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Le NPA, un an après
Partisan N°238 - Mai 2010
Le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot a été fondé en février 2009. Où en est-il aujourd’hui ? Nous n’avions pas été tendres avec cette initiative, ce qui nous avait valu de nombreuses critiques. Nos articles qui s’attaquaient aux textes issus du NPA pouvaient donner l’impression de sectarisme. Mais qu’avions-nous alors à nous mettre sous la dent ?
La liberté laissée dans la constitution des comités, censés représenter la base de ce nouveau parti, ont donné lieu à des pratiques totalement différentes et souvent contradictoires. Nous avons vécu ces contradictions à la base puisque nous avons assisté, là où nous le pouvions, aux réunions de lancements des différents comités.
Dans les faits, la priorité annoncée - de construire cette nouvelle organisation dans les entreprises – n’a été suivie d’effet que là où il existait une implantation de la LCR ou de la fraction de Lutte Ouvrière. Au niveau des quartiers, aucune méthode n’a été proposée et aucun axe de lutte priviligié. C’est ainsi que certains comités du NPA portent le nom de quartiers populaires dans lesquels aucun membre ne vit. Nous avons également appris que l’on ne prend pas l’opportunisme au piège des formules. Il ne sert à rien de critiquer le NPA par rapport à ce qu’il écrit puisque, depuis un an, tout et son contraire a pu être publié par les militants qui s’en réclament. Un signe de démocratie ?
Voyons où mène cette « démocratie ».
Nous participons à la mise en place d’une opposition syndicale de classe au sein de la CGT et nous militons avec des camarades du NPA qui se retrouvent eux-mêmes confrontés à d’autres membres du NPA qui, eux, soutiennent la direction confédérale... pendant qu’une bonne partie de l’organisation s’en fiche et que sa direction prend soin de ménager la chèvre et le chou. Concrètement, cela aboutit à un refus absolu de se mouiller dans un débat qui a pourtant un écho direct dans la lutte des classes. On nous objectera qu’il ne faut pas mélanger la politique et le syndicalisme. Nous pensons pour notre part qu’une organisation politique doit avoir un avis sur tout ce qui touche à la vie des travailleurs : comment abattre le capitalisme avec eux si on n’est même pas capables de dire leur fait à ceux qui les trompent ?
Et nous avons des exemples très concrets de ce double discours : nous avons ainsi vu le NPA distribuer un tract remerciant Bernard Thibault pour sa venue en soutien aux ouvriers de Molex, au moment même où la direction de la confédération CGT refusait sciemment de soutenir les initiatives des différentes boîtes en lutte et l’ébauche de coordination mise en place. Une coordination au sein de laquelle des militants d’entreprise du NPA on eu un rôle moteur. Il ne s’agit donc pas de se gargariser avec de grandes phrases, mais bien de montrer à quelles impasses politique mène l’opportunisme.
Dans la structuration même
Dans sa structuration même, le NPA porte les germes de la division. Il a le mérite d’investir des fronts de lutte souvent délaissés par les révolutionnaires, comme le sexisme ou l’homophobie, mais il n’articule pas les différents champs de son intervention. La commission antisexiste travaille dans son coin, la commission entreprises aussi... Il n’y a pas de collectivisation, et peu d’échanges, avec les conséquences que l’on imagine. Là encore, cela se fait au nom du principe pseudo-démocratique que « rien n’est principal ». Et donc, finalement, que rien ne se partage. Pour nous, ce qui est principal, c’est la lutte des classes. Le coeur de notre intervention, c’est la classe ouvrière, et plus généralement le prolétariat. Nous pensons que ce qui est en jeu, avec des questions comme la lutte contre le sexisme, l’homophobie ou le racisme, c’est la question de l’unité. C’est dans ce cadre que nous le traitons. Ce n’est pas toujours simple, mais il s’agit d’un travail collectif, même si nous sommes une toute petite organisation.
On scruterait donc en vain ce qui unit les différents militants du NPA. Ce n’est ni ce qu’ils pensent, ni ce qu’ils font. Leur seule pratique commune, ce sont les élections. Et on touche au fond du problème : l’idée qu’elles pourraient changer quelque chose. « Contre-sens », nous objecteront les militants du NPA, « nous y allons pour populariser notre programme ». Voilà beaucoup d’efforts pour populariser un projet fourre-tout, où se mélangent des revendications platement réformistes, et d’autres (l’interdiction des licenciements) qui, si elles étaient reprises par la population, pourraient déboucher sur la révolution. Nous ne sommes pas hostiles par principe au fait de présenter des candidats aux élections, mais cela ne signifie pas qu’il faille en présenter tout le temps comme s’il s’agissait d’un dogme intangible. Dans un contexte de rejet, même passif, du parlementarisme, il faut construire notre camp, propager l’idée qu’il n’y a rien à attendre des politiciens, et ne pas faire constamment de bouche-à-bouche au cadavre de la démocratie bourgeoise, en propageant l’idée absurde que les lieux où s’exerce le pouvoir d’Etat, parlements, conseils régionaux..., pourraient être, dans le contexte actuel, des outils de résistance. Le NPA veut des élus, incontrôlés et incontrôlables ; ils risquent rapidement de se laisser prendre au jeu de la délégation des pouvoirs.
En termes de classe...
En termes de classe, le NPA séduit et continue de séduire une fraction de la petite-bourgeoisie d’Etat (enseignants, travailleurs sociaux...), de prolétaires frappés par le démantèlement des services publics (Poste, SNCF...) et d’ouvriers combatifs du privé. On retrouve tout cela dans son idéologie : un discours de lutte, mais aussi un véritable fétichisme de l’Etat, chargé de satisfaire les besoins de la population. Des services publics identifiés unilatéralement à la « propriété des citoyens ». Mais aussi, et c’est nouveau, une tendance à promouvoir des modes de production alternatifs souvent individuels. Tout ce petit monde a trouvé pour s’unir la popularité médiatique d’Olivier Besancenot. Elle donne l’impression d’être « dans un gros truc ». Et on peut apposer le sticker NPA à son tract d’entreprise comme à sa réunion publique sur la décroissance.
Et cela continuera. Pour répondre à un besoin criant, de nombreux militants du NPA réclament la mise en place d’une formation centralisée. Peine perdue. Chaque tendance organise ses propres formations. Et ceux qui ne sont pas au fait de tout cela restent sur le carreau. Pourquoi ? Parce que l’on ne peut pas centraliser des orientations de classe et des orientations politiques aussi différentes.
Nous militons avec, parfois contre
Nous militons avec des camarades du NPA, parfois contre eux. Et si nous voulons, nous aussi, construire un parti, un parti communiste, nous constatons chaque jour davantage que la proposition de la LCR, plutôt mal préparée, n’a pas atteint son objectif : unir et organiser un nombre significatif des travailleurs pour développer avec eux des perspectives révolutionnaires.
Les élections régionales ont encore tendu les choses au sein de cette organisation. Le débat sur le voile, l’échec des candidatures NPA, et, à l’inverse, le succès rencontré en Limousin sur une base réformiste risquent de conduire à une explosion du nouveau parti si les oppositions se structurent. Si ce n’est pas le cas, de nombreux militants s’effaceront petit à petit, signant l’échec d’une initiative prisonnière des hésitations opportunistes de l’ex-LCR.
Ibrahim Attia
« Pourquoi nous ne rejoindrons pas le NPA ! »
Voici ce que nous disions en janvier 2009(supplément au n° 224 de Partisan) :
Le NPA représente aujourd’hui une proposition nouvelle d’un nouveau parti, et cela a un côté positif. Enfin, on ne parle pas seulement des luttes, mais de la nécessité d’un quartier général pour les exploités, ça faisait longtemps qu’on n’en entendait plus vraiment parler.
Pourtant, nous ne rejoindrons pas ses rangs. Car le NPA n’est pas un parti ouvrier, mais le parti du tous ensemble et de tous les salariés. Il n’est pas le parti du communisme, mais le parti des luttes et des élections. Il n’est pas un parti révolutionnaire affirmé, mais louvoie entre le réformisme radical et un timide discours anti-capitaliste. Le NPA va évidemment faire des alliances pour les élections avec des traîtres qu’on connaît bien, va masquer les contradictions pour ratisser large (c’est déjà bien parti !), va caresser dans le sens du poil sans éduquer réellement à la marche au communisme. Aujourd’hui, son discours ressemble à une savonnette, adaptée à chaque public.
Ce n’est pas comme cela qu’on avancera, on ne fait qu’ajouter de la confusion à la confusion.
Nous voulons construire un vrai parti communiste... Contre la crise, le chômage, la misère, le chauvinisme, pour construire notre avenir.
Photo : Photothèque Rouge/JMB
