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OGM : une affaire de gènes ou...une affaire de sous ?

Partisan n°144 - Décembre 1999

Un peu d’histoire et de génétique

Des milliards d’années d’histoire géologique, des mers d’années de rapports des individus avec la nature ont donné le patrimoine actuel des végétaux. Comme tout vivant, ces végétaux "ont deux propriétés fondamentales et paradoxales : celles de se reproduire et de se multiplier en conservant ses caractéristiques, celles de changer, de se transformer et d’évoluer. La première nous a donné l’agriculture, la seconde la sélection". Ces deux capacités de conservation et de change-ment sont portées par les gènes (porteurs de l’hérédité, ils sont situés sur les chromosomes des cellules). Jusqu’au 19ème siècle, c’est le producteur direct , c’est-à-dire le paysan qui, par différentes techniques (assolement, isolement etc.), essayait d’améliorer l’espèce. Par son activité, il contribuait ainsi à l’enrichissement des variétés végétales, même s’il n’était pas propriétaire de la terre ou des instruments de production ou de toute la production qui sera récoltée. Le capitalisme à son début ne bouleverse pas cette donne. Tout en exploitant les paysans ou les ouvriers agricoles, il ne contrôlait pas directement les conditions de la production. Comme dans les fabriques ou la manufacture, l’ouvrier gardait son savoir-faire avec lequel il façonnait les produits avant d’en être dépossédé par le taylorisme. La maîtrise capitaliste des conditions de production agricole commença par la mise en place ou le perfectionnement du système d’irrigation, la production d’intrants (engrais, pesticides, produits phytosanitaires etc.), de matériel roulant (tracteurs, moissonneuses etc.). Ce processus engagé n’a pas de limites et ne connaît pas de tabou : "Pourquoi ne pas vendre les semences au lieu qu’elles soient prélevées de la récolte précédente ?"

De "l’hybride" à Terminator

Pour répondre à cette question, les centres de recherches des grandes multinationales de l’agrobusiness procédèrent à des expériences de croisement d’où naîtront les "semences hybrides" par croisement d’espèces. Maintenant, les paysans ou agriculteurs auront à acheter des semences qui amélioreraient l’espèce. Rien n’est plus faux, car moyennant une augmentation plus ou moins importante du rendement, l’hybridation appauvrit l’espèce. La preuve en est que les rendements diminuent à la génération suivante en utilisant les semences provenant de la récolte précédente. On assiste bel et bien à une stérilisation de la variété que seule la sélection pouvait améliorer. Le seul intérêt est la production et la vente de semences, autrement dit l’ouverture d’un autre créneau pour le profit. Cela confirme les points de vue de grands généticiens comme De Vrie et Nilsson du début du 20ème siècle comme quoi "l’économique domine le scientifique et que le profit détermine ce qui est scientifiquement vrai". Dans sa course aux profits, les multinationales de la chimie et de l’agro-business appliquent les biotechnologies dans le domaine des semences. C’est ainsi que la firme Delta and Pine introduit un transgène tueur qui fait que le grain récolté sera stérile et ne pourra plus servir de semence. Cette découverte génétique fera l’objet d’un brevet sous le nom de TERMINATOR. Ce dernier sera à son tour acheté par la grande multinationale Monsanto. C’est la 1ère fois qu’une semence stérilisée fait l’objet d’un brevet. D’autres multinationales, non des moindres, ne sont pas en reste : Novartis (fusion de Sandoz et de Ciba-Ceigy), Pioneer-DuPont, et Rhône-Poulenc se sont lancées dans la cour-se.
Seul le profit est sacré

 

La pratique de l’agriculture, l’élevage et la pêche donnent lieu jusqu’à présent de la part de ses adeptes à des rituels dus au fait que le VIVANT est au centre de l’activité. Les firmes capitalistes n’en ont cure. Novartis vient de lancer une semence, Roundup. C’est une semence de blé, de soja, de mais comportant un gène qui résiste à son herbicide-phare Roundup. Cependant du fait qu’il ne se stérilise pas lui-même, Novartis fait appel à de puissants moyens d’espionnage (avions de reconnaissance, détectives, délation) pour poursuivre en justice tous les agriculteurs soupçonnés de prélever les semences de leurs récoltes. Ils seraient passibles de fortes amendes et accepteraient des contrôles durant une certaine période. Normalement, tout paysan pourrait le faire, mais la puissance de ces firmes est telle qu’elles peuvent tout se permettre avec la bénédiction des États. Certains vont jusqu’à parler de complexe génético-industriel à la mesure du complexe militaro-industriel.

Danger des OGM

Concernant les dangers des OGM par rapport à la santé des populations et à l’environnement, le directeur de la Communication de Mosanto a été on ne peut plus explicite : "Nous n’avons pas à garantir la sécurité des produits alimentaires génétiquement modifiés. Notre intérêt est d’en vendre le plus possible. C’est à la FDA (Administration Fédérale américaine des aliments et des médicaments) de veiller à la sécurité". En France, les risques liés aux OGM relèvent du secret-défense d’après la commission du génie moléculaire. Même s’il y avait une volonté et une possibilité de les étudier, les recherches seront toujours en retard. Car non seulement les firmes y mettent des moyens colossaux, mais aussi pour contourner la fraude et inciter à la consommation, elles sont obligées de mettre de nouveaux produits sur le marché.
Il y a un risque très probable, c’est celui de la dissémination dans l’environnement, si le gène migre et élit domicile chez un "proche" qui serait une herbe ou un parasite qui pourrait ainsi devenir résistant. Cela a été déjà démontré par l’INRA de Rennes. En outre, la barrière des espèces tombe, les croisements pourront se faire non seulement au sein d’une même espèce (végétal, animal et être humain), mais entre les espèces. D’où la multiplication et une grande complexité des risques. En définitive, si rien n’est fait pour leur résister, les 13 plus grandes firmes (11 américaines et 2 européennes) du complexe génético-industriel nous feront bouffer tout et n’importe quoi dans un environne-ment dégradé pourvu que cela leur rapporte du profit. La "mal-bouffe" n’est pas seulement américaine, n’est-ce pas José. C’est au capitalisme qu’il faut s’attaquer. Pire encore, au moment où plusieurs espèces disparaissent dans le "tiers-monde", les gènes de plusieurs d’entre elles sont déjà brevetés, au profit exclusif des firmes impérialistes. Ces firmes leur vendront plus tard les espèces dont leurs populations ont contribué à l’éclosion. Pour donner une idée de ce fossé et de ce pillage, les pays occidentaux détiennent, toutes catégories, 95% des brevets d’Afrique, 85% de ceux d’Amérique Latine et 70% des pays d’Asie. C’est dire la dimension aussi anti-impérialiste du combat à mener.

La richesse génétique appartient à toute l’humanité
Contre les OGM, contre les hormones de croissance
Contre la recherche capitaliste orientée par le seul profit

Pierre Castain

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