Approfondir > Les guerres de l’eau mondialisées
Les guerres de l’eau mondialisées
Partisan Magazine N°20 - Décembre 2022
Les conflits de l’eau en France ne sont que l’illustration locale pour nous de la généralisation des conflits qui se généralisent sur toute la planète autour de cette ressource vitale.
Les raisons en sont toujours les mêmes
• Le réchauffement climatique et les catastrophes qu’il engendre, entre sécheresses intenses, incendies monstrueux, inondations cataclysmiques et montée des eaux parfois réunies à la chaîne sur le même pays, comme au Pakistan récemment. L’eau devient rare et précieuse, alors qu’elle semblait inépuisable.
La faute est désormais établie : non pas une quelconque variation climatique naturelle millénaire, mais l’impact de l’activité humaine – ou plus exactement du capitalisme industriel qui détruit la nature en même temps qu’il détruit l’esprit et le corps des travailleurs du monde entier. L’utilisation des combustibles fossiles, des gaz à effet de serre depuis deux cents ans aboutit à la ruine de la planète, c’est ainsi que le capitalisme s’est construit, depuis les mines du XVIIIème et XIXème siècle jusqu’aux pétrodollars d’aujourd’hui.
• Non content de détruire la planète, les monopoles impérialistes consomment de plus en plus de ressources en eau pour leurs plus grands profits :
L’agro-industrie capitaliste et l’irrigation intensive qui assèchent les fleuves et les nappes phréatiques ; c’est par exemple le cas du fleuve Colorado, qui traverse sept Etats américains qui puisent à tour de rôle dans le fleuve au point de quasiment l’assécher. Ou des fleuves Amou-Darya et Syr-Daria en Asie centrale, asséchés par la culture du coton au point de faire quasiment disparaître la Mer d’Aral.
L’hydroélectricité, avec de plus en plus de barrages et de turbines installées en cascade, source de conflits récurrents dès qu’un barrage est construit, l’eau se joue des frontières.
Des besoins croissants pour l’industrie et le BTP, qu’il s’agisse du refroidissement des procédés, du nettoyage ou de la construction. Sans parler des loisirs de luxe comme le golf, le ski ou autre… Voilà que l’Arabie Saoudite va organiser les Jeux Asiatiques d’hiver en 2029, on est en plein délire et gaspillage capitaliste !
L’eau potable reste une nécessité vitale bien sûr, mais n’est qu’une faible part de la consommation mondiale de la ressource (10% contre 70% pour l’agriculture et 20% pour l’industrie). C’est néanmoins un enjeu géopolitique majeur avec des incidences sanitaires, comme la réapparition du choléra ou de la dysenterie à Haïti, au Liban ou en Syrie.
• Et l’accentuation des conflits entre monopoles, entre pays pour le contrôle de l’eau. Avec une double menace :
Les conflits autour du contrôle des fleuves internationaux, comme le Tigre et l’Euphrate entre la Turquie, la Syrie et l’Irak autour de la construction du barrage Taqba en 1973 en Syrie, puis les problèmes avec la prise de contrôle des barrages par Daech ; le Nil entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie autour de la construction du barrage Renaissance en Ethiopie en cours de remplissage, le contrôle de la Chine sur le Mékong et le Brahmapoutre avec le réservoir stratégique du Tibet, les accrochages autour du Rio Grande en 2020 ou les paysans Mexicains se sont révoltés contre l’assèchement du fleuve par les Etats-Unis etc. Jusqu’à détruire des barrages et canaux comme Israël en Syrie et Jordanie, pour s’assurer le contrôle des eaux du Jourdain – et tant pis pour les Palestiniens !
Tout pays se situant en amont sur le fleuve possède de fait un moyen de pression sur les pays en aval… D’où la multiplicité des conférences, accords internationaux, de l’ONU au Groupe de Shanghaï en passant par la Conférence des Pays islamiques qui tentent de réguler les conflits alors mêmes qu’ils se multiplient dans la crise impérialiste mondialisée. Les ressources en eau sont supposées bénéficier d’une protection absolue au niveau international, mais on sait ce qu’il reste des beaux discours dans des situations de crise !
Les risques contre les infrastructures sont de plus en plus importants. On ne se rappelle pas du bombardement dévastateur de barrages allemands par l’aviation anglaise en mai 1943, mais on a vu la menace de Poutine contre le barrage de Kakhovka en amont de la ville ukrainienne de Kherson. Et on voit les bombardements systématiques du réseau d’eau qu’il mène pour épuiser la population. Les rebelles Houthis ont attaqué à plusieurs reprises les usines de dessalement de l’eau de l’Arabie saoudite, et les conflits de clans pour le contrôle des aqueducs en Lybie ou en Jordanie sont récurrents.
Sans parler des risques d’attentat chimique, de contamination, d’empoisonnement, bref toutes les formes d’aquaterrorisme pris très au sérieux par toutes les grandes puissances.
• Enfin, dans ce contexte de crise générale et mondialisée, il faut souligner les liens de plus en plus étroits entre les monopoles de l’eau, la finance et les Gouvernements de chaque pays. C’est le cas bien sûr en France avec Veolia et Suez, mais comme pour le nucléaire, cette fusion impérialiste entre monopoles et appareil d’Etat provoque corruptions, conflits d’intérêts, détournements de subventions publiques, des sommes astronomiques sont ainsi détournées par les monopoles, sous couvert d’intérêt stratégique. L’exemple caricatural est le barrage brésilien de Belo Monte sur le fleuve Xingu, source de multiples controverses, entre impact environnemental, erreurs de dimensionnement et corruption récurrente. A noter que Lula avait validé le projet en 2010 alors qu’il était président, malgré toutes les controverses… Autre exemple, la « guerre de l’eau » à Cochabamba en Bolivie en 2000, avec un soulèvement paysan victorieux contre la privatisation (avec l’appui du gouvernement) de cette ressource vitale.
Sans développer plus ici, on voit déjà très nettement tous les enjeux des guerres de l’eau.
• Il ne s’agit pas d’une crise climatique ou environnementale, mais d’une des facettes de la crise généralisée du système capitaliste-impérialiste. Ce n’est pas « l’homme » en général qui détruit la planète, mais le bourgeois, l’exploiteur, le financier.
Et c’est le travailleur, le prolétaire, le paysan pauvre, hommes et femmes, qui seront leur fossoyeur, sur toute la planète.
• La crise de l’eau est une crise mondiale et mondialisée, où il ne peut y avoir de solution nationale, pour la bonne et simple raison que les océans et les grands fleuves sont internationaux. Seul l’internationalisme peut répondre aux crises à venir, seul l’internationalisme pourra apporter la solidarité mondiale aux plus démunis.
• Ces crises sont graves, elles mélangent des enjeux économiques, sociaux, écologiques, militaires, au plan international. C’est bien un « système » que nous combattons.
• Les crises de l’eau mettent au premier plan la nature barbare et destructrice du « système » capitaliste. Elles nous imposent d’y répondre par un autre « système », qu’il nous faudra imposer par la force aux exploiteurs.
Un système où le choix des priorités des usages devra être débattu et remis en cause. Plus d’agro-industrie (maïs…), plus de gaspillages inutiles, plus de procédés d’exploitations gouffres en ressources. La réponse aux besoins de la population, et des prolétaires en premier lieu, les économies de ressources et la lutte contre le gaspillage, une nouvelle alimentation sobre et économe, une répartition équitable des ressources entre les peuples, selon les climats et la géographie.
Un système où les ressources naturelles seront utilisées de manière renouvelable et économe, où l’eau sera un bien précieux non marchand, où le combat contre le réchauffement climatique deviendra une priorité essentielle, pour réparer les dégâts du passé.
Un système où la mobilisation de toutes et tous, sur une base de classe, ne sera pas celle du colibri qui apporte sa goutte d’eau sur l’incendie, mais sera une mobilisation politique décisionnaire pour empêcher les catastrophes elles-mêmes, par le biais d’Etats socialistes communalistes, où ce seront le prolétariat et le peuple qui décideront pleinement des choix et priorités, sans remettre leur pouvoir dans les mains d’experts, qu’ils soient techniques, politiques ou associatifs.
• Les crises de l’eau sont des affaires avant tout politiques et pas associatives, c’est évident. Où s’affrontent des classes, où se jouent des enjeux de classe. En face de nous, les bourgeois, les exploiteurs, les financiers sont armés, organisés dans les Etats capitalistes, dans les monopoles. Nous, les exploités, les prolétaires, nous sommes divisés, nous n’avons pas de quartier général. Nous nous éparpillons dans des associations parfois très radicales et très respectables, mais nous abandonnons le terrain politique révolutionnaire, communiste, aux bourgeois ou aux réformistes qui prétendent avoir une solution facile et sans bouleversements…
Nous le disons tranquillement : nous savons que s’organiser politiquement est plutôt « mal vu » dans la période actuelle, qu’il est plus facile de se mobiliser dans des associations de terrain, ou de multiplier les avis sur Facebook ou Twitter. C’est pourtant la seule issue pour en finir avec le capitalisme, pour proposer une réponse globale à une crise de système. Alors, rejoignez l’OCML Voie Prolétarienne, à notre modeste échelle c’est à ça que nous travaillons.