Vous êtes dans la rubrique > Archives > Nos vies valent mieux que leur argent !

Nos vies valent mieux que leur argent !

Partisan N°249 - été 2011

Accidents du travail dans le bâtiment

Partisan : Selon les chiffres officiels, les maladies professionnelles et les accidents du travail montent en flèche chaque année. Qu- elle est la situation dans le secteur du PTB ?
Mario : Le secteur du bâtiment est celui qui présente le plus haut niveau de risques et qui déplore le plus grand nombre de décès. 1 584 916 personnes travaillaient dans ce secteur en 2009. Il y a eu 5 851 maladies professionnelles déclarées et 26 décès à cause des maladies. Le BTP présente un taux de maladies professionnelles supérieur à la moyenne des autres secteurs (2,28 maladies pour 1 000 salariés contre 1,37 en moyenne). En résumé, le BTP est le secteur d’activité le plus dangereux, et la dangerosité de ce secteur est principalement due aux conditions dans lesquelles on se déplace sur un chantier, aux charges et aux objets qu’on manipule et à l’atmosphère (poussières) dans laquelle on travaille.

Quelles sont les principales origines des maladies ?
La nature de ces maladies : les affections articulaires, celles provoquées par les poussières (amiante, bois, ciment...), les vapeurs toxiques (solvants de peinture, de vernis, etc) et toutes les affections consécutives à des manipulations de charges lourdes.

Donne-nous quelques exemples ?
Parmi les maladies professionnelles dues aux poussières, je peux parler de la silicose qui est une maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation de particules de poussières de silice dans les percements de tunnels ou les chantiers du bâtiment. Le risque existe dès qu’il y a des poussières contenant de la silice, comme pour les poseurs de coffres électriques, ceux qui font des assainissements dans les murs, les maçons, ponceurs de béton, sableurs, etc. En ce qui concerne l’amiante, en 2008 les statistiques recensent 4 597 nouveaux cas. Parmi ces cas, 3 858 maladies (soit 84% des cas), dont le caractère professionnel est reconnu. On estime qu’en France 5 à 10% des cancers ont une origine professionnelle. Les ouvriers de la construction sont plus fréquemment exposés à au moins un produit cancérigène : 42%, et même 60% pour les ouvriers du BTP.

On entend souvent parler des mauvaises conditions de travail et de sécurité sur les chantiers, qu’en est-il vraiment ?
Aux yeux des patrons, les mauvaises conditions font partie de la nature même de ce travail. Mais la réalité est que peu de choses sont faites pour améliorer cette situation. Le travail sur un chantier est réparti parfois entre plusieurs entreprises. Les ouvriers de ces entreprises différentes ne se connaissent pas, ils ne se parlent pas. Il y a encore moins de possibilité de s’organiser sur les chantiers que dans les autres secteurs. Il y a actuellement 100 000 intérimaires dans les chantiers. Parmi eux, il y a beaucoup de sans papiers qui ne peuvent pas parler sans se mettre encore plus en difficulté.

C’est donc une situation infernale, comment l’expliques-tu ?
L’industrie du BTP tient une place importante dans le monde capitaliste. La rentabilité pour les capitalistes qui investissent dans ce secteur dépend de la vitesse avec laquelle l’ouvrage sort de terre. Qui dit vitesse dit écrasement. Laisse-moi te rappeler une explication que m’a donnée un jour un copain pour m’éclairer sur ce qui permet aux capitalistes de faire du profit. Un capitaliste pour produire est obligé d’investir son capital (machines, outillage et salaires). Le prix de vente de la production est divisé par le capital investi, ce qui détermine le taux de profit du capitaliste. Comme les matières premières augmentent (fer, ciment, pétrole, etc..), il est nécessaire qu il rogne au maximum sur la partie qu’il peut faire varier, c’est-à-dire les salaires et les conditions de travail et de sécurité.

Notre entretien arrive à son terme, as-tu quelque chose à rajouter ?
Le secteur de la construction a souvent défrayé la chronique économique ou judiciaire, mais le quotidien du travail des chantiers demeure obscur. Je voudrais conseiller à vos lecteurs un livre intitulé « Chantier interdit au public » écrit par Nicolas Jounin et publié aux éditions La Découverte .C’est un témoignage poignant de cet univers cruel du bâtiment. Je termine en citant un paragraphe du livre de Frederik Engels sur «  la situation de la classe ouvrière en Angleterre » :
« Lorsqu’un individu cause à autrui un préjudice tel qu’il entraîne la mort, nous appelons cela un homicide ; si l’auteur sait à l’avance que son geste entraînera la mort, nous appelons son acte un meurtre. Mais lorsque la société met des centaines d’ouvriers dans une situation telle qu’ils sont nécessairement exposés à une mort prématurée et anormale, à une mort aussi violente que la mort par l’épée ou par balle, lorsqu’elle ôte à des milliers d’êtres humains les moyens d’existence indispensables, leur imposant d’autres conditions de vie, telles qu’il leur est impossible de subsister, lorsqu’elle les contraint par le bras puissant de la loi à demeurer dans cette situation jusqu’à ce que mort s’ensuive, ce qui en est la conséquence inévitable ; lorsqu’elle sait, lorsqu’elle ne sait que trop, que ces milliers d’êtres humains seront victimes de ces conditions d’existence, et que cependant elles les laisse subsister, alors c’est bien un meurtre, tout pareil à celui commis par un individu, si ce n’est qu’il est ici plus dissimulé, plus perfide, un meurtre contre lequel personne ne peut se défendre, qui ne ressemble pas à un meurtre, parce qu’on ne voit pas le meurtrier, parce que le meurtrier c’est tout le monde et personne, parce que la mort de la victime semble naturelle, et que c’est pécher moins par action que par omission. Mais ce n’en est moins un meurtre ».

La question est donc la suivante : Que devons-nous faire avec une telle société ?

Soutenir par un don