Vous êtes dans la rubrique > Archives > La révolution de 1905 en Russie : quelles leçons ?

La révolution de 1905 en Russie : quelles leçons ?

La Russie à cette époque est gouvernée par le tsar, il n’existe aucune liberté démocratique. La population est majoritairement paysanne, mais il commence à y avoir des industries et un prolétariat jeune. En 1898 avait été fondé le Parti Ouvrier Révolutionnaire Social-démocrate (POSDR), qui fonctionnait plutôt en cercles. Sous l’impulsion de Lénine est créé un journal, l’Iskra (L’Etincelle), autour duquel doit se créer une organisation disciplinée avec une orientation clairement définie, celle du socialisme. Il lutte d’abord contre les « économistes » qui veulent laisser les questions politiques à la bourgeoisie libérale, ce qui fait que la classe ouvrière n’a aucune indépendance politique. Lénine répond aux économistes en écrivant « Que faire ? » (1902). Pour lui la conscience ne vient pas spontanément de la lutte, à cause du poids idéologique des idées bourgeoises, elle vient de l’extérieur avec le parti. Cela n’avait rien à voir avec un mépris des travailleurs, mais Lénine avait une conscience aiguë du poids de l’idéologie bourgeoise répandue même dans le milieu ouvrier. En 1903, le POSDR scissionne sur une question qui peut paraître secondaire : la définition de ce qu’est un militant du POSDR. Pour Lénine c’est « celui qui participe à l’une de ses organisations, remplit ses obligations, paie ses cotisations, observe sa discipline ». Pour les autres (Martov, Trotski), il suffisait de travailler sous direction du parti. Ce sont des problèmes d’organisation et non de programme qui sépareront le parti en deux : les Mencheviks (minoritaires), et les Bolcheviks (majoritaires) avec Lénine. A la veille de 1905, il y a donc deux partis se revendiquant du mouvement ouvrier en Russie.

La révolution commence

Seuls les Bolcheviks participent au IIIème congrès du POSDR. Pour Lénine, seul le prolétariat est capable de mener la révolution démocratique jusqu’au bout, car la bourgeoisie a peur de s’attaquer au partage de la terre. Il faut une assemblée constituante qui installera une république démocratique, mais cela passe par la grève générale et une insurrection armée. Pour appliquer ces mesures, et pour vaincre, il faut « une dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la bourgeoisie »c. L’heure n’est pas encore à la révolution socialiste. 
Le premier événement de 1905 se produisit le 22 janvier, lors de la manifestation pacifique de 200 000 personnes organisée par le pope Gapone (en liaison avec la police) afin de demander des réformes au Tsar. Le représentant du Tsar ordonna à la troupe de tirer sur la foule, des centaines de manifestants furent tués. Le mouvement de grève allait se renforcer, l’emprise des révolutionnaires sur le mouvement aussi. Des milliers de travailleurs sont en grève et il y a des occupations de terres dans tout le pays. Les marins du Cuirassé Potemkine se mutinent. Dans ces grèves, le but de Lénine était d’organiser les travailleurs de les amener à se poser la question du pouvoir.

La démocratie ouvrière

En octobre, à Saint-Pétersbourg, un soviet est créé. Chaque délégué du soviet représentait 500 travailleurs de l’usine, il est responsable et révocable à tout instant. C’est une véritable démocratie ouvrière. Le tsar fait quelques concessions qui rendent la bourgeoisie libérale hésitante et la fait sortir du combat. Le régime tsariste reprend l’offensive. Les révolutionnaires sont arrêtés, les journaux interdits. Le soviet de Saint-Pétersbourg, dirigé par les mencheviks, est sans direction claire, sans parti discipliné, et subit la répression. La classe ouvrière démoralisée ne répond pas aux appels à la grève générale. L’armée prend le contrôle de la ville sans trop de résistance.
Le soviet de Moscou mené par les Bolcheviks organisa la résistance. « On ne pouvait plus prendre le gouvernement au dépourvu par une grève générale ; il avait déjà monté une contre-révolution prête à agir militairement. Le cours général de la révolution russe, après octobre et la succession des événements à Moscou lors des journées de décembre, ont confirmé, de façon saisissante, une des grandes thèses de Marx : la révolution progresse en suscitant une contre-révolution forte et unie, c’est-à-dire qu’elle oblige à recourir à des moyens de défense de plus en plus extrêmes et élabore ainsi des moyens d’attaque de plus en puissants »*. La milice armée de 1000 ouvriers pu résister à l’armée du tsar. Mais devant l’inégalité des forces et le reflux du mouvement, le 18 décembre, la résistance fut écrasée.

Conclusion

L’influence des soviets est rapidement considérable. Bien qu’ils se constituent souvent spontanément, sans régularisation ni officialisation, et que leur composition soit assez vague, les soviets agissent en tant que pouvoir. D’autorité, ils réalisent la liberté de la presse, appellent le peuple à ne pas payer les impôts au gouvernement tsariste, parfois, ils confisquent l’argent du gouvernement et l’affectent aux besoins de l’insurrection révolutionnaire. Les Soviets représentent donc à la fois les organes de l’insurrection armée et l’embryon d’un pouvoir nouveau, révolutionnaire. Si au début, les bolchéviks se méfient des soviets, c’est qu’ils prennent les soviets pour un parti de masse de type menchevik. Rapidement ils ont compris qu’il s’agit d’un organe de pouvoir et de décision démocratique des masses en lutte.
En écrivant « L’État et la révolution », Lénine, bien que parlant de la Commune de Paris, garde les leçons des soviets de 1905 : « Électivité complète, révocabilité à tout moment de tous les fonctionnaires sans exception, réduction de leurs traitements au niveau d’un "salaire d’ouvrier" normal, ces mesures démocratiques simples et "allant de soi", qui rendent parfaitement solidaires les intérêts des ouvriers et de la majorité des paysans, servent en même temps de passerelle conduisant du capitalisme au socialisme. Ces mesures concernent la réorganisation de l’État, la réorganisation purement politique de la société, mais elles ne prennent naturellement tout leur sens et toute leur valeur que rattachées à la réalisation ou à la préparation de l’"expropriation des expropriateurs", c’est-à-dire avec la transformation de la propriété privée capitaliste des moyens de production en propriété sociale. »

 

Valentin

 

*Les enseignements de l’insurrection de Moscou, Lénine, août 1906 (tome 11, page 170).

Soutenir par un don