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Coliposte : solidarité de classe en actes !
Partisan N°238 - Mai 2010
Peux-tu nous décrire la situation à ton travail ?
Avant, je travaillais à Créteil (94) dans un centre colis. Il a fermé car il fallait une machine plus performante. Tout a été recentré sur un nouveau site avec une nouvelle machine à Moissy-Cramayel (77). Avant, on encodait, c’est-à-dire que l’on tapait les codes postaux des paquets, qui étaient ensuite dirigés vers les containers, en passant sur un carrousel. Maintenant, la machine lit les adresses sur les six faces des paquets et elle encode. On a un rendement plus fort, 300 000 paquets/jour (maximum). C’est la première plate-forme de ce type en Europe, la deuxième au niveau mondial. C’est une vitrine pour Coliposte.
Comment s’est passée la restructuration ?
On nous a dit en février dernier à Créteil que les nuits fermaient, avec pas de possibilités d’aller en jour. En mai, ils ont fermé le jour. On a choisi de ne pas se battre sur le maintien du site, mais sur les conditions du transfert. On en a discuté avant entre nous. A Melun, qui est un centre comme nous et qui fermait aussi, ils ont eu des primes différentes suivant les services et ont accepté. Nous, à Créteil, on était majoritaires et on a refusé ça. Nous avons exigé la même prime pour tous, en opposition à l’accord. Nous avons fait voter cette position dans toutes les Assemblées générales que nous avons fait. Pour nous c’est tout ou rien, pas de divisions entre nous. A la réunion, nous étions légitimes, la direction a dû accepter après une grève. Résultat : 4 000 euros chacun, plus les indemnités kilométriques.
Comment c’est à Moissy ?
Si à Créteil nous avions simplement des badges, à Moissy, il y a 5 badgeages, des portiques comme dans les aéroports, des vigiles, tu vides tes poches. On a obtenu des chaussures de sécurité en kevlar (qui ne sonnent pas dans les portiques). Les portables sont interdits, les MP 3 aussi. Des vigiles tournent sur le lieu de travail et nous surveillent. Au début, interdit de sortir sur le parking pendant les pauses, d’ouvrir les 80 portes du quai, même l’été, de prendre 5 minutes pour fumer. Il y avait même une cour de promenade, comme en prison, pour fumer. Le choc pour nous ! Les conditions de travail de plus en plus dures, avec les machines qui carburent de plus en plus. Il y a même un tri pour les paquets « hors normes », mais en vérité, il n’y a plus de limites de poids. Les paquets vont directement dans les camions, mais à l’intérieur, il faut empiler. Tendinites et coût cardiaque, disent les médecins du travail. Au poste de surveillance de la machine, on est seuls, éloignés les uns des autres. C’est « suicide mode d’emploi ».
Et quel type de résistance ?
On est arrivés au mois de mai. En juin, première grève à 90%. Revendications : ouvertures des portiques, amélioration des positions de travail. Ça a bien soudé les gens. Une nuit, un débrayage sauvage, pour que les portes restent ouvertes, on étouffait. On voulait aussi de l’eau. A l’AG tout le monde est venu, même si on était dans l’illégalité. Ça s’est réglé sur le champ.
Tu parles d’unité de classe ? Comment se pratique-t-elle ?
C’est surtout en direction des intérimaires. Déjà, ils n’ont pas les mêmes gilets que nous. Nous c’est les rouges, les chefs c’est jaune, normal, et les intérimaires vert. Quand le travail est fini, les intérimaires mettent leur gilet dans un conteneur, ceux de l’équipe suivante les enfilent et ainsi de suite. A la fin ils sentaient mauvais. On s’est battus pour qu’il y ait des gilets en propre par équipe. On a fait des AG et des méga pressions aussi pour le retour d’une intérimaire soi-disant « pas assez rentable ». On a gagné. On s’est battus aussi pour tourner sur les postes de travail, et que les plus pourris ne soient pas donnés systématiquement aux intérimaires. C’était la première fois que les intérimaires étaient défendus. Désormais, on est soudés, on a obtenu qu’ils aient la même prime de fin d’année que nous.
Comment est vécue cette unité de classe ? Quels liens gardez-vous ?
Les intérimaires travaillent 3 mois, puis tiers-temps d’inactivité. D’autres arrivent, puis les premiers reviennent, c’est un turn-over. Ils savent bien qu’il y a des embauches régulières, nous on veut l’embauche de tous. Bien sûr, il y en a qui sont contre l’unité, ce sont de vieux fonctionnaires, très minoritaires. Même si on ne syndique pas les intérimaires, on leur explique ce qu’est la solidarité de classe. Que, en défendant leurs conditions de travail, on défend nos conditions de travail de demain. On fait aussi des dossiers Prud’hommes pour les intérimaires qui se sont fait virer de leur entreprise avant.
Quel avenir pour cette solidarité, comment la développer encore ?
Tout cette activité construit un réseau. On utilise Partisan aussi en affichant les parties sur le syndicalisme et l’international. Sur la zone, il y a d’autres entreprises, faudra qu’on aille les voir. Il faut avant que l’on se mette en ordre de bataille, que l’on tienne bien localement. Dernièrement, on a fait grève contre deux licenciements pour fait de grève. Le 17 octobre, on a fait grève avec ceux de Gennevilliers (92) sur les conditions de travail et l’embauche des précaires. Ceux de Gennevilliers ont fait 90 kilomètres pour venir nous voir. A notre piquet, on a eu des échanges et des discussions. On a décidé de faire la même chose vers d’autres sites, de le faire ensemble, et même vers la province. Pour tisser des liens horizontaux, si on veut attendre les directions syndicales, on peut attendre longtemps.
