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Questions et réponses sur la guerre en Ukraine

Partisan Magazine N°19 - Mai 2022

Notre plaquette : http://ocml-vp.org/article2326.html
Traduite également en anglais, en espagnol et en grec

Nous avons publié cette petite plaquette le 8 mars, pour répondre aux multiples questions et craintes, ou idées fausses répandues autour de nous. Une quinzaine de questions, toutes encore d’actualité :
1) Peut-on renvoyer Russes et Ukrainiens dos à dos ?
2) Mais Poutine, l’OTAN, l’UE ?
3) Quelle est l’Histoire de l’Ukraine ?
4) L’Ukraine est-elle une nation ?
5) Que se passe-t-il dans le Donbass ?
6) Les Russes d’Ukraine sont-ils opprimés ?
7) L’Ukraine est-elle dirigée par des Nazis ?
8) Pourquoi Poutine a-t-il envahi l’Ukraine ?
9) Que viennent faire l’OTAN et l’UE là-dedans ?
10) La Russie est-elle un pays impérialiste ?
11) Est-ce qu’on va vers la 3ème Guerre Mondiale ?
12) Quel est le rôle de la Chine ?
13) Faut-il soutenir les sanctions ou une intervention de l’OTAN ?
14) Quel sera l’impact sur nos vies ?
15) Un avenir incertain, mais un potentiel de révolution !

Il nous faut ajouter aujourd’hui deux questions supplémentaires

16) Faut-il revendiquer « des armes pour l’Ukraine », comme a pu le faire un temps le NPA ?
La question n’est pas nouvelle et s’était déjà posée en Bosnie (voir notre article de 1994 en ligne « Bosnie : faut-il exiger la levée de l’embargo sur les armes ? » http://ocml-vp.org/article815.html). Notre position est claire :
-  En négatif, nous nous opposons à TOUS les blocus et TOUTES les sanctions envers TOUTES les parties.
-  Nous, comme communistes, n’avançons pas en positif l’exigence de livrer des armes, dans la mesure où elles serviront au premier chef le gouvernement réactionnaire pro-occidental, voire aux secteurs fascistes, mais nous reconnaissons au peuple ukrainien le droit de s’armer. S’il y avait des Brigades Internationales progressistes (à l’instar de la Guerre d’Espagne, ou du Rojava), la question serait évidemment à rediscuter.
-  Quoiqu’il en soit, l’OTAN arme massivement et lourdement Zélenski et la question ne se pose plus.
Cette position est détaillée dans l’article sur la Bosnie dont nous parlons ci-dessus.

17) Faut-il accueillir les réfugiés ?
Evidemment. Déjà plus de 10 millions de réfugiés dans les pays voisins, surtout femmes, enfants et personnes âgées. Mais cet accueil doit être inconditionnel, quel que soit la couleur de la peau (les Africains, ou les dizaines de milliers d’Indiens abandonnés par Modi), quelle que soient les orientations sexuelles (en particulier les transgenres sont refoulés par les gouvernements réactionnaires comme la Pologne). Les frontières doivent être ouvertes sans conditions, dans le cadre de la libre circulation et de la protection des victimes.
L’occasion de souligner à nouveau le traitement absolument discriminatoire envers les populations syriennes ou afghanes, les migrants africains qui fuient elles aussi la guerre et la misère. L’humanité occidentale est à sens unique et très intéressée envers des populations bien blanches et européennes, mais en construisant murs et barbelés contre les populations des pays dominés d’Afrique et d’Asie.

Une discussion autour de ces questions et réponses

Mi-avril, une rencontre a eu lieu une rencontre entre militants de VP et quelques contacts, pour discuter un peu plus à fond sur la guerre en Ukraine, en partant de notre plaquette de « Questions et Réponses », qui a par ailleurs un franc succès de diffusion, traduite d’ailleurs en plusieurs langues.

Quelques réflexions issues de cette rencontre
• Il est sans doute excessif de comparer l’invasion de l’Ukraine à celle de l’Irak et de la Lybie. Dans le cas présent, l’Ukraine est un régime ouvertement libéral et réactionnaire qui a clairement choisi le camp de l’OTAN, des USA et de l’Europe. C’est donc de manière très marquée l’affrontement entre deux camps impérialistes ce qui n’était pas le cas pour les autres interventions. Ecriture trop rapide qu’il ne faut pas renouveler.
• Il y a autour de la guerre de multiples contradictions qu’il faut démêler :
-  L’affrontement entre l’OTAN et les USA d’un côté et la Russie post 1989 humiliée comme puissance déclinante (comme l’Allemagne en 1939).
-  Le Droit des Nations à disposer d’elles-mêmes, illustré par l’agression de la Russie impérialiste contre l’Ukraine.
-  Les contradictions internes à l’Ukraine, entre l’Ouest et le Sud-Est, articulées sur des visions différentes du nationalisme ukrainien, et des contradictions de classe différentes.
-  Les contradictions de classe internes à l’Ukraine, qui s’entremêlent avec des revendications nationalistes.
Nous sommes d’accord pour dire qu’actuellement la contradiction principale est bien celle du Droit des Nations à disposer d’elles-mêmes, mais il ne faut pas abandonner les autres. Hors de question par exemple de soutenir d’une quelconque façon le camp bourgeois Zelenski pro OTAN et pro UE à la tête de l’Ukraine.
Mais nous étions tous d’accord pour dire que l’analyse était bien compliquée et que garder une position de classe était sur le fil du rasoir !
• Concernant les fameux « nazis » ukrainiens, nous étions tous d’accord pour constater leur existence, au moins sous la forme d’un ultra-nationalisme radical. S’il peut être marginal au niveau électoral, il est certain qu’il imprègne la société, parce qu’il a montré sa radicalité et sa détermination à combattre la domination russe. Ainsi, même si tout le bataillon Azov était exterminé à Marioupol, il restera le caractère héroïque de sa résistance jusqu’au bout (pour la population ukrainienne) et donc la possibilité qu’il « fasse des petits ». L’idéologie repose sur des faits matériels, et malheureusement il n’y a pas de Combattants Internationaux Internationalistes pour proposer une alternative. Le caractère très pro-impérialiste de l’Ukraine y est sans doute pour quelque chose, à la différence de l’Espagne républicaine.
• D’une question à l’autre, sans être pour autant contradictoire, le texte n’est pas assez précis sur les contradictions de classe en Russie même. Qui d’ailleurs lui confèrent au premier chef son caractère impérialiste, ce qui n’est pas précisé. Il faut être clair, on soutient les pacifistes, on soutient le prolétariat russe contre son exploitation, on combat le nationalisme de tous les côtés.
• En Russie même on constate la force incroyable du nationalisme autour du ciment de la « Grande Guerre Patriotique anti-nazie », qui se manifeste dans l’appui à Poutine. Et qui débouche sur des conceptions quasiment fascistes génocidaires contre les Ukrainiens dans leur ensemble, considérés comme des nazis à éliminer dans leur globalité. Des textes théoriques disponibles (https://www.leshumanites.org/post/le-mein-kampf-de-poutine-dénazification-de-l-ukraine-l-effrayante-tribune-de-t-sergueïtsev) ont été cités pour illustration.
• Quand on parle de la situation géopolitique mondiale, des contradictions entre OTAN et Russie, la place de la Chine etc. il faut faire très attention à mettre en avant un point de vue de classe. Comme il manque véritablement une internationale antiimpérialiste, la tentation est forte à mener le débat en termes d’idées en l’air, sans appui sur la réalité véritable des contradictions de terrain. Exemple, quand on parle du pillage des ressources en Afrique ou en Amérique Latine par la Chine, des révoltes et mobilisations que cela provoque, son caractère impérialiste devient tout de suite beaucoup plus clair.
• Sur la création de l’Ukraine et son caractère d’état national, il a été rappelé qu’en fait les nations ne sont apparues qu’avec la consolidation du capitalisme, au XIXème et au début du XXème siècle, et pas seulement dans l’Europe de l’Est. Auparavant, c’était le féodalisme qui régissait le caractère des Etats, mouvant selon les alliances et les enjeux conjoncturels.
De nombreuses autres questions ont été abordées, débat riche et complexe, et on peut vraiment dire que nous avons avancé, collectivement, dans notre compréhension de la situation.

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