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Où vont les ouvriers polonais ?
Tract - 1er Octobre 1981
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Le congrès de "Solidarité" s’achève. Un débat très large, et aussi très agité, va se terminer provisoirement. Et au travers toutes les discussions du Congrès, toutes les menaces du gouvernement, du POUP et de l’URSS, une même question revient sans arrêt : « Jusqu’où faut-il aller ? »
DEPUIS UN AN, LE MOUVEMENT OUVRIER S’EST RENFORCE
En Août 1980, avec la signature des Accords de Gdansk, les ouvriers polonais faisaient plier le gouvernement et imposaient l’existence de « Solidarité ». Pour la première fois dans un pays de l’Est, les ouvriers faisaient éclater l’image du faux « socialisme » et affirmaient leurs intérêts propres contre le régime ; les ouvriers du monde entier tournaient leur regard vers ce pays.
Mais le mouvement ouvrier ne s’est pas contenté de ces accords, sachant bien que le gouvernement se dépêcherait de ne pas les appliquer. Il a poursuivi son chemin. Aujourd’hui les revendications ouvrières prennent de plus en plus un caractère politique et « Solidarité » intervient sur tous les aspects de la vie sociale.
• Aux aciéries de Huta Katowice (18 000 ouvriers), le syndicat organise un référendum où il y a 12000 votants : 80% déclarent leur directeur incompétent, 71% réclament son licenciement. Bien sûr, ces ouvriers croient encore qu’avec un directeur « compétent » leur vie serait changée. Nous savons bien qu’il n’en est rien, que bon ou mauvais, un chef est toujours un chef. Mais ils affirment ainsi leur volonté de prendre eux-mêmes leur vie en main.
• Au congrès de « Solidarité », il y a un grand débat sur l’autogestion. Qui dirige les usines ? Quel est le rôle du syndicat ? Quelle place des ouvriers ? Quelle attitude par rapport au gouvernement ? De multiples positions s’expriment, depuis le compromis avec le gouvernement présenté par la direction de « Solidarité » et blâmé par le congrès, jusqu’à des positions radicales : « tout le pouvoir aux ouvriers, ce gouvernement et ce parti ne sont pas les nôtres ».
• A Radom, les ouvriers s’attaquent aux piliers du pouvoir des bourgeois polonais : ils demandent la destitution du préfet, du chef de la police et du secrétaire du Parti.
• Lors du congrès de Solidarité, les ouvriers votent un « salut aux ouvriers des pays de l’Est », les appelant à rejoindre leur combat. Malgré toutes les pressions, toutes les menaces, ils remettent en avant la vieille formule ouvrière "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Oh, bien sûr, rien n’est bien clair. La confusion reste forte. Mais, peu à peu, sur toutes les questions brûlantes, l’économie, l’Etat, les relations internationales, les ouvriers s’affirment comme force politique, revendiquent pour eux toute la direction de la société.
LA FAMINE, LA MISERE, EST-CE LA FAUTE AUX OUVRIERS ?
Déjà en 1955, 1970, 1973, la crise économique avait été à l’origine des émeutes ouvrières. En 1980, c’est encore la hausse des prix qui a précipité leur révolte, a accéléré leur prise de conscience. Fin 1981, la situation économique est dramatique. Le pays est au bord du gouffre. Tous les produits, même les plus nécessaires sont rationnés. Les plus âgés comparent maintenant la situation à celle de la deuxième guerre mondiale.
L’essor des ouvriers, les grèves multiples, les conflits sociaux ont sans doute contribué à aggraver cette situation. Mais, s’il y a la famine, ce n’est pas de leur faute.
Mais les ouvriers ne sont pas responsables d’une crise générale du système, de la faillite d’un régime capitaliste identique à celui qui existe en France, à ceci près qu’en Pologne, c’est l’Etat qui est propriétaire.
Ils ne sont pas responsables des fabuleuses dettes à l’étranger, ils ne sont pas responsables de l’anarchie de la production, où des usines ne peuvent pas tourner faute de matière première, ils ne sont pas responsables des gaspillages énormes. Non, les ouvriers ne sont pour rien dans cette crise. Et pourtant ce sont là les causes de la misère actuelle.
Oui, il y a URGENCE, à débloquer la situation politique pour en finir avec la famine, Et plus la crise s’approfondit, plus il apparait qu’il ne peut pas y avoir de compromis entre les ouvriers et les bourgeois polonais, les directeurs d’usine, cadres du Parti, bureaucrates, fonctionnaires et militaires. Pour débloquer cette situation, les ouvriers doivent prendre en main toute la société, tout l’appareil d’Etat, CONTRE les bourgeois incrustés à tous les niveaux.
Et tous ceux, comme Walesa et la direction de « Solidarité » qui aujourd’hui cherchent à concilier avec le gouvernement et les bourgeois, ceux-là retardent ce déblocage et donc ne font qu’aggraver la situation matérielle des polonais.
LES RUSSES VONT-ILS INTERVENIR ?
Plus le conflit entre ouvriers et bourgeois s’approfondit, plus il y a danger d’intervention militaire russe. Le souvenir de Tchécoslovaquie en 1968, de l’Afghanistan en 1980 reste présent. Mais cela peut aussi venir sous la forme d’un coup de force du pouvoir polonais, aidé par les russes.
De toutes les façons, pour les ouvriers, cela revient au même. Plus ils avancent, plus la question du POUVOIR POLITIQUE se pose, plus les bourgeois résistent et s’accrochent à leur place. A un certain moment, l’affrontement violent est inévitable, la question de la guerre civile se pose.
Les plus avancés des ouvriers polonais doivent PREPARER cet affrontement, et non pas reculer, concilier par crainte comme le font les experts et la direction de « Solidarité », non pas refuser de se poser la question, « la politique de l’autruche » comme le font la masse des ouvriers.
S’ils ne préparent pas cet affrontement, deux hypothèses :
le mouvement continue d’avancer et sera écrasé dans le sang, par les bourgeois, qui, eux, le préparent.
le mouvement se calme, l’ordre ce rétablit peu à peu, et les ouvriers restent exploités.
Cette voie à. suivre est difficile, mais c’est la seule pour arriver à une société qui libère l’ouvrier. C’est la voie qu’ont suivis les peuples algériens et vietnamiens, la voie que suivent aujourd’hui les révolutionnaires iraniens, afghans, irlandais, salvadoriens. A nous, ouvriers en France de développer la solidarité, nous mobiliser pour empêcher toute intervention de l’impérialisme français.
QUELLE ISSUE POUR LES OUVRIERS ?
La situation en Pologne est très instable. Les bourgeois ont le pouvoir, l’appareil d’Etat, l’armée. Ils ont dû reculer sous, la pression du mouvement ouvrier, et ne peuvent pas aujourd’hui revenir à « l’Ordre ». Face à eux, les ouvriers sont puissants, les ont forcés à plier, mais ils restent clans la confusion, ne voient pas encore clairement où aller. La religion, le nationalisme restent puissants et sont un frein.
Divers courants s’organisent à l’intérieur de « Solidarité ». A côté des nationalistes d’extrême-droite, à. côté de la direction du syndicat, très liée à l’Eglise et qui cherche à concilier avec le pouvoir, il existe une gauche radicale. Mais elle-même reste très confuse sur l’objectif à atteindre, même si elle s’oppose violemment aux réformistes.
Mais elle n’est pas ORGANISEE en une FORCE D’AVANT-GARDE, capable de montrer la voie, de guider les ouvriers vers la prise du pouvoir.
Cette force d’avant-garde, c’est aujourd’hui le BESOIN LE PLUS URGENT des ouvriers polonais, et son absence jusqu’à, présent est inquiétante.
Aux ouvriers les plus avancés de comprendre les limites actuelles, de surmonter ces difficultés, notre soutien leur est acquis.
SOUTENONS LE MOUVEMENT OUVRIER POLONAIS !
EN AVANT VERS LA PRISE DU POUVOIR PAR LES OUVRIERS EN POLOGNE !


