élections présidentielles (que nous portons), c’est une bonne chose, un débat nécessaire et voici donc notre réponse.

 

La première chose, rapidement, sur notre supposée « posture révolutionnaire, orthodoxe et romantique ». On pourrait éviter ce genre de qualificatifs, et sans citer Lénine (nos textes du bulletin s’adressent d’abord à nos contacts des entreprises, quartiers, associations où nous travaillons), notre histoire est claire. Depuis notre création il y a 38 ans nous avons toujours affirmé que le vote n’était qu’une question de tactique, ce qui veut dire un choix dans un contexte donné, à un moment donné, avec des objectifs donnés. Ce qui nous a amenés à choisir, selon les périodes, toutes les tactiques possibles.
Nous avons voté Mitterrand en 1981 (on nous le reproche encore), appelé à l’abstention en 1983 sous le mot d’ordre « La gauche c’est comme la droite » (et nous étions bien seuls à dire cela à l’époque !), nous avons appelé au vote NUL lors du référendum sur la Kanaky en 1987, nous avons selon les élections appelé à voter Arlette Laguiller ou Olivier Besancenot, nous avons refusé de voter Chirac contre Le Pen en 2002 (et nous n’étions pas nombreux avec Lutte Ouvrière), nous avons même appelé à l’occasion à voter en général « le plus à gauche possible ». Tout est question de contexte et d’appréciation du moment. C’est un choix politique, tactique, et c’est ainsi que nous sommes fidèles (selon nous) aux leçons du mouvement ouvrier. Peut-être un jour présenterons-nous des candidats, qui sait ?
A l’inverse, nous avons assez le sentiment que pour Révolution Permanente, c’est la participation aux élections qui devient une question de principes, quoi qu’elle s’en défende… A voir l’énergie démesurée dépensée par les militants du NPA pour récupérer les signatures, on se dit qu’il y avait quand même mieux à faire dans la période ! Selon nous, l’heure est bien plus à faire le bilan de la loi travail, à organiser la résistance à la répression, à mener débats et polémiques pour clarifier les confusions qui se répandent un peu partout sur tous les sujets (défendre l’industrie, comment combattre le racisme, se démarquer de l’autogestion libertaire, du réformisme du capitalisme à visage humain etc.). A organiser le combat sur une base de classe contre l’exploitation et l’oppression, etc. Il y a du grain à moudre !

 

Donc retour au contexte, et c’est sans doute là qu’est le premier désaccord. Manifestement Révolution Permanente estime que le mouvement populaire est en plein essor, que l’essentiel est de ne pas laisser un vide politique face à Mélenchon sur le terrain électoral. Nous nous permettons d’en douter et d’être circonspects, et en particulier nous renvoyons à notre bilan du mouvement contre la loi Travail que nous venons de publier dans notre Magazine et sur notre site. Nous n’allons pas développer ici, ce serait trop long, mais nous considérons que nous sommes dans une période difficile, de repli, avec certes une mobilisation importante (mais limitée en fait à un secteur très combatif) et surtout un manque de débats de fond assez frappant. C’est ce que nous voyons, mais c’est un autre débat.
Le deuxième volet de ce même point est l’appréciation de la question du rejet du parlementarisme dans les larges masses combattives. Certes des millions de prolétaires sont influencés par les élections et les choix électoraux. Mais dans la fraction la plus avancée et la plus politisée, le principal débat porte aujourd’hui sur le système électoral et la participation aux élections. Jamais ce débat n’a été aussi vivant – quoi que contradictoire nous en conviendrons – autour de nous. Dans les secteurs radicaux, syndicalistes, écologistes, antifa, antiracistes, féministes et LGBT, la question à l’ordre du jour, c’est le boycott et l’abstention. Dans les communes et les quartiers populaires, les gagnants sont élus difficilement avec 10% de la population de plus de 18 ans (immigrés et non-inscrits inclus). Voilà la réalité. Si les camarades ne la voient pas, c’est qu’ils sont aveuglés et vivent dans un autre monde.
D’où notre choix, pour cette élection : nous appuyer sur ce large sentiment populaire pour mener campagne.

 

Deuxième désaccord, c’est de penser qu’appeler au boycott empêche de porter un programme politique révolutionnaire. Depuis quand ? Au contraire, nous ferons nôtre le mot d’ordre « Ce n’est pas parce que nous ne votons pas que nous n’avons rien à dire ! ». Outre le fait que la lutte contre le parlementarisme et la démocratie bourgeoise est un élément de ce programme très politique aujourd’hui, nous comptons bien repartir de notre bilan de la loi travail et de l’actualité pour porter les grands mots d’ordre de la période : « Elections ou pas, leur démocratie c’est la dictature », « contre la guerre économique et son monde », « liberté de circulation et égalité des droits », « Impérialisme français hors d’Afrique et d’ailleurs », « l’internationalisme contre l’impérialisme ! » et autres. Nous ne partageons pas l’idée que la période soit à une plateforme revendicative immédiate, nous sommes bien loin de pouvoir gagner les masses, nous en sommes à rallier les plus avancés des masses combatives, celles et ceux qui s’interrogent politiquement sur le capitalisme, sa crise et les voies et moyens d’en finir avec ce système barbare…

 

La candidature Mélenchon est une candidature réformiste radicale (nous sommes d’accord), mais nous considérons que la candidature Poutou n’est qu’une candidature de lutte finalement assez proche de l’anarcho-syndicalisme (c’est-à-dire qui fait de la lutte elle-même un programme politique anticapitaliste), qui de plus ramène dans le giron du parlementarisme les fractions les plus avancées qui se posent en ce moment des questions sur les élections et la démocratie bourgeoise. Voter Poutou, présenté comme un ouvrier syndicaliste, sympathique, bien sûr favorable à toutes les luttes, mais dont on cherche en vain le programme de fond ? Mais pourquoi « devrait-il donc en être », au fait, on le trouve où son programme révolutionnaire anticapitaliste ? A quoi aboutit cette candidature, certes sympathique, sinon à légitimer le parlementarisme ?
Nous interrogeons les camarades de Révolution Permanente et plus largement les camarades du NPA. Quel bilan faites-vous des élections précédentes, des élections présidentielles de Besancenot puis Poutou, 2002, 2007 puis 2012 ? Que sont devenus les résultats plus qu’honorables de 2002, sinon aspirés par le Front de Gauche ? On est dans la même configuration qu’en 2012, que faites-vous aujourd’hui comme bilan des 1,15% des voix de Poutou pour l’occasion ?

 

Dans le contexte actuel, c’est de politique que nous avons besoin, de projet communiste (et pas un projet de luttes), et de la perspective de reconstruction d’un Parti d’avant-garde, pour avancer vers la Révolution et le Communisme. C’est cela qui ressort du bilan du mouvement sur la loi Travail, et c’est là-dessus que nous ferons campagne – et c’est ce que nous faisons dans cette réponse…

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