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L’impérialisme français s’impose au Togo

Partisan N°195 - Mai 2005

En février 2005, un groupe d’officiers de l’armée togolaise, soutenu par le gouvernement français, tentait d’installer par la force le fils du dictateur décédé Eyadema. La mobilisation populaire et les protestations internationales empêchaient que se réalise ce plan. C’est sans surprise que le fiston, Faure Gnassingbe, « gagnait » les l’élections organisées en avril par les mêmes putschistes. Dès les résultats le gouvernement français, et en particulier Chirac, se félicitait du « bon déroulement global » de ce scrutin. Alors que la Ligue togolaise des Droits de l’Homme dénonçait : « Les bourrages d’urnes, les listes électorales tripatouillées, les électeurs privés du droit de vote, les intimidations, les lynchages, les opérations commandos de militaires dans les bureaux de vote pour emporter ou détruire des urnes,... sur toute l’étendue du territoire. » C’est sans surprise, que le « vainqueur » Faure Gnassingbé a recueilli 1,4 million de voix, contre 841.000 à son principal rival car l es bulletins de quelques 700 bureaux de vote ont été détruits par la violence à travers tout le pays . Sans surprise, le peuple refuse et continue la lutte.

Du colonialisme au néo-colonialisme

La France depuis le 13 janvier 1963 n’a cessé de soutenir par tous les moyens disponibles la dictature togolaise. Aujourd’hui comme hier, les Présidents de la République, de droite ou de gauche, les gouvernements de droite comme de gauche ont appuyé le régime togolais. C’est dans le sang que commença cet appui : l’ambassadeur de France, le 12 janvier 1963, fait connaître aux putschistes dirigés alors par Eyadéma le lieu –l’ambassade américaine- où s’était réfugié Sylvanus Olympio, leader indépendantiste porté au pouvoir en 1960, pour le massacrer.

Le néo-colonialisme qui se met alors en place est la conséquence directe d’indépendances qui ne furent pas menées à terme. Et quand des responsables politiques comme Lumumba, Sankara, Olympio, voulurent conduire leur pays à une véritable indépendance, la réponse fut l’assassinat politique télécommandé depuis Paris. La domination française se fera alors indirectement à travers sa marionnette Eyadéma. Si le Togo n’a pas de pétrole, il a des phosphates et une agriculture d’exportation florissante, ainsi qu’un ensemble de sociétés écrans lié à cette exploitation. Si le clan Eyadéma s’enrichit sur le dos du peuple togolais, il fournit des subsides à des proches ou à des hommes politiques en France qui ont soutenu, encouragé et cautionné la dictature.

Un régime constamment soutenu par l’État français.

Le 13 janvier 1983, 20 ans après l’assassinat de Sylvanus Olympio, François Mitterrand accepta l’invitation d’Eyadéma et de fait reconnut la légitimité de sa politique. On connaît le rôle de Jean Christophe Mitterrand auprès des amis africains de l’Élysée, dont Eyadéma. C’est aussi Michel Rocard qui en tant que député européen a reconnu la légalité des élections de 2002, pourtant dénoncées comme totalement truquées par le parlement européen. C’est Fodé Sylla, député européen qui a défendu ce régime, il sera récompensé et nommé par Jacques Chirac au Conseil économique et social en 2004.

Mais bien évidemment c’est la droite française qui remporte la palme d’or au festival des hypocrites et des soutiens à la dictature. Il y a bien sûr le fameux Charles Debbasch, ce juriste, qui en France est poursuivi par la Justice pour affaires douteuses, a souvent travaillé à légitimer le régime Eyadéma. Il y a Pierre Mazeaud et bien sûr Charles Pasqua, dont l’association « Demain la France » fut financée à hauteur de près de 5 millions de francs. Mais il y a aussi Jacques Chirac, qui au lendemain de la mort du dictateur déclarait que celui-ci était à la fois un ami personnel et un ami de la France. Le gouvernement français désignera le fils du dictateur Faure Gnassingbe puis, devant les protestations, le représentera comme « un simple candidat parmi d’autres, respectueux des institutions et de la légalité démocratique » --- mais cette légalité est portée à la pointe des fusils de l’armée togolaise encadrée par ses conseillers français.

La réalité de l’impérialisme français

Depuis 42 ans l’impérialisme français contrôle économiquement et politiquement le Togo. On a vu tous les liens politiques qui unissent la dictature togolaise à la France. Mais le Togo n’est pas unique, c’est aussi le Tchad, Djibouti, le Congo, le Gabon, la République Centrafricaine, la Côte d’Ivoire, etc… La France impérialiste n’est pas indifférente, elle s’ingère pleinement en Afrique, de plus en plus difficilement face à ses concurrents impérialistes allemands, nord-américains, etc… . Elle est indifférente aux aspirations des peuples à librement disposer d’eux mêmes, mais elle s’ingère absolument dans les affaires qui peuvent encore lui rapporter. Le Togo, après la Côte d’Ivoire en est encore la parfaite démonstration. L’État français est toujours lié par un accord de défense signé le 10 juillet 1963 et par des accords de coopération technique et militaire signés le 29 mars 1976. Les militaires français forment depuis des décennies ceux qui répriment actuellement les manifestations du peuple togolais. Les armes qui tuent et blessent les manifestants à Lomé sont des armes et des balles françaises tirées par des soldats et des gendarmes formés par l’armée française en vertu de ces accords de coopération.

Sans rupture d’avec l’impérialisme rien de possible

Dès les années 60 l’humaniste René Dumont s’écriait « l’Afrique noire est mal partie ». Il montrait comment le progrès social, politique et le développement étaient indissociables alors que les dictatures néocoloniales se mettaient en place. 43 années plus tard, ses pronostics s’avèrent plus que jamais crédibles au Togo : l’Afrique est le continent le plus pauvre du monde entier « grâce à l’aide désintéressée » des puissances impérialistes dont la France. Ses peuples sont pillés, exploités, massacrés, ruinés pour le plus grand profit de la grande bourgeoisie et de ses valets locaux.

Les peuples d’Afrique selon la « Françafrique » ne sont pas encore mûrs pour accéder à la démocratie. Il doit continuer à vivre sous la cravache de dictateurs. Cette politique néocoloniale a été mise en place à la Conférence de la Baule, présidé par François Mitterrand, en 1992 a permis à toutes ses petites créatures de la Françafrique au pouvoir de remporter sans coup férir toutes les élections présidentielles et législatives dans le pré-carré d’Afrique (Déby au Tchad, Mbia au Cameroun, Sassou au Congo Brazza, Bongo au Gabon, Eyadema au Togo, Omar Guelleh à Djibouti.). C’est cette même Françafrique qui a empêché la constitution d’une Commission d’enquête du Parlement sur le Rwanda. C’est cette Françafrique qui s’agite derrière le soutien de Sassou N’guesso et a entraîné des milliers de morts au Congo Brazzaville. C’est encore elle qui s’appuie sur les dictateurs pour permettre à « nos » entreprises, comme Total, Bolloré, COGEMA, Bouygues et bien d’autres de prospérer et de battre des records au CAC 40 ; qui permet à l’industrie d’armement de garder ses positions face notamment à ses concurrents américains ou européens.

Après la fin du colonialisme et la mise en place d’indépendances politiques, le maintien dans le cadre de l’économie de marché ne peut permettre un libre développement national. Les trusts capitalistes s’imposent et soumettent les politiques locales à leurs seuls intérêts. L’indépendance politique ne peut se réaliser pleinement sans indépendance économique et sans transition vers une économie socialiste véritable. Pas de socialisme sans lutte démocratique anti-impérialiste, pas de démocratie sans lutte pour le socialisme.

Nous soutenons totalement la lutte du peuple togolais pour son indépendance, sa liberté et son droit à disposer pleinement de ses richesses. C’est pourquoi nous réclamons l’annulation de toutes ses dettes à l’égard des métropoles impérialistes. Son droit à exproprier tous les avoirs, capitaux, entreprises possédés par les monopoles impérialistes, et en particulier français.

Nous exigeons le retrait de toutes les troupes françaises, le démantèlement de toutes les bases militaires et l’annulation de tous les accords liant l’avenir du Togo au bon vouloir de l’impérialisme français.

G. Lecoeur

NOS TÂCHES ANTI-IMPÉRIALISTES DANS LA LUTTE CONTRE L’OPPRESSION NATIONALE ET L’EXPLOITATION

La lutte des ouvriers des pays impérialistes et celle des peuples et classes exploitées des pays dominés sont des luttes qui se conjuguent contre un ennemi commun. Aussi, la lutte des peuples des pays dominés est partie intégrante de notre combat. Les coups qu’ils portent à l’impérialisme français et européen l’affaiblissent et sont une aide à notre combat ici. Développer la solidarité anti-impérialiste, ce n’est pas seulement aider d’autres exploités, c’est reconnaître que ceux qui luttent ainsi, nous aident nous mêmes. La solidarité, c’est l’entraide dans un combat commun [...]

Les contradictions du capitalisme ne peuvent plus épargner les travailleurs des métropoles impérialistes. De meilleures conditions objectives existent donc pour le développement de luttes solidaires entre travailleurs des pays impérialistes, et pour un combat plus efficace contre le chauvinisme.

Toutefois, malgré l’affaiblissement des organisations réformistes, le mode de pensée qu’ils ont développé dans la classe ouvrière est encore un obstacle au plein développement d’une solidarité internationaliste (chauvinisme du « produisons français », passivité face aux agressions de notre impérialisme, économisme).

Dans ce cadre, la solidarité entre classes ouvrières de différents pays, impérialistes et dominés, occupe une place particulière. La concentration des trusts, le développement de la division internationale du travail, rend de plus en plus nécessaire le combat commun contre des patrons communs.

(Extrait de la Résolution du 6ème Congrès (avril 2004) de l’OCML VP : « La lutte anti-impérialiste et la question nationale aujourd’hui ». Brochure disponible pour 1,50 € à notre Boîte Postale)

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