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Enquête ouvrière : et l’avenir, comment tu le vois ?

La question a d’abord été comprise comme les garanties liées à l’avenir de l’entreprise : en effet , c’est ce qui conditionne largement l’avenir individuel et collectif des ouvriers. Dans tous les secteurs, on retrouve les mêmes préoccupations : délocalisations et licenciements en perspective, même dans les entreprises en bonne santé : Bosch, PSA...
Le travail est dur, déqualifié pour beaucoup d’ouvriers, et la précarité se pointe à l’horizon. Même ceux qui ont un CDI ne sentent pas ce contrat comme une garantie. La mobilité se développe partout, et les secteurs où les commandes se développent en profitent, comme à PSA, pour exiger des heures supplémentaires, et le travail du dimanche.
Un certain nombre de travailleurs interviewés sont dans le secteur public : hôpitaux et SNCF. Leurs craintes rejoignent celles des ouvriers du privé, et ils constatent que l’organisation du travail, l’exploitation, tend à rejoindre les conditions du secteur privé.
En gros, on constate que pour l’avenir, c’est l’incertitude qui domine, qu’aucune garantie n’est offerte, même par les « bonnes boîtes ». Ce sont les marchés qui décident s’ils ferment ici pour ouvrir ailleurs.

Aussi, on peut le souligner avec une interviewée qui déclare : « L’esprit d’entreprise, c’est l’idée à la mode, mais en réalité, c’est de la merde, il ne faut pas se faire d’illusions ».
Cet esprit d’entreprise si recherché dans la période des nouvelles politiques patronales des années 1980 est bel et bien en recul, en tout cas parmi les ouvriers.
Aujourd’hui, même dans des secteurs d’emploi en municipalité, on ressent et on dénonce « la gestion par le stress ». L’idéalisation du travail, si jamais elle a existé, est bien en recul. On peut ajouter que personne n’imagine aujourd’hui sur son lieu de travail une amélioration des conditions de travail.
L’avenir, c’est aussi celui que nous laisse notre santé : plusieurs ouvrierEs enquêtés s’inquiètent de leur avenir après un grave accident de travail : vont-ils (elles) retrouver un emploi. ? Avoir un poste aménagé ? Rien de moins sûr.
En tout cas, pas question d’accepter de se sacrifier, car, comme le dit justement une ouvrière : « notre vie est déjà un sacrifice ».

Elargie à l’ensemble de la société, la vision de l’avenir est encore plus sombre :
« Si travailler ça ne permet pas de vivre et de s’assurer un avenir, c’est pas possible de bâtir une société là dessus, je n’ose même pas penser quand j’aurai des enfants, ce qu’ils vont devenir. » Cette jeune femme de 29 ans a une vision de l’avenir qui rejoint les propos de plusieurs camarades sans-papiers.
En tant que sans-papiers, bien sûr, des garanties, on n’en a aucune !
Ainsi cet ouvrier qui se déclare désespéré : « On ne cotise pas en notre nom pour la Sécu, la retraite. L’âge de départ à la retraite va augmenter, et le jour où je pourrai me déclarer, je cotiserai peut-être 20 ans, pas assez pour avoir la retraite, c’est injuste. »
Mais la régularisation apporte un mieux individuel. « Personnellement, depuis que je suis régularisé, ça va mieux , je n’ai plus la peur liée à la précarité, j’ai un meilleur salaire et les congés payés ».
Pourtant, c’est alors que commencent les problèmes que tout le monde connaît ! Logement, santé, éducation des enfants... « Après avoir été sans-papiers, on voit le monde différemment. On a les yeux ouverts, on peut revendiquer nos droits. J’ai confiance en l’avenir car je peux me défendre, mais je n’ai pas confiance dans l’avenir de la société ».
Globalement, les interviewés n’ont pas eux non plus, la moindre confiance dans l’avenir que cette société nous réserve ; en situation de travail actuellement, beaucoup pensent à la situation dramatique des chômeurs : « Les fins de droits vont augmenter, c’est des grosses galères, le chômage, les fins de droits ».

Et en se projetant dans les années à venir, cela donne à peu près cette vision :
« Avec la crise, cela ne reviendra pas à la normale ; ils vont nous asphyxier en nous faisant croire que l’on a de la chance par rapport aux pays du tiers monde. Il y a une poignée de patrons qui ont toutes les richesses et qui divisent tout le monde ».
On peut ainsi constater que l’impasse où nous mène la société capitaliste est très largement perçue. Notre dernier compte-rendu mettait en évidence que ce qui révolte le plus ce sont les conditions de travail.
On retiendra aussi de cette enquête la détermination de nombreux/e ouvrièrEs qui déclarent : « L’avenir ? Résistance ! on ne croit pas au reste ! » Et encore : « Ma garantie ? c’est moi, et ma solidarité dans les luttes », « La seule garantie, c’est la lutte pour changer la société ». Et enfin, bien que minoritaire : « La révolution »  !

B.C.

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