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Et maintenant ?
Tract du 11 mai 1981
Le tract original d’époque en fac similé au format pdf
Ca y est. Mitterrand est élu. Une majorité a renvoyé Giscard d’Estaing et sa politique d’exploiteur ouvertement réactionnaire et impérialiste. Presque tous parmi nous, ouvriers, veulent que ça change, ne veulent plus encaisser tout ce que nous encaissons depuis des dizaines d’années. Ils ont voté Mitterrand pour que quelque chose arrive, qui soit mieux que la situation actuelle.
Mais qu’est-ce qui peut arriver ?
QUE SIGNIFIE LA VICTOIRE DE MITTERRAND ?
C’est une victoire électorale, ni plus, ni moins : elle signifie que les quelques centaines de milliers de voix qui se baladent à chaque élection entre la droite et la gauche ont voté cette fois pour lui. C’est ça la démocratie bourgeoise : celui qui gagne, c’est celui qui promet à tout le monde, aux exploiteurs comme aux exploités.
Plus d’un électeur sur deux en a ras le bol de Giscard. Mais pour des raisons différentes : il n’y a aucun intérêt commun entre les ouvriers qui ont voté contre une politique de crise qu’ils encaissent de plein fouet et les hauts cadres qui ne rêvent que d’occuper les fauteuils de ceux qui dirigent. Sans parler de tous les électeurs de Chirac qui ont voté contre Giscard sur des positions réactionnaires, ouvertement anti ouvrières.
La Victoire de Mitterrand exprime que des volontés de changement, mais dans tous les sens et pour des intérêts contradictoires. La victoire de Mitterrand n’est pas celle d’un mouvement populaire dirigé par la classe ouvrière. Elle n’exprime pas la force du mouvement ouvrier. Sa victoire n’est ni un vote de classe, ni un vote de lutte, c’est encore moins un changement de pouvoir.
QUE PEUT-ON ATTENDRE DE LA VICTOIRE DE MITTERRAND ?
Mitterrand n’a rien promis aux ouvriers, même pas des mesures immédiates pour soulager les conditions d’exploitation. Mitterrand est un bon social-démocrate, un bon défenseur du capitalisme. Il a voulu rassurer tout le monde et n’a en fait promis qu’à la bourgeoisie : oui, nous allons rétablir l’économie française, oui, nous allons améliorer sa compétitivité internationale, oui, nous allons améliorer la productivité du travail. Et pour faire passer la pilule, il faudra nous attacher la classe ouvrière avec quelques améliorations.
Mitterrand ne peut pas faire grand’chose : élu du système capitaliste, il est prisonnier du système capitaliste. Avec ou sans ministres communistes, avec ou sans majorité de gauche aux prochaines législatives, il se conformera aux lois, aux contraintes, aux exigences du capitalisme : exploiter, toujours exploiter.
ATTENTION AU CHANTAGE SAUCE PS, A LA DÉMAGOGIE SAUCE PCF
Les réformistes, on les connaît : on les a vu à l’œuvre en 36, à la Libération en 45, en 56 etc... On les a entendus aussi depuis des années et notamment pendant la campagne électorale. On peut s’attendre à voir déferler les promesses et les appels à être raisonnables. Tout ça pour nous bourrer le mou, nous soumettre à leur politique.
Mitterrand, le PS et la CFDT ont déjà annoncé la couleur : « on ne peut pas tout avoir en même temps, on ne peut pas tout avoir à la fois. Donnez-nous le temps de digérer l’héritage giscardien, donnez-nous le temps de faire notre expérience. Aidez-nous à la faire : négocions les 35h progressivement, mais en échange acceptez la généralisation du travail en équipe (2x8, 3x8) négocions des augmentations des plus bas salaires, mais en échange acceptez d’en mettre un coup, de limiter grèves et luttes etc. »
Le PCF et la CGT tiennent un langage plus dur : satisfaction immédiate de revendications (SMIC à 3300f, 35h, emploi etc.). « Avec des ministres communistes, ce sera le vrai changement ». Mais on les a vus, on les a entendus ces derniers temps : « Produire français », « Arrêter l’immigration et renvoyer les immigrés si c’est possible », « oui à l’extension du travail posté » etc. Ça veut dire quoi, tout ça ? Qu’eux aussi ne pensent qu’à une chose : remettre l’économie capitaliste sur pied. Marchais l’a dit hier soir : « Nous sommes au service de la France ». Traduisons : nous ne ferons rien qui puisse nuire aux intérêts fondamentaux du pouvoir bourgeois, ce que nous voulons ce sont nos fauteuils de ministres au gouvernement.
Tous vont lutter pour un mouvement ouvrier raisonnable, qui modère ses exigences, pour ne pas mettre en danger « l’expérience de la gauche ». Certains d’entre nous seront nationalisés, d’autres pas. Certains seront augmentés, d’autres moins. Mais tous devront continuer à bosser pour « l’effort national », à obéir aux chefs et aux patrons, à être exploités, pour le profit des exploiteurs.
PS, PC, CFDT, CGT seront en première ligne pour s’opposer aux « débordements irresponsables » aux « exigences inconsidérées », aux « provocations qui font le jeu de la réaction » chaque fois que les ouvriers poseront leurs exigences sans se soucier de la prospérité du capitalisme français.
NOS EXIGENCES, NOS LUTTES
Les réformistes nous disent : « tout n’est pas possible, il y a les contraintes de la crise et les manœuvres de la droite ». Nous disons « tout n’est pas possible, parce que la classe ouvrière n’a pas conquis encore sa force, son indépendance, sa lutte révolutionnaire ».
Pas question pour nous de « soutien critique » au gouvernement de gauche, comme vont sans doute faire les pseudos-révolutionnaires. Pas question de modérer nos exigences, de cesser un instant la lutte révolutionnaire pour le pouvoir ouvrier. Et cette lutte, il faut la mener contre Mitterrand et ses alliés, comme nous l’avons mené contre Giscard : tous représentent le pouvoir bourgeois.
Mitterrand et Marchais nous ont fait des promesses, tout au long de la campagne. Avec eux, le chômage serait supprimé, la misère aussi, l’exploitation atténuée, on travaillera moins et on gagnera plus. Et bien, Messieurs, c’est le moment de passer aux actes. C’est le moment d’interdire tout licenciement, d’embaucher tous les chômeurs, d’accorder les 35h sans perte de salaire, sans extension des équipes ni augmentation des cadences. C’est le moment d’accorder tous les droits politiques à tous les ouvriers, français comme immigrés. C’est le moment d’interdire l’intérim, privé, ou d’Etat ... Et on verra bien si vous êtes du « coté des travailleurs » comme vous dîtes, ou si vous ne voulez pas plutôt soumettre nos exigences au bon fonctionnement de l’économie capitaliste.
Camarades, nous avons souhaité la victoire de Mitterrand pour que la classe ouvrière puisse se débarrasser de ses illusions sur le « changement » qu’il nous propose. Pour les mêmes raisons, nous souhaitons un maximum de députés de gauche, de ministres communistes. Mais dès aujourd’hui, il va nous falloir lutter contre les appels au consensus, à la modération, à la sagesse. Dès aujourd’hui il va falloir lutter contre les illusions répandues par le PCF qu’avec lui ce sera le vrai changement. Dès aujourd’hui il va falloir lutter pour que nos exigences, notre force ne soient pas utilisées une fois encore à consolider le vieux monde capitaliste qui nous exploite. Rien n’est changé, au contraire :
Mobilisons-nous sur nos exigences ; nous voulons vivre, nous n’avons rien à faire de la prospérité du capitalisme.
Mobilisons-nous sur notre but à nous, ouvriers : arracher tout le pouvoir à la bourgeoisie, instaurer notre pouvoir de classe.
Nous avons souhaité la victoire de Mitterrand et des autres réformistes pour qu’ils soient plus vite démasqués. Mais cela ne se fera pas tout seul. Les appels au consensus, à l’effort national, à l’unité nationale vont déferler. Il faudra y résister. Il faudra que de plus en plus d’ouvriers se rendent compte que ni le PC, ni le PS ne sont la voie de leur libération. Qu’il n’y a pas d’autre voie que la révolution ouvrière.
La situation va être favorable. Pour cela il faut absolument construire au plus vite une force indépendante.de toutes les politiques bourgeoises, de toutes les collaborations de classe. Unissez vos efforts à ceux de VOIE PROLÉTARIENNE qui lutte pour sa création.


