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Avoir le sens de l’orientation
Editorial de Partisan N°198 (novembre 2005)
La journée de grève et de manifestations du 4 octobre, puis le conflit SNCM, posent une fois de plus le problème des directions syndicales.
Aucune suite n’est prévue à la journée du 4, malgré son absence de résultat.
Et la direction nationale de la CGT, dans le conflit SNCM, a vraiment donné l’impression de mieux organiser la reprise que le soutien.
CE QU’IL FALLAIT DIRE ET RÉPÉTER.
Une guerre est d’abord affaire de propagande, et le soutien devait être avant tout politique.
Pourquoi la SNCM était-elle déclarée au bord de la faillite ? Parce que, au fil des années, elle perdait sa clientèle au profit de Corsica Ferries. Comment faisait Corsica Ferries pour être moins chère ?
Elle employait des marins — cubains, panaméens...— suivant la règle, associée désormais au nom de Bolkestein, dite « du pays d’origine ». Et en ne se donnant pas le rôle de service public ayant à assurer la « continuité territoriale » même avec des
bateaux souvent à moitié vides. Corsica Ferries s’est implantée sur les lignes corses
– uniquement les plus rentables – en 1996, suite à la décision du conseil des ministres européens, fin 1992, de « libéraliser » le transport maritime. Tout cela
devait être dit, répété, crié ! Mais avez-vous vu, sur vos lieux de travail, des tracts
syndicaux dénonçant ce processus ?
Pourtant nous sommes tous concernés. Ce qui se passe sur les liaisons maritimes
s’est déjà fait pour le courrier et commence tout juste pour le rail.
Les médias de la bourgeoisie ne s’y sont pas trompés. Ils ont fait du conflit SNCM
une affaire nationale. C’est incroyable mais ils réussissent à faire passer des travailleurs pour des privilégiés à partir du moment où ils ont un salaire, un CDI, des
avantages acquis, et le droit de faire grève ! La preuve qu’ils exagèrent, c’est
qu’ils sont encore en grève ! Pas étonnant que leur entreprise soit en difficulté !
Selon un procédé que les chômeurs, les sans-papiers et autres catégories de travailleurs connaissent bien, la victime est transformée en coupable.
DES REVENDICATIONS CLAIREMENT OUVRIÈRES.
Face au rouleau compresseur médiatique, il faut des revendications claires, et une action déterminée. « Zéro licenciement », « A travail égal, salaire égal », voilà des revendications claires ! Mais se battre pour une participation majoritaire de l’État dans le capital, c’est illisible pour les autres travailleurs. Les travailleurs d’Areva, et bien d’autres, pourraient vous rappeler que c’est l’État qui les licencie. Et l’action, c’est une lutte la plus large possible montrant les intérêts communs (la défense de l’emploi) qui fondent la solidarité. Et elle n’est pas juste si elle n’inclut pas, au moins dans son discours et ses objectifs, la solidarité avec les travailleurs soumis à la règle du « pays d’origine ». Ces deux points paraissent de bon sens, mais nous savons bien que le culte de l’État fait des ravages. Et que la défense du « potentiel industriel français » ou européen s’oppose toujours aux intérêts de classe et à l’unité des exploités.
Le mécontentement grandit, au rythme où la concurrence entre capitalistes s’aiguise
et où la situation des travailleurs se dégrade. « Les profits montent, la colère aussi », résume une belle formule. Deux illustrations, complètement différentes, de cette situation : le vote pour le NON au référendum du 29 mai, et le retour, ces derniers
mois, des luttes pour les salaires, comme à TotalFinaElf de Gonfreville l’Orcher.
Le mécontentement grandit, mais comment peut-il s’exprimer ?
UNE AFFAIRE D’ORIENTATION.
La bourgeoisie, classe dominante, possède, avec son État et autour de lui, un état-major qui lui permet de surmonter ses contradictions… et d’entretenir celles des travailleurs. La classe ouvrière n’a rien de tel. Elle doit construire son unité et son organisation.
La grande faiblesse des militants combatifs, c’est leur localisme, leur « basisme
». Dès que deviennent urgentes une lutte nationale, une solidarité nationale, une grève générale, les espoirs se tournent vers… Bernard Thibault. Et pourquoi
pas Chérèque ?!
Quand elle devient nationale, écrivait Marx dans « Le Manifeste », la lutte des
ouvriers devient politique. Or la politique est d’abord une affaire d’orientation.
Virer Bernard Thibault et changer de secrétaire général sera peut-être à l’ordre du jour du prochain congrès confédéral en avril 2006. Mais on peut changer de secrétaire général comme on change un ministre devenu trop impopulaire. Sans changer d’orientation. Il est vrai que remplacer une direction et une orientation nationales n’est pas à la portée du premier venu, mais changer sa propre orientation, oui.
La colère monte, et nous n’avons pas, ou si peu, d’orientation politique claire,
ouvrière, révolutionnaire. Cette orientation politique ne peut être portée que par
une organisation politique. Donnons encore la parole à Marx — il n’est pas inutile actuellement de revenir aux fondamentaux ! A la veille de la Commune de Paris, alors que les Prussiens ont envahi la France, que la situation est chaude par conséquent, Marx écrit, au nom de l’Association Internationale des Travailleurs : « Que calmement et résolument, ils (les ouvriers français) profitent de la liberté républicaine pour procéder méthodiquement à leur propre organisation de classe ».
Calmement, résolument, méthodiquement : l’organisation !
A lire dans Partisan n°198 :
- SNCM : Leçons d’une grève
Le logement des travailleurs
Allemagne : Désastre électoral
Spécial Commune de Paris (1871)
Syndicats : Congrès UD-CGT
Amiante : "Un crime social"
Libérez Angelo !
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