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Questions et réponses sur la guerre en Ukraine

Soutien aux peuples ukrainien et russe - contre l’impérialisme, le chauvinisme, le capitalisme, pour l’autodétermination et la Révolution !

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Egalement en anglais : https://ocml-vp.org/article2328.html, en castillan : https://ocml-vp.org/article2329.html et en grec : https://ocml-vp.org/article2334.html


1) Peut-on renvoyer Russes et Ukrainiens dos à dos ?

Non. La résistance populaire ukrainienne contre l’agression russe est légitime. Cette agression s’inscrit dans un contexte de rivalité entre blocs impérialistes, mais à partir du moment où la Russie envahit l’Ukraine, prétend changer son gouvernement et lui imposer son système d’alliance, il s’agit d’une attaque d’une puissance impérialiste contre l’indépendance d’un petit pays et de son peuple. On doit la condamner comme on a condamné l’invasion de la Libye, de la Côte d’Ivoire et d’autres pays africains par l’Impérialisme français, comme on a condamné l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan par les USA… Comme on devait condamner il y a 40 ans l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, invasion impérialiste menée au nom du socialisme. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est comparable à l’invasion allemande nazie de la Pologne, des Sudètes, puis de la Belgique et de la France.
Il y a une lutte de libération nationale juste en Ukraine, tout dépend ensuite de qui la mène et qui la dirige, dans quelle direction.

2) Mais Poutine, l’OTAN, l’UE ?

Nous ne soutenons ni la Russie, ni le gouvernement bourgeois réactionnaire ukrainien de Zelinsky (soumis aux oligarques et aux impérialistes occidentaux), ni les interventions des impérialistes US, français ou allemand dans l’affaire à travers l’alliance militaire de l’OTAN qui les regroupe.

La Russie agresse l’Ukraine de la même manière que les USA ont agressé, par exemple, l’Irak : utiliser des mensonges éhontés pour avancer des intérêts économiques et géopolitiques, quoi qu’il en coûte aux peuples. Les USA et leurs alliés de l’OTAN sont bien les premiers fauteurs de guerres sur la planète, ne l’oublions pas.

Si nous renvoyons dos à dos les impérialistes, c’est pour mieux souligner le rôle que la classe ouvrière doit jouer. Face à cette invasion notre solidarité doit aller au peuple ukrainien et à ses organisations ouvrières et révolutionnaires. En même temps, comme nous sommes en France, nous devons dénoncer la responsabilité de notre impérialisme dans la situation, refuser ses manœuvres guerrières, sa propagande nationaliste et son climat d’union sacrée entre les classes. Notre ennemi principal est dans notre pays.

Notre boussole doit être la solidarité de classe, pas des calculs géopolitiques. A ce jour, il n’existe pas de force politique assez forte pour entraîner la lutte de libération du peuple ukrainien sur une voie révolutionnaire. Nous soutenons les Russes qui courageusement s’opposent à la guerre menée par leur gouvernement. Nous sommes bien sûr pour l’accueil des réfugié.e.s ukrainien.ne.s, comme nous sommes pour l’accueil de tou.te.s les réfugié.e.s, quels que soient leur couleur de peau et leur pays d’origine, qui fuient la misère et les guerres impérialistes. Nous dénonçons à ce titre le tri raciste des réfugié.e.s africains et maghrébins aux frontières polonaise et slovaque et dans les gares ukrainiennes.

3) Quelle est l’Histoire de l’Ukraine ?

Depuis des siècles, l’Ukraine est victime des empires et des expansionnismes voisins : Empire Ottoman, Pologne, Russie, Autriche l’ont pris comme champ de bataille. Tous ont nié les droits nationaux des Ukrainiens. Finalement, elle sera intégrée à la Russie tsariste. Après 1917, l’indépendance est proclamée par des nationalistes et des sociaux-démocrates soutenus par les impérialistes occidentaux qui veulent affaiblir la Révolution russe. En réponse, les Bolcheviks proclament une république des soviets d’Ukraine intégrée à l’URSS. Lénine insiste sur le droit à la sécession et la promotion de la culture et de la langue ukrainiennes (Poutine le lui a reproché depuis). Mais parallèlement à la dégénérescence bourgeoise de l’URSS, le chauvinisme grand-russe se développe au détriment des droits nationaux des peuples fédérés, dont les Ukrainien.ne.s. La collectivisation très brutale de l’agriculture, la volonté d’augmenter la population russophone…exacerbent le sentiment antisoviétique et renforce les partis nationalistes, qui collaborent avec les nazis pendant la Seconde guerre mondiale. L’Ukraine devient indépendante en 1991. Politicien.ne.s pro-russes et pro-occidentaux, liés à de puissants oligarques (les capitalistes monopolistes) rivalisent pour le pouvoir. Après des années de confusion, les choses s’accélèrent avec l’occupation de la place Maïdan en 2014, prélude au renversement du président pro-russe Yanoukovitch. L’Etat russe va en représailles annexer la Crimée, qui est majoritairement russe et abrite sa principale base navale sur la Mer Noire.

4) L’Ukraine est-elle une nation ?

Oui. L’Ukrainien est une langue proche du Russe, mais bien distincte. « Berceau de la civilisation russe », le pays a une histoire souvent mêlée à celle de la Russie, mais avec sa trajectoire propre. En 1991, plus de 90% de la population a voté en faveur de l’indépendance, même dans les zones majoritairement russophones du Donbass et de la Crimée. L’identité ukrainienne semble être une identité parfois floue, multiple, mais bien réelle. Une grande partie de la population, bien que de langue maternelle russe, se considère comme ukrainienne et non comme russe, même si la Russie est considérée comme un pays frère. Dans les régions de l’Ouest du pays (la Galicie) l’identité ukrainienne est très forte et toute la population parle Ukrainien. Dans le Donbass, tout à l’Est, la langue russe est majoritaire et on se définit majoritairement comme russe. Mais dans la majeure partie de l’Ukraine centrale, les langues et les identités s’entremêlent.

5) Que se passe-t-il dans le Donbass ?

Après la fuite du président pro-russe Yanoukovitch en 2014, dans la région traditionnellement pro-russe et industrielle (avec ses mines et son industrie lourde) du Donbass un mouvement sécessionniste se développe autour de la défense de la langue russe, du passé soviétique et des emplois ouvriers. En effet l’économie locale est dépendante du marché russe. Populaire et semi-spontané au départ, ce mouvement sera progressivement phagocyté par l’Etat russe qui fera tout pour en éliminer les quelques aspects progressistes. Aujourd’hui, les « Républiques populaires » de Lugansk et de Donetsk, malgré leur nom ronflant, sont devenus des Etats mafieux et paramilitaires, dont l’idéologie mêle ultra-nationalisme russe et nostalgie de l’URSS sociale-impérialiste. Les milices pro-russes affrontent depuis l’armée ukrainienne.

6) Les Russes d’Ukraine sont-ils opprimés ?

Après l’indépendance de l’URSS, le Russe est resté la langue principale de l’économie, des médias, de la politique, même si l’Ukrainien avait été proclamé seule langue officielle. Le Russe est en effet la seule langue que tout le monde comprend. Mais les nationalistes ukrainiens pro-occidentaux poussent pour limiter l’usage de la langue russe et imposer celui de l’Ukrainien. Ces dernières années, des lois ont visé à rendre l’usage de l’Ukrainien obligatoire dans les administrations et les commerces, mais ces lois sont difficilement applicables. La situation des Pays Baltes voisins, ou les russophones subissent de graves discriminations allant jusqu’à la perte de citoyenneté a pu nourrir des inquiétudes réelles. En bref, les russophones se voient injustement entravés dans l’usage de leur langue (qui mériterait d’être reconnue comme langue officielle aux côtés de l’Ukrainien), mais il n’y a à ce jour en Ukraine aucune discrimination raciste vis-à-vis des russophones en tant qu’individu.e.s, et encore moins de « génocide » comme le prétend Poutine.

7) L’Ukraine est-elle dirigée par des Nazis ?

Non. Mais il existe en effet des groupes nazis héritiers des collabos de la Seconde guerre mondiale très actifs et effrayants. Ils ont même par le passé fait de bons scores aux élections, participé au premier gouvernement du président Porochenko et formé des milices (comme le bataillon Azov) qui ont été intégrés à l’armée nationale. Ces groupes ont commis des assassinats contre des militants de gauche. En 2014, ils brûlèrent vifs plusieurs dizaines de personnes dans l’incendie de la Bourse du travail d’Odessa. Les gouvernements pro-occidentaux ont montré une certaine tolérance à leur égard, bien content de pouvoir compter sur ces troupes de chocs dans la guerre du Donbass. Oui, il y a un problème avec les nazis en Ukraine. Cependant, les gouvernements successifs ont toujours plus ou moins maintenu la démocratie bourgeoise en Ukraine (même s’il y a quelques années, le Parti communiste a été interdit). L’influence de ces nazis a même nettement décru ces dernières années, avec la stabilisation du pouvoir bourgeois. Le président actuel, Zelensky, est russophone et d’origine juive, et a été élu sur un programme libéral, populiste et anti-corruption (avec les votes aussi bien de l’Ouest que des régions de l’Est où les élections ont pu se tenir). Et d’ailleurs, Poutine se montre très tolérant avec les groupes nazis actifs en Russie, qui commettent de nombreux crimes racistes sans être trop inquiétés : ainsi le principal dirigeant de la milice russe Wagner (bras armé de Poutine en Afrique) se réclame du nazisme. Poutine n’a jamais cherché à dénazifier la Russie, étrange que cela motive son intervention en Ukraine !
Il y a des groupes fascistes et nazis en France même (autour de Zemmour, par exemple), l’extrême-droite fait 50% aux élections dans l’armée et la police, et cela n’en fait pas une raison suffisante pour dire que la France est un pays nazi.

8) Pourquoi Poutine a-t-il envahi l’Ukraine ?

Déjà, la Russie est mécontente de la progression de l’OTAN et de l’UE vers l’Est, qui ont absorbé d’anciens pays du Bloc de l’Est. En 1990, en échange de la dissolution de ce Bloc, les USA avaient promis que l’OTAN ne s’étendrait pas vers d’autres pays. (L’OTAN, c’est l’alliance militaire dirigée par les Etats-Unis qui réunit le Canada et la plupart des pays d’Europe, elle a été formée au début de la guerre froide pour endiguer l’expansion soviétique). Cette promesse a été trahie. La Russie ne veut surtout pas que l’Ukraine rejoigne ces deux organisations, ce qu’elle considère être une menace pour sa sécurité. D’autant plus que la Russie a de nombreux intérêts en Ukraine, pays grand producteur de blé et très industrialisé dont l’économie a toujours été très imbriquée avec l’économie russe, et qu’elle a été évincée comme principal partenaire commercial au profit de l’UE. Cependant, ce n’est pas la seule raison à l’intervention russe, et peut-être même pas la principale. Dans son discours le jour du début de l’invasion, Poutine a affirmé que l’Ukraine n’était pas une nation et qu’elle revenait de droit à la Russie. En bref, Poutine rêvait d’absorber l’Ukraine, et cette guerre n’est pas une simple guerre d’autodéfense comme le prétend l’État russe, mais une guerre expansionniste menée au nom du nationalisme russe. En plus, la crise économique accroit depuis plusieurs années les contradictions sociales internes à la société russe, sans compter la contestation de masse des élections truquées. Une bonne guerre est toujours un bon moyen de détourner les masses de la Révolution.

9) Que viennent faire l’OTAN et l’UE là-dedans ?

Certains ont pu croire qu’avec la fin de la Guerre froide, l’OTAN disparaitrait. Un essayiste US à succès de l’époque, Francis Fukuyama prédisait même « La fin de l’Histoire » et la paix perpétuelle grâce au libre-échange capitaliste. En réalité, la chute de l’URSS n’a pas mis fin aux contradictions du système capitaliste ni à la concurrence mondiale entre puissances impérialistes. Par définition, l’impérialisme doit toujours s’étendre et chercher à s’imposer à ses concurrents. Dès 1992, le Pentagone (le ministère de la défense US) avait dit que sa stratégie consisterait à "empêcher l’émergence de tout concurrent potentiel sur la scène mondiale" après la fin de l’Union soviétique. Ces dernières années, les USA cherchent à contrecarrer la montée en puissance de la Chine, dont ils craignent qu’elle ne leur ravisse l’hégémonie mondiale. La politique des gouvernements US successifs a été hésitante envers la Russie ces dernières années : tantôt ils ont cherché à étendre l’OTAN vers l’Est dans l’ancienne sphère d’influence du social-impérialisme soviétique, tantôt ils ont cherché à détacher la Russie de son allié chinois.
Quant à l’UE, elle sert essentiellement les intérêts des deux puissances impérialistes que sont la France et l’Allemagne. Son extension vers l’Est permet l’ouverture de nouveaux marchés et de nouveaux stocks de main d’œuvre.

10) La Russie est-elle un pays impérialiste ?

Oui. La Russie n’a plus la puissance de l’ex-URSS. Son PIB est équivalent à celui du Benelux ou un peu plus que celui de l’Espagne. Mais elle a la main sur d’importantes ressources naturelles, hydrocarbures et métaux rares, et elle est aussi une grande exportatrice d’armes. Elle investit à l’étranger les capitaux qu’elle en retire. Elle tente de rétablir une industrie exportatrice et a hérité de l’URSS une armée puissante. Depuis quelques années, elle s’immisce dans les chasses gardées de la France en Afrique. D’où une montée des tensions entre elle et ses concurrents. La Russie est un pays impérialiste en crise et agressif qui cherche à soumettre les peuples à sa propre volonté et à ses propres besoins, pas à les « libérer » du « Nouvel ordre mondial » dirigé par les USA, comme le raconte Poutine. Au Kazakhstan, en Syrie, elle soutient des régimes prédateurs et meurtriers qui n’ont rien à envier aux États fantoches de la Françafrique.

11) Est-ce qu’on va vers la 3ème Guerre Mondiale ?

A priori non. Les capitalistes sont soucieux de maintenir le fonctionnement de la machine économique mondiale. Leur souci, c’est qu’ils sont à la fois interdépendants et concurrents, et les conflits entre eux ont vite un impact important sur l’économie mondiale. Mais en même temps, il est déjà arrivé dans l’Histoire que les choses s’accélèrent, qu’après des années voir des décennies de montée des tensions, le Monde plonge dans l’abîme. Le fait que les acteurs de ce conflit possèdent tous l’arme nucléaire incite les peuples du monde à la plus grande vigilance.
De crise en crise, les contradictions s’accentuent et le réarmement s’accélère partout : Chine, Russie, Allemagne, France, ne cessent d’augmenter leur budget de défense, et les contradictions militaires et nationalistes s’additionnent aux contradictions économiques et concurrentielles. Le risque de conflit général réapparaît donc, alors qu’on ne cessait de nous chanter la paix mondiale après la chute du Mur de Berlin et de l’effondrement de l’URSS.

12) Quel est le rôle de la Chine ?

Elle reste prudente. Au début de la crise elle a marqué son souci de préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine mais s’abstient de condamner ouvertement son allié russe qui aura besoin d’elle pour réorienter son économie et contourner les sanctions. Les banques chinoises qui renflouent l’économie russe depuis 15 ans s’inquiètent d’ailleurs de nouveaux emprunts russes qui lui paraissent peu solvables.

13) Faut-il soutenir les sanctions ou une intervention de l’OTAN ?

Non. Ce sont toujours les populations qui en souffrent (Iraq, Iran), sans que la cause de la démocratie n’avance d’un iota : au contraire les Etats en profitent généralement pour renforcer leur contrôle sur leur population. Comme nous nous sentons solidaires du peuple ukrainien victime de la guerre, nous nous solidarisons également avec le peuple russe qui manifeste courageusement son opposition à cette guerre mais subira pourtant les conséquences de cet affrontement inter-impérialiste.
Aujourd’hui il parait naturel dans les pays occidentaux de sanctionner et boycotter la Russie pour la punir d’avoir envahi l’Ukraine. Pourtant, dans ces mêmes pays, le boycott d’Israël, qui occupe la Palestine, est criminalisé. Deux poids, deux mesures !

L’Histoire montre que plus sont nombreuses les puissances étrangères qui s’ingèrent dans un pays en guerre au prétexte de lui venir en aide, plus la situation s’aggrave (Libye, Syrie). Nous dénonçons la guerre menée par la Russie contre le peuple d’Ukraine, mais nous dénonçons les querelles de brigands entre impérialistes.

14) Quel sera l’impact sur nos vies ?

Macron l’a dit, pour « l’effort de guerre » contre la Russie, il faudra faire des sacrifices « le pire est à venir ». Il y aura augmentation importante de budget de l’armée (aux dépens de quels services utiles à la population ?) et un battage propagandiste militariste et chauvin. Il y a déjà l’augmentation affolante des prix de l’énergie, puis de tout le reste. La pression sera forte sur le prolétariat pour qu’il mette en sourdine ses intérêts et ses luttes pour soutenir l’effort de guerre contre la Russie. Nous devons dès à présent refuser l’union sacrée avec notre bourgeoisie, refuser de payer pour la guerre impérialiste.

Dans les pays dominés, notamment en Afrique, la situation risque de dégénérer encore plus gravement : Ukraine et Russie comptent pour 30% des importations de blé du continent, et c’est la disette qui guette.

15) Un avenir incertain, mais un potentiel de révolution !

Cette guerre peut ouvrir un potentiel révolutionnaire en déstabilisant l’impérialisme russe (déjà miné par de fortes contradictions sociales et politiques) et en donnant la possibilité au peuple ukrainien de prendre ses affaires en main. Il est arrivé par le passé que des guerres entraînent des révolutions et que les révolutions arrêtent des guerres. Même aux heures les plus sombres, nous plaçons notre espoir dans la classe ouvrière et les peuples. C’est la lutte des peuples qui imposera la paix pas des tractations entre brigands impérialistes qui se partagent les peuples comme des proies à dépouiller au conseil de sécurité de l’ONU.
Reste au peuple ukrainien, comme au peuple russe d’ailleurs, à se constituer une avant-garde rouge, résolument anti-capitaliste et anti-impérialiste, anti-nationaliste, sur la base de la solidarité internationale entre les peuples contre leurs ennemis communs !

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