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Rojava : le multipartisme contre la démocratie

Partisan Magazine N°19 - Mai 2022

Nous avons régulièrement exprimé, en paroles et en actions, notre solidarité avec la lutte de libération du peuple kurde depuis les années 90 et notamment avec la lutte dans l’est et dans le Nord de la Syrie (Rojava). Nous n’avons jamais présenté comme d’autres le Rojava comme une terre paradisiaque où toutes les contradictions des processus révolutionnaires au XXème siècle auraient été miraculeusement résolues par l’autogestion démocratique (voir notre article « A propos du confédéralisme démocratique » http://ocml-vp.org/article1637.html). Les six à sept millions d’habitant.e.s de l’Autorité Autonome du Nord et de l’Est Syrien (AANES) tentent surtout de survivre et de préserver leurs acquis démocratiques face à la menace de l’Etat turc, de l’Etat Syrien et au milieu des contradictions entre les différentes puissances impérialistes présentes en Syrie (Russie, USA, France.. .). Le Parti de l’Unité Démocratique (PYD), comme son grand frère le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan, présent au Kurdistan de Turquie et à la frontière irakienne) est un front de libération nationale traversé par de multiples contradictions de classes.

Il y a actuellement une importante lutte de ligne au sein du PYD sur différentes questions vitales pour la survie de l’Autorité. En effet les USA font pression en menaçant de lever leur parapluie aérien et suspendre toute fourniture d’armes et de munitions si leurs exigences ne sont pas satisfaites : la rupture des liens entre le PYD et le PKK (dont les bases à la frontières irakiennes sont menacées d’extermination par l’armée turque), l’épuration des membres du PKK qui continuent à combattre au sein des Forces Démocratiques Syrienne, un rapprochement de l’ Autorité avec le Gouvernement Régional du Kurdistan d’Irak (un gouvernement de féodaux alliés aux USA et collaborant avec l’armée turc dans son offensive anti-PKK) , et enfin une « gouvernance inclusive » au Rojava.

Il faut réfléchir à ce qui se cache derrière ce joli concept de « gouvernance inclusive ». Il y a un parti dirigeant au sein de l’AANES, c’est le PYD (même s’il a des alliés), ce parti ne se substitue pas à l’Etat (pour l’instant en tout cas) : la gestion des affaires civiles est assurée par des conseils populaires. Ces conseils populaires sont certainement les organismes les plus inclusifs de Syrie puisque toutes les communautés présentes sur le territoire (Kurdes, Arabes, Turkmènes, Syriaques etc.) y sont représenté.e.s et que les femmes y sont en parité avec les hommes (dans un ratio de 40 à 60).

Ce que les Etats unis appellent inclusivité, c’est autres choses : c’est une plus grande place pour les chefs féodaux traditionnels (notamment arabes), qui ont perdu de leur autorité à la faveur du processus révolutionnaires, et c’est aussi le retour des partis politiques traditionnels (notamment des partis kurdes liés aux grandes familles féodales du Kurdistan d’Irak, Barzani et Talabani).

Il s’agit donc d’éliminer les éléments de démocratie directe issus de la révolution, pour leur substituer une démocratie représentative, avec des élus professionnels, coupés des masses, ne rendant pas de comptes aux masses, mais uniquement aux partis clientélistes et corrompus qui les ont soutenus.

Voilà le modèle de la démocratie occidentale que les impérialistes US voudraient imposer au monde entier.
On pense à une vieille chanson punk belge :
« Si le spectacle électoral n’était pas si propice à l’extension du marché, on ne nous le parachuterait pas en casque bleu, sac de riz à la main, mitraillette à l’épaule » (René Binamé, Quelques mots sur le cirque électoral)

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