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Interview d’un militant communiste, dirigeant de l’association des travailleurs du secteur du cuir en Turquie.
Qui êtes-vous et pourquoi êtes-vous venus en France ?
Je suis depuis mon enfance un ouvrier, un cordonnier. Je suis parmi les fondateurs de l’association des cordonniers et celle des ouvriers du cuir en région d’Izmir. Actuellement ces associations mènent une campagne contre le travail au noir avec d’autres associations et syndicats. Donc je voulais connaître le mouvement des sans-papiers en France ainsi que faire connaître notre campagne, espérant voir les possibilités de créer un lien entre ces deux mouvements.
Mais d’autre part, je suis un militant communiste depuis l’âge de 17 ans, faisant partie actuellement d’une fédération d’organisations communistes luttant pour la construction d’un parti communiste révolutionnaire qui ferait sien l’héritage de l’Internationale Communiste du temps de Lénine, en Turquie. Pour nous l’union des communistes est nécessaire voire obligatoire pour pouvoir aboutir à l’union des travailleurs. Donc l’anneau à saisir d’abord, c’est l’union des communistes. Pour cela, nous soulignons ce devoir en mettant en avant le slogan « Communistes de tous les Pays, Unissez-vous ! »
J’ai déjà lu certains textes de votre organisation traduits en turc par nos camarades. Donc ce voyage est en même temps une occasion d’échanger entre communistes et de connaître votre organisation, ainsi que de présenter la nôtre.
Comment analysez-vous la nature du gouvernement turc ?
C’est une dictature bourgeoise. Par rapport à la nature du gouvernement, il n’y a pas de différence, entre ceux soi-disant de gauche, qui sont prêts à prendre le relais, et ceux de droite. En Turquie, comme dans les autres pays de la terre, le gouvernement est au service du capital financier et des Etats des principaux pays impérialistes qui représentent les différentes fractions rivales de celui-ci. Particulièrement après le débâcle de l’URSS et ses satellites, cette concurrence au niveau mondial est de plus en plus exacerbée. Et la Turquie se trouve dans une région où cette lutte inter-impérialiste est particulièrement aiguë.
Ce qui marque la situation et les développements politiques au niveau international, c’est la concurrence inter-impérialiste, notamment entre les Etats-Unis et leurs alliés d’un côté, et ses rivaux comme l’Allemagne et la France, etc, de l’autre.
Actuellement, c’est l’impérialisme américain et ses alliés qui ont un avantage dans cette concurrence. Au sein même de la Turquie, la situation politique évolue par rapport à ces rapports de forces au niveau mondial.
Donc ce sont les alliés et les laquais des principales puissances impérialistes qui sont en rivalité qui marquent les développements politiques en Turquie. Bien que le rapport de forces au niveau international ne soit pas obligatoirement reflété comme tel en Turquie, c’est pour le moment les laquais et complices de l’impérialisme américain qui gouvernent en Turquie et qui sont contestés par les secteurs qui représentent les intérêts de leurs rivaux comme la France et l’Allemagne, etc. Ce qui reflète plus ou moins l’équilibre des forces au niveau mondial.
Mais en tant que léninistes, nous savons bien que le règlement de compte final de cette lutte inter-impérialiste impose théoriquement une guerre impérialiste au niveau mondial. Nier cette éventualité serait indubitablement rompre avec l’analyse léniniste de l’impérialisme et quitter la ligne révolutionnaire qui en est déduite. Nous ne sommes pas parmi ceux qui préconisent le terme de l’ère impérialiste du temps de Lénine et qui cherchent à inventer de nouvelles stratégies révolutionnaires à partir de ce constat.
Bien entendu le devoir des communistes n’est absolument pas de chercher les indices d’une guerre impérialiste mondiale pour affirmer cette analyse et la stratégie qui en résulte. Mais il est de se préparer en n’oubliant pas cette éventualité. C’est-à-dire qu’il faut préparer les militants communistes en les dotant de la conception léniniste de l’ère impérialiste qui est en même temps l’ère du capitalisme agonisant ; construire un parti communiste révolutionnaire qui serait capable de diriger la masse des travailleurs et des opprimés dans la lutte de classes qui doit obligatoirement aboutir au renversement révolutionnaire du pouvoir de la bourgeoisie par un soulèvement armé de cette masse. Surtout il faut envisager l’organisation d’un parti communiste révolutionnaire qui serait capable de mener une lutte sans hésitation contre sa propre bourgeoisie. C’est-à-dire capable d’être à l’avant-garde du défaitisme révolutionnaire face a une guerre impérialiste en Turquie comme dans les autres pays de la terre.
Cette perspective révolutionnaire est pour nous l’alphabet du léninisme, et nous nous délimitons de tous courants trotskistes ou luxembourgistes qui sont plutôt pour attendre le déclenchement d’une guerre impérialiste ou d’un soulèvement révolutionnaire pour construire un parti révolutionnaire conforme à ces tâches révolutionnaires qui seront imposées par une guerre impérialiste ou une insurrection révolutionnaire spontanée.
La bourgeoisie turque n’est-elle pas une simple bourgeoisie compradore ?
Bien sûr, la Turquie n’est pas coupée des pays impérialistes, il y a des secteurs de la bourgeoisie qui ont intérêt à s’allier avec les USA ou ses alliés, d’autres avec la France ou l’Allemagne.
Dans ce cadre, si on voit de temps en temps une certaine autonomie de la Turquie par rapport aux développements politiques mondiaux, ce n’est pas parce qu’il existe une bourgeoisie indépendante en Turquie. Mais parce qu’elle est elle-même divisée et que chaque fraction concourant se positionne par rapport aux contradictions inter-impérialistes.
On a vu ces contradictions quand la Turquie n’a pas accompagné les Etats-Unis et ses alliés dans l’occupation de l’Irak, alors qu’il y avait un gouvernement ouvertement pro-américain. Cela était une expression claire du fait que la bourgeoisie était divisée en deux fractions concurrentes et qu’en même temps le gouvernement ne reflète pas toujours le véritable pouvoir de la bourgeoisie.
Quelle est le rôle de la religion, de l’armée ?
En apparence, il y a une lutte entre ceux qui défendent la religion et l’Islam, et l’armée et ses soutiens qui représentent soi-disant la position laïque.
C’est vrai que le parti gouvernemental est issu d’une scission du parti islamiste. Mais notamment c’est une scission pro-américaine. L’impérialisme américain préfère pour le moment une Turquie gouvernée par un parti à façade « islamiste modéré » (alors que l’islam modéré n’est qu’une fiction, une invention, pour définir un mouvement à façade islamiste et qui est pro-américaine sans modération), pour renforcer son pouvoir au Moyen-Orient, et pour pouvoir l’élargir vers les profondeurs de l’Asie Centrale.
Les chefs de l’armée, soutenus et en collaboration avec les courants et partis kémalistes de l’opposition, représentent plutôt les intérêts du capital financier contrôlés par les rivaux de l’impérialisme américain. Pour mieux comprendre ce fait, il faut comprendre les particularités de l’armée turque qui n’est sûrement pas une simple force armée.
D’abord, une des 4 plus grands holdings de la Turquie s’appelle OYAK. C’est en apparence une holding comme les autres, qui ont des partenaires étrangers. Or celle-ci est en fait une fondation de l’armée où actuellement presque 300 000 individus cotisent régulièrement. Ceux-là sont des militaires, ainsi que les travailleurs des sociétés gérées par ce holding. OYAK est géré par les militaires. Le plus grand partenaire de ce holding est le capital financier français qui y est représenté surtout par Renault. Récemment (depuis le début des années 2000 et effectivement en 2009), le groupe AXA vient d’acheter la moitié des actions de OYAK.
Or, selon les Constitutions de La République Turque (qui sont toutes rédigées par les militaires après des putschs), les militaires, selon la hiérarchie de l’armée, ont une place constitutionnelle privilégiée dans la structure du pouvoir politique. Donc les militaires étant perpétuellement au-dessus de tout gouvernement issu des élections et de l’Assemblée nationale, leur principal partenaire qui est le capital financier français a toujours eu (au moins depuis 1961 où cette fondation a été fondée par le coup d’état militaire et la constitution qui a été élaborée par les putschistes) un poids prépondérant dans les prises de position de l’Etat turc.
Pourtant depuis que le parti soi-disant islamiste modéré ouvertement pro-américain est au pouvoir, cette position privilégiée des militaires est mise en cause. En même temps que les démarches vers l’intégration de la Turquie, ce statut privilégié de l’OYAK est contesté. Et on voit bien que les frictions entre les secteurs rivaux du capital financier s’exacerbent parallèlement.
Au fur et à mesure que le gouvernement pro-américain fait des pas, soutenu par l’impérialisme américain et ses alliés européens, vers l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne, l’opposition de certains pays (dont la France et les Pays-Bas en tête) à ces démarches augmente. Pour voir la raison de cette opposition, il suffit de jeter un coup d’œil à l’évolution de la composition du capital étranger investi en Turquie :
D’abord, la part des pays européens dans le capital étranger investi en Turquie était de 64 % en 1996. Au premier rang se trouve les Pays-Bas avec 14,8 %, grâce aux seuls Unilever, Shell et Philips (jusqu’au milieu des années 1970, celui-ci représentait plus de la moitié du capital étranger). Puis c’est la France avec 13,6 %, grâce à Renault, AXA et Carrefour en tête. L’Allemagne les suit avec ses 12,8 %, et les Etats-Unis n’en ont que 12,6%. Mais cette répartition du capital étranger est en train de changer avec une allure très forte, le capital américain est en train d’augmenter sa part dans le butin. D’autre part on peut comprendre la raison de l’opposition des premiers investisseurs européens en Turquie à l’intégration de celle-là dans l’UE. Car certainement l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne impliquerait fortement la diminution des privilèges des champions européens de l’investissement étranger en Turquie.
D’autre part les principaux pays impérialistes de l’UE veulent éviter l’insertion de la Turquie dans leur union comme un cheval de Troie américain.
Le gouvernement semble se rapprocher des gouvernements des pays arabes de la région et s’éloigner d’Israël en soutenant les convois humanitaires pour Gaza ?
Ceci a commencé à partir du Forum Economique Mondial où le Premier ministre turc a dû quitter la réunion suite à un débat extrêmement tendu avec le président israélien Shimon Peres qui a tenu un vif plaidoyer en faveur d’Israël.
Après cet incident, on disait qu’il y avait des contradictions entre Israël et la Turquie.
Récemment, après l’assaut par les commandos israéliens de la "flottille de la liberté", et notamment du Mavi Marmara, son navire amiral appartenant à l’ONG turque IHH, cette idée est de plus en plus répandue.
Or malgré ces faits, qui justifient un tel jugement, il n’est point question que la Turquie passe sur une autre orbite pour changer son orientation.
Il s’agit plutôt d’un changement de rôle entre Israël et la Turquie par rapport aux intérêts américains dans la perspective du « Grand Moyen Orient ». Israël qui était (et qui sera toujours) le meilleur allié de l’impérialisme américain, avait un rôle prépondérant au Moyen-Orient. Surtout après la débâcle de l’URSS et l’ouverture d’un horizon de « Grand-Moyen-Orient » pour l’impérialisme américain, l’importance de la Turquie augmente proportionnellement. Bien sûr, comme il y a des opposants qui représentent les intérêts des pays impérialistes rivaux de l’impérialisme américain, il y a aussi au sein d’Israël une opposition au changement de rôle confié à l’Etat sioniste.
Donc le conflit entre Israël et la Turquie, qui sont tous les deux des alliés de l’impérialisme américain, n’est point un conflit fondamental malgré les apparences. D’ailleurs la Turquie et Israël continuent à maintenir les accords bilatéraux militaires et économiques en poursuivant d’autre part une guerre plutôt médiatique.
D’autre part, le soutien et la sympathie que vient d’obtenir le Premier ministre turc auprès des populations musulmanes grâce à ce conflit, arrange bien les Etats-Unis. Une telle sympathie pour un gouvernement pro-américain ne serait obtenue nullement par un autre gouvernement, surtout par Israël.
Par ailleurs, cette position de la Turquie au sein de la communauté internationale musulmane est nécessaire aussi pour régler les problèmes des Etats-Unis vis-à-vis de l’Iran. La Turquie, qui détient la sympathie des peuples musulmans, accompagné par Lula qui est pris comme un anti-impérialiste par plusieurs, est un moyen de contourner le régime des Mollahs en Iran afin de régler le problème iranien sans être contraint à une intervention militaire qui aboutirait à une catastrophe beaucoup plus grande que celles en Afghanistan et en Irak.
Donc ce conflit entre le gouvernement « islamiste modéré » et le gouvernement sioniste n’est pas du tout contradictoire avec les intérêts américains, mais plutôt un facteur complémentaire pour servir ces intérêts.
Comment les masses populaires analysent-elles ce changement de politique ?
Ce ne sont pas les masses populaires qui vont analyser la situation et les événements politiques. Elles en prennent conscience à travers les organisations politiques qui assument la responsabilité d’y intervenir pour leur apporter un point de vue de classe. Sinon les masses populaires sont sous l’influence de l’idéologie bourgeoise dominante qui leur est inculquée à travers les instruments politiques et idéologiques de la bourgeoisie, même quand ces masses sont en mobilisation pour leurs intérêts partiels ou quotidiens.
Bien sûr, il y a plusieurs organisations et partis politiques qui se définissent en tant qu’organisations assumant cette responsabilité. On peut même dire que la Turquie est un des pays particulièrement riche du point de vue de la richesse d’expérience et la diversité de ce type d’organisations.
Pourtant, malgré ce fait, les organisations diverses ne sont pas toujours capables d’accomplir cette mission. Loin de là, elles se retrouvent souvent, sans le vouloir, dans une position suiviste, soit par rapport au parti gouvernemental, soit par rapport à ceux qui sont dans l’opposition.
Par exemple, c’est ce qui est arrivé suite à l’attaque sioniste du navire Mavi Marmara en route vers Gaza. Plusieurs courants de gauche ont manifesté aux côtés du parti islamiste « modéré ». Or ces convois d’aide ont été plutôt organisés par le gouvernement afin de gagner la sympathie des masses populaires, ainsi que des populations de certains pays musulmans. L’assaut israélien a contribué à cet objectif. Et ces événements contribuent en même temps à consolider le pouvoir du parti pro-américain qui était depuis un moment en train de diminuer. Les masses populaires plus ou moins liées à l’islam de la Turquie sont poussées à soutenir ce gouvernement laquais de l’impérialisme américain et collaborateur de l’Etat sioniste. Parmi les masses, ces démarches sont soutenues et présentées comme une solidarité entre musulmans (Gaza). D’autre part, ceci sert aussi à dissimuler le fait que la Turquie joue le même rôle qu’Israël joue contre les Palestiniens, quand il s’agit des Kurdes. D’ailleurs le gouvernement a augmenté ses attaques contre les Kurdes grâce au prestige qu’il a obtenu par ces manœuvres contre Israël. Ceci a aussi servi à diminuer l’opposition des militaires contre les démarches du gouvernement.
En fin de compte, la Turquie a brisé son isolement, pour avancer dans le sens du rôle qui lui est attribué par Washington pour obtenir et augmenter une influence sur les pays arabes. Le gouvernement espère aussi ainsi reconquérir l’électorat musulman.
Pourtant l’impérialisme américain et ses alliés en Turquie ne laissent pas ces choix au hasard, et donc la solution de recharge est déjà prête pour remplacer Erdoğan au cas où cette formule ne fonctionnerait pas :
Le leader du parti de l’opposition a été renversé par un complot obscur pour céder la place à un certain « Gandhi Kemal » qui se prépare à représenter le « kémalisme démocratique », formule qui est aussi hypocrite que « l’islam modéré » et aussi bien élaborée et patentée à Washington.
Or à cause du manque d’un parti communiste révolutionnaire qui pourrait suivre une ligne politique indépendante pour éclaircir les masses et pour les détacher des partis bourgeois, les masses populaires sont mobilisées soit derrière le parti pro-américain au gouvernement, soit derrière le parti kémaliste dans l’opposition. Par exemple, le PC turc et les syndicats sont sur la même ligne que les kémalistes par rapport au référendum constitutionnel qui se tiendra au mois de septembre ; et ainsi de suite…
Donc les masses ont besoin d’un parti communiste pour avoir leur position de classe. Et notre devoir primordial est de construire ce parti qui manque.
Où en est la situation du mouvement kurde ? Le nationalisme en Turquie ?
Depuis la proclamation de la République turque, la politique traditionnelle de la dictature bourgeoise est construite sur la négation et l’extermination du peuple kurde, qui représente le plus grand peuple opprimé au monde avec une population actuelle qui atteint 40 millions d’âmes sur un territoire de presque 500 000 km2, divisé par les frontières de quatre pays, la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie. La moitié de cette population, ainsi que la plus grande partie du territoire, se trouvent en Turquie.
Or l’existence des Kurdes en tant que peuple était officiellement niée, et la langue interdite et pas reconnue en Turquie, jusque dans les années 2000, sous le gouvernement pro-américain AKP (Parti de la Justice et de du Développement).
Ce changement est bien sûr lié à la montée du mouvement kurde depuis les années 1980 et en même temps à la création d’un Etat fédéré kurde en Irak. Mais, d’autre part, ce changement est aussi lié aux intérêts de l’impérialisme suite à de gros investissements au Kurdistan du nord. Surtout aux intérêts de l’impérialisme américain.
Donc le parti islamiste pro-américain est en train d’entamer des reformes concernant les Kurdes ; y compris la reconnaissance de la langue et de l’ethnie kurde, et même l’inauguration d’une chaîne de TV publique en kurde. Avec ces ouvertures, soi-disant démocratiques, le gouvernement espère prendre et garder le soutien de l’électorat kurde, qui est décisif. Il est vrai que l’AKP a un grand soutien parmi la population kurde, qui représente en même temps la population la plus liée à l’islam.
Bien entendu, le parti islamiste profite de ce soutien électoral dérivant de certaines ouvertures « démocratiques » pour augmenter la répression sur les Kurdes.
Mais cela a un effet paradoxal. Car, d’un autre coté, il y a le mouvement de guérilla kurde qui perdure depuis plus de 25 ans, avec une armée qui compte plusieurs dizaines de milliers de guérilleros. Ce mouvement, représenté par le PKK (Parti Ouvrier du Kurdistan), a su exploiter ces ouvertures à son tour pour élargir son cercle d’influence en augmentant sa présence au niveau légal. Il est représenté actuellement par un parti légal (comme le Herri Batasuna en Euskadie ou le Sinn Fein en Irlande du Nord). Ce parti, qui est le BDP (Parti de Paix et de Démocratie), a 20 députés à l’Assemblée nationale et détient une centaine de municipalités au Kurdistan. Ce parti est le successeur du parti DTP (Parti de la Société Démocratique) qui a été interdit il y a quelques mois.
Depuis l’arrestation de son leader Ocalan, le PKK ne revendique plus l’’indépendance nationale, mais est plutôt pour vivre ensemble sous une république démocratique unitaire en Turquie. Donc il revendique les droits des minorités et pas la libération nationale, continuant en même temps la guérilla, tantôt en état de guerre, tantôt en état de trêve.
Le parti DTP/BDP peut mobiliser 300 000 personnes en manifestation à Istanbul, et parfois un million dans la capitale du Kurdistan du nord ; donc il constitue un vrai mouvement de masse. Ce mouvement représente les couches les plus exploitées et opprimées dans les villes et dans les campagnes ; ces couches qui sont en même temps les plus dynamiques.
Pour nous, ceci représente le mouvement des couches les plus exploitées du prolétariat en Turquie. Pourtant ce mouvement est marqué d’une certaine version du Bundisme, même si ce n’est pas identique au Bund de Russie. Donc ces couches ont besoin d’un parti communiste révolutionnaire qui dirigerait la révolution prolétarienne ; qui seule peut résoudre la question de la démocratie, pour avancer sans interruption vers la société sans classes.
Alors, c’est le devoir des communistes du Kurdistan de construire leur parti, qui aura comme devoir principal de diriger le mouvement de libération nationale qui aboutira sans interruption au même objectif.
Comment les révolutionnaires luttent-ils contre le nationalisme et le capitalisme ?
Bien qu’il y ait eu une grande transformation dans la politique de la République turque vis-à-vis des Kurdes, le caractère essentiel chauvin et nationaliste ainsi que l’oppression nationale perdurent. D’où l’idéologie dominante est toujours une idéologie nationaliste et chauvine. D’autre part, les partis réformistes qui se présentent comme socialistes ou communistes sont plus ou moins les représentants du social-chauvinisme. Même la plupart des courants se délimitant du réformisme sont plus ou moins dans cette orientation ; surtout quand il s’agit de la question de l’auto-détermination du peuple kurde et de l’organisation indépendante du prolétariat du Kurdistan.
Donc pour que le prolétariat et les opprimés puissent combattre le nationalisme et le chauvinisme, il faut, en même temps et surtout, combattre le social-chauvinisme pour désinfecter les masses du prolétariat de cette infection bourgeoise.
C’est pourquoi le devoir principal des communistes est de créer un parti comme celui des Bolcheviks qui ont créé leur parti dans la lutte contre le social chauvinisme et pour l’internationalisme prolétarien. Or l’internationalisme prolétarien ne peut pas être réduit à un point de vue ou à un principe. L’internationalisme prolétarien exige surtout la lutte concrète pour une Internationale Communiste comme celle du temps de Lénine et sur les mêmes principes de base. Surtout, dans notre cas particulier, l’internationalisme prolétarien dans le sens de la construction d’une organisation internationale ne peut point être un objectif lointain. Car on peut et on doit commencer par l’unification des communistes de la Turquie et ceux du Kurdistan dans une seule organisation internationaliste qui sera fondée sur la reconnaissance de l’indépendance des uns et des autres.
Qu’est-ce qu’il y a derrière le journal KöZ ?
KöZ (La Braise) est un journal mensuel publié par des communistes révolutionnaires de Turquie depuis mai 1999.
KöZ représente une fédération de différentes organisations autonomes. Différentes par rapport aux traditions qu’elles ont laissées derrière : et par rapport à leur grandeur réciproque et l’ampleur du travail qu’elles mènent. Somme toute, ce sont des militants organisés au niveau local ou à un niveau plus général, sous différentes formes d’organisations, qui sont derrière ce journal, et les autres publications du même foyer.
Le journal est publié légalement et vendu en kiosques. Néanmoins l’écrasante majorité des journaux sont distribués directement par des militants qui sont directement ou indirectement liés.
Ce qui motive les militants se situant derrière ce journal communiste est la responsabilité et la volonté ardente de bâtir une Internationale Communiste qui sera l’héritière loyale de l’Internationale Communiste du temps de Lénine ; sur les mêmes principes et visant les mêmes buts que les bolcheviks léninistes.
C’est pourquoi, KöZ met en avant le slogan « Communistes de tous les pays, Unissez-vous ! ».
Ce slogan indique en même temps une ligne de démarcation des militants communistes qui se trouvent derrière KöZ.
L’union des communistes d’abord !
Nous sommes convaincus, comme l’étaient les premiers bolcheviks, que l’union des travailleurs sur une ligne de classe ne peut se produire spontanément. Par contre, cette union doit être bâtie pierre par pierre par l’intervention consciente, organisée et systématique d’un parti d’avant-garde implanté dans la classe ouvrière. Or un tel parti lui-même ne peut surgir des luttes partielles de différents secteurs du prolétariat. Le parti qui pourra unifier la classe ouvrière, dans la lutte pour le pouvoir politique, ne peut être que l’œuvre d’un travail de préparation planifié des militants communistes organisés sous une discipline stricte et intransigeants sur les principes qui découlent de l’expérience mondiale et historique des mouvements visant le même but.
C’est pourquoi, les militants communistes qui se situent derrière KöZ, défendent la position léniniste indiquant que l’union exclusive des couches les plus révolutionnaires du prolétariat dans les rangs d’un parti révolutionnaire précéderait l’union des travailleurs.
Donc le devoir primordial des communistes suivant l’exemple des bolcheviks est de lutter pour l’union des communistes en un parti léniniste.
Il faut créer le parti communiste
D’autre part les communistes qui se situent derrière KöZ sont convaincus que depuis longtemps un tel parti révolutionnaire n’existe pas, mais qu’il faut le créer. L’union des communistes, c’est l’union des militants qui assument la responsabilité de cette lutte préparatoire et qui possèdent la capacité de mener ce combat sans diversion ; et qui représentent la résolution de développer réciproquement leurs capacités à travers un travail marqué par la solidarité communiste enrichi par la coopération et la modestie prolétariennes.
C’est pourquoi les militants se situant derrière KöZ sont connus par les courants révolutionnaires et socialistes, de même que par leurs ennemis de classe, en tant que militants luttant pour « l’union des communistes »,ou militants du KöZ, qui signifie la même chose. Lorsqu’on dit « Vive l’union des communistes ! », ceci montre l’objectif de la plate-forme, et en même temps la plate-forme elle-même.
Le parti révolutionnaire doit être un parti qui doit avoir la capacité de mener et poursuivre une action révolutionnaire au sens complet et intégral du terme. C’est-à-dire diriger la conquête du pouvoir par le prolétariat ; et pour ceci, être à un niveau de préparation et avoir la capacité de détruire l’Etat bourgeois au moment le plus critique de la révolution. Et pour ce faire, pouvoir agir indépendamment même des masses prolétariennes.
D’ailleurs, lorsque les conditions objectives réclament une direction révolutionnaire qui soit munie de la confiance des larges couches du prolétariat, c’est déjà trop tard pour la créer. Et quand il en est question de la révolution, plus précisément de la prise du pouvoir, il n’y a pas de substitut pour un parti révolutionnaire.
D’autre part, pour la même raison, le parti révolutionnaire ne peut pas être le résultat de la transformation de n’importe quel autre parti. Car un parti révolutionnaire n’est pas n’importe quel parti qui adopte un programme révolutionnaire ; il doit être bien plus que ça.
Le parti révolutionnaire est d’abord révolutionnaire par ses qualités organisationnelles : ce parti doit être un parti qui est composé exclusivement des militants révolutionnaires ; un parti dont l’organisation fondamentale ne serait pas limitée par le cadre légal de la société bourgeoise, pour pouvoir agir librement dans la lutte quotidienne et surtout au moment de l’action décisive pour la destruction de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie.
Deuxièmement, il doit s’appuyer sur, et doit avoir obtenu la confiance des couches les plus révolutionnaires du prolétariat ; donc ce parti doit être passé par l’épreuve du travail militant quotidien parmi les couches les plus révolutionnaires de la classe ouvrière.
Troisièmement, ce parti doit être un parti communiste, c’est- à-dire un parti qui doit défendre et représenter les intérêts intégraux de la classe dans chaque lutte partielle du prolétariat ; et qui doit défendre et représenter les intérêts internationaux dans chaque lutte nationale du prolétariat ; par conséquent, ce parti doit être un organe d’un parti mondial.
Quatrièmement, ce parti doit posséder une indépendance vis-à-vis de tous les autres courants politiques ; ainsi, il doit pouvoir agir indépendamment des illusions et des points de vue reflétant les intérêts partiels des larges couches des travailleurs.
Cinquièmement, ce parti doit avoir un programme révolutionnaire ; cela veut dire que le programme doit être basé sur les acquis et les leçons de toute l’expérience historique et mondiale vers le but du communisme, ainsi qu’il doit être forgé au feu d’une lutte actuelle et quotidienne du prolétariat ; et qu’en même temps ce programme doit avoir une perspective qui dépasse tous les programmes antérieurs.
Un tel parti n’existe pas en Turquie ni ailleurs. Bien entendu, ce parti ne sera pas le cadeau de l’évolution subite ou graduelle des conditions objectives ; mais le fruit de la lutte permanente et intransigeante vers cet objectif.
Un tel parti ne sera pas non plus le résultat du développement linéaire des partis existants, ni le résultat des unions entre les partis existants. Il faut le bâtir selon un plan indépendant et à partir d’un noyau indépendant.
Les militants communistes qui sont derrière KöZ n’ont pas l’intention de faire semblant de substituer un tel parti avec leurs médiocres capacités. Car ce serait le plus court chemin pour s’évader de la responsabilité de créer ce parti. Par contre, malgré leurs faibles ressources, ils représentent la responsabilité et la volonté pour la création d’un parti de type bolchevik qui sera proclamé par son congrès de fondation convoqué et organisé par les communistes prolétariens militant sous la bannière de KöZ.
C’est pour ce but et vers cet objectif que luttent les militants communistes se situant derrière KöZ.
Il faut d’abord combattre l’opportunisme
Bien entendu, cette lutte n’impose pas uniquement une vigilance vis-à-vis de l’ennemi de classe ; par contre, pendant la période de la préparation du parti, les courants liquidateurs et la tendance vers l’opportunisme sont des dangers plus immanents que les attaques de celui-ci. Les liquidateurs désarment les révolutionnaires face à l’ennemi, les opportunistes cherchent à ranimer la société bourgeoise agonisante, et les centristes constituent un paravent, parfois des barricades, entre les révolutionnaires et ces courants bourgeois déguisés en socialistes.
Or le parti révolutionnaire ne peut vaincre la bourgeoisie avant qu’il puisse briser l’influence des opportunistes sur la classe ouvrière ; le parti révolutionnaire ne peut se garder des attaques de l’ennemi sans qu’il puisse éliminer ces agents objectifs de la bourgeoisie de ses rangs. Et pour vaincre l’opportunisme et éviter la liquidation, il faut surtout se délimiter du centrisme, dont les champions les plus connus sont les courants trotskistes, mais qui n’est point réductible à ce courant.
Donc l’une des tâches primordiale de la période de préparation du parti c’est de tracer les lignes de démarcation entre les opportunistes, les liquidateurs et les centristes.
Les communistes qui se situent derrière KöZ sont résolus à poursuivre l’exemple des bolcheviks, dont l’expérience a été résumée et exprime théoriquement en tant que guide pour construire le parti révolutionnaire du prolétariat qui est indispensable pour qu’il puisse se libérer. L’émancipation du prolétariat sera l’émancipation de l’humanité.
Les militants qui se situent derrière KöZ luttent pour forger l’union des communistes pour construire le parti qui va diriger cette révolution.

