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Le Non victorieux ! Et maintenant ?

Partisan N°196 - Juin/juillet 2005

CONTENT ET SANS REGRET.

« Ceux d’en bas » l’étaient et il y avait de quoi. Ça faisait combien d’années que le « peuple » ne s’était retrouvé dans une victoire ? Depuis 1995 ? Depuis 1981 ? Depuis 68 ?

Qu’importe ! Le sentiment est à l’optimisme,on se redresse,on reprend confiance,on recommence à se dire qu’on peut faire bouger les choses. C’est ça la plus grande victoire, une victoire dans les têtes.

En plus,ce n’était pas un vote pour tel ou tel « représentant » qui trahit le lendemain, c’était un vote direct,sur une orientation. « Ceux d’en haut » l’ont bien compris. A la
télé, la radio, dans les journaux, ils ont vomi leur haine des « ignorants », les « imbéciles » qui n’ont rien compris au bienfait que l’Europe nous apporte. Serge July dans Libé nous a traité de tous les noms et d’autruches. Ils n’en pouvaient plus.

ON EN AVAIT MARRE.

La colère,le mécontentement se sont exprimés largement, et il a été le prolongement des luttes sociales des dernières années. Une sorte de revanche de l’échec des luttes sociales depuis le début 2000.

Ce vote a aussi nettement marqué les clivages de classe : eux et nous. Un vote de « classe » ? Un vote populaire, c’est certain : de l’ouvrier au petit paysan en passant par l’employé, le technicien. C’était une fois de plus le « Tous ensemble » de décembre 95. C’est un vote mélangé de rancœur et d’espoir, de volonté d’aller de l’avant, mais aussi de crainte de l’avenir, voire même de retour en arrière « au bon vieux temps ». Un vote subissant des influences pas toujours recommandables,celles du chauvinisme, du corporatisme étroit (ne voir que midi à sa porte)…

Alors, on peut lui faire dire beaucoup de chose à ce vote Non : vote anti-libéral ? Anti-capitaliste ? Pour une Europe sociale ? Gardons notre calme et notre esprit critique ; regardons les choses dans leur globalité.

Les enquêtes d’opinion nous apprennent parfois certaines choses bien utiles pour se
faire un bon jugement. Ainsi on y apprend que chez les ouvriers et les petits employés (qui constituent quand même 60 à 70% de la population), la motivation profonde c’est la crainte du chômage, de la précarité et du Traité qui aggravera la situation ; c’est aussi le « ras-le-bol de la situation actuelle », de tous les problèmes qui s’accumulent. Les autres motivations, comme le refus du caractère « libéral » de la Constitution ou le rejet de l’entrée de la Turquie,viennent loin derrière…

L’ESPRIT CRITIQUE QUI REMONTE.

Les raisons du Non sont bien souvent au niveau immédiat, au niveau du quotidien. Elles sont ancrées dans la vie. C’est un constat, pas un jugement. On revient de loin : 30 ans de désillusion, de trahison social-démocrate, de restructurations industrielles brisant les collectifs de lutte dans les entreprises, et une terrible avalanche anti-communiste… Mais depuis quelque temps les choses s’inversent et les consciences se réactivent, s’interrogent :le vote n’est plus celui d’hier quand on votait PS contre la
droite ;ou même la droite contre la gauche dite plurielle. Ou quand on s’abstenait, ce
qui était très fort dans les milieux ouvriers : « tous pourris », la politique « me dégoûte ». Au contraire, ce que l’on voit s’affirmer d’année en année, c’est un ré-intérêt pour la politique, une plus grande ouverture aux discussions politiques. Ça s’est manifesté avant le référendum, on a beaucoup discuté, même si on a beaucoup plus discuté dans les couches « moyennes » qui avaient jusqu’ici voté PS et qui se retrouvaient en contradiction avec sa direction. Les débats dans les milieux populaires ont parfois été passionnés et impératifs (« un Non » sans plus de discussion).

On ne s’y attendait pas toujours, parfois on a sous-estimé l’ampleur du débat politique. On a opposé parfois la lutte immédiate, revendicative à la lutte politique pour le Non. Et si le Non n’a rien changé : toujours des licenciements, du chômage, des salaires en baisse, dans les têtes les choses ont encore évolué, les consciences se forgent « qu’on ne peut plus continuer comme ça ». De sorte que les communistes révolutionnaires sont encore moins à contre-courant, mais ils ont du pain sur la planche !

Il faut se rappeler que c’est la troisième défaite pour le gouvernement de droite en
l’espace d’un an. Après sa complète déroute aux Régionales et aux Européennes de
2004, il s’agit d’une nouvelle illustration de son irréversible impopularité. C’est aussi la crise de la représentation politique et de la démocratie bourgeoise qui est renforcée par les résultats et la victoire du Non : les forces, qui totalisent 86 % des sièges à l’Assemblée Nationale sont minoritaires dans le pays. Le pays « représenté » est loin d’être le pays réel !

ET MAINTENANT ? ET APRÈS ?

C’est la vraie question. Quelles sont les perspectives de changements véritables ? On sait que c’est là que le camp du Non diverge. Préparer les prochaines élections pour mettre au pouvoir une alliance dite de gauche ? Pour voir les mêmes (Fabius et Cie) ou de nouveaux venus (Besancenot,…) gérer « socialement » le capitalisme,peindre en rose les feuilles de licenciement, endormir les chômeurs par des augmentations d’indemnités à condition qu’ils acceptent des contrats précaires ? Non merci, on a déjà donné. C’est pourquoi il faut rejeter les demandes de « renégociation du projet de Constitution européenne », comme vient de le faire Marie-Georges Buffet. Ou encore la tenue « d’états-généraux européens, une assemblée constituante pour écrire une nouvelle constitution », évoquée par les organisations de l’appel des 200.

Deux perspectives ouvrant la voie à Fabius qui a déjà cité les articles du traité constitutionnel qu’il faudrait modifier pour le rendre acceptable. La plupart des dirigeants du Non de gauche (y compris la LCR) proposent une autre constitution. Une constitution élaborée « démocratiquement » qui cautionnerait la construction d’une Europe impérialiste. Parler d’« Europe sociale », c’est comme parler d’un utopique « capitalisme à visage humain ».

Une « nouvelle assemblée constituante » ne pourrait être dans ces conditions qu’un
nouvel habillage de la concurrence et du profit, cause de tant de licenciements, de
baisses de revenus et de précarité de vies. C’est justement à cela qu’il faut s’attaquer, l’État ayant montré une nouvelle fois son vrai visage au service des monopoles capitalistes. On ne peut rien en attendre. Les changements seront révolutionnaires ou ne seront pas !

AU CONTRAIRE, IL NOUS FAUT AIDER LE MOUVEMENT NAISSANT À S’AFFIRMER ET À S’ORGANISER :

★★★ Dans les luttes sociales,sans lesquelles il n’y a pas de victoires ni d’acquis
sans rapport de forces. Et les besoins urgents ne manquent pas :

FACE AU CHÔMAGE*. Travailler moins,pour travailler tous. Pour les chômeurs un revenu garanti au moins égal au salaire minimum.

FACE À LA PRÉCARITÉ*. Non à l’intérim et à l’intermittence : embauche en fixe à durée indéterminée.

FACE AUX RESTRUCTURATIONS* permanentes. Zéro licenciement, maintien des postes de travail.

FACE À L’APPAUVRISSEMENT*. Pas de salaire en dessous de 1 200 euros ; pas de salaires ou autres rémunérations au-dessus de 3 000 euros ; travail égal,salaire égal pour les femmes, les jeunes ou les immigrants.

RETRAITE* à 55 ans à taux plein.

SANTÉ* : Gratuité totale des soins.

FEMMES* : Des revendications économiques,sociales et politiques visant à l’égalité avec les hommes. Là aussi,l’objectif est de favoriser l’unité économique, politique et culturelle des travailleurs.

★★★ Dans les luttes politiques, sans lesquelles la question de la lutte pour le socialisme véritable et la question du pouvoir ne sont pas posées. Lutte politique pour la :

DÉMOCRATIE*. Défendre les droits des travailleurs, les développer dans le sens de l’égalité de tous (femmes-hommes, immigrés-français, jeunes-vieux), tant dans le domaine politique qu’économique.

IMMIGRATION*. Les immigrants font bien souvent partie du prolétariat.Travailler à son unité exige l’égalité complète en droits.

ÉCOLOGIE*. « Verts parce que rouges ». Les transformations de la nature doivent être au service des êtres humains et non au service de l’accumulation capitaliste.

POLITIQUE INTERNATIONALE*. Contre l’Europe en construction qui ne peut être qu’impérialiste,pour l’union entre les travailleurs d’Europe et du monde entier.

C’est pourquoi nous devons développer, à l’image de la réunion que nous avons lancée à Saint-Ouen dans le 93, des réunions internationalistes, pour construire la solidarité internationale contre l’Europe impérialiste.

★★★ Dans les luttes idéologiques sans lesquelles la conscience des causes des difficultés et des forces pour s’y attaquer est écrasée par l’idéologie, la culture dominante bourgeoise.

Toutes ces luttes sociales, politiques et idéologiques ne peuvent être menées à bien
et couronnées de succès qu’en s’en donnant les moyens, qu’en construisant un nouveau Parti communiste révolutionnaire. C’est pourquoi toutes les luttes aujourd’hui ne peuvent et ne doivent être envisagé que de ce point de vue : conscience et organisation. Autrement dit, du point de vue de la construction du Parti, du point de vue de l’avenir !

C’est à cela que notre organisation communiste travaille, alors rejoignez-nous !

Construisons ensemble l’alternative communiste et révolutionnaire !

Gérard Lecoeur

* Nous avons donné là des extraits de notre Manifeste : De la résistance à la contre-offensive. Pour en savoir plus, demandez-le à notre boîte postale pour 2euros.