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Le rapport de production précarisé

Partisan N°237 - Avril 2010


Le rapport de production précarisé
Tom Thomas, LA CRISE, LAQUELLE ? ET APRES ?, page 86

Toujours plus de flexibilité ! Désormais, l’ouvrier doit être encore plus que cela. Il doit accepter de travailler intensément quand le capital en a besoin, et d’être immédiatement rejeté lorsqu’il n’en a plus besoin.
Il doit être totalement disponible aux besoins du capital. Il doit subir une alternance perpétuelle de périodes de travail intense et de non travail, un déplacement de lieu au gré des mouvements du capital. Il doit subir les effets de la segmentation mondiale du procès de production à savoir les délocalisations. Le travail ainsi intensifié, segmenté, intermittent et aléatoire, ne lui procurera pas un surcroît de salaire. Bien au contraire, celui-ci sera diminué et aléatoire. C’est une partie de ce que désigne la notion de travail précaire ou de rapport de production précarisé.
Ce rapport précarisé est celui que tend à systématiser et renforcer la bourgeoisie comme moyen d’augmenter la plus-value. Il présente plusieurs avantages pour les entreprises à forte intensité capitalistique dont on peut maintenant donner un résumé :
1 : Le travail précarisé n’est pas seulement le travail intermittent, mais aussi la multiplication des emplois à temps partiel, tout cela générant des salaires partiels. Les « working poors » travailleurs pauvres, voient leur nombre croître.
2 : Le travail court est adéquat à la recherche du maximum d’intensité et de qualité du travail : le rendement prolétaire est toujours plus élevé dans les premières heures… Dans certaines limites, on gagne en intensité ce qu’on perd en durée. On a vu que tel était l’un des objectifs des lois Aubry sur les 35 h. Ce gain d’efficacité augmente le taux d’exploitation donc de plus value. (…)
3 : Mieux vaut donc, en général, pour un capitaliste, deux ouvriers travaillant chacun 4 heures qu’un seul 8 heures. De plus si l’un d’eux vient à manquer, l’autre peut être immédiatement appelé à le remplacer. Ou si la production doit ralentir, l’un d’eux pourra être renvoyé immédiatement. De même, l’usage massif des intérimaires constitue un volant de sécurité, réducteur de risques. A production just in time, travail just in time. Si on ne peut empêcher l’arrêt des machines, au moins qu’on économise sur le capital circulant : zéro stock d’intrants, zéro stock de produits finis, zéro stock d’ouvriers. Au moins, avec tous ces zéros, le capitaliste n’aura à supporter que l’immobilisation du capital fixe.
4 : Le rapport de production précarisé est une réponse du capitalisme au phénomène de réduction de la quantité de travail vivant prolétaire qu’il peut employer pour une production donnée. Il en tient compte à sa façon : 1) en raccourcissant le temps de travail prolétaire, 2) en présentant tout cela comme « des mesures pour l’emploi », une façon à lui de partager le travail prolétaire en le rendant plus productif. La cerise sur le gâteau : il pourra faire croire qu’il diminue le chômage.

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